L’armée libanaise s’est déployée en force vendredi en début de soirée à Tripoli, ville du nord du Liban théâtre de heurts confessionnels meurtriers depuis cinq jours. Ce déploiement massif intervient sur fond de rumeurs sur une éventuelle escalade de la violence dans la nuit.
La troupe a par ailleurs effectué des perquisitions musclées dans plusieurs quartiers de la ville.
Les affrontements se sont intensifiés, vendredi matin à Tripoli, après la mort d'un jeune cheikh sunnite, ont rapporté l'AFP et l'Agence nationale d'information (ANI, officielle).
Khaled el-Baradei, un cheikh de 28 ans, a été tué dans des combats qui ont éclaté à l'aube après un fragile cessez-le-feu décrété mercredi soir, entre le quartier alaouite de Jabal Mohsen (pro-Assad, majorité alaouite) et celui sunnite de Qobbé (anti-Assad, majorité sunnite), selon l'AFP. L'ANI a précisé que le religieux a été tué par un franc-tireur.
En soirée, une roquette s'est abattue à l'entrée de Bab el-Tebbaneh.
Dans la journée, la menace des francs-tireurs planait sur plusieurs quartiers de Tripoli. Des francs-tireurs ont notamment été signalés sur l’autoroute maritime de la ville et au niveau du rond-point Abou Ali.
C'est là, près de Bab el-Tebanneh, que, selon des sources médicales citées par l'AFP, un technicien et une journaliste de Sky News Arabia ont été légèrement blessés au pied et à la tête par des balles perdues.
L'ANI a par ailleurs indiqué en début d'après-midi que sept soldats libanais ont également été blessés par des francs-tireurs sur la rue de Syrie qui sépare les quartiers de Bab el-Tebbaneh et Jabal Mohsen.
Issam Maarabani, un citoyen Libanais, a lui aussi été visé par ces francs-tireurs. Touché dans le quartier sunnite de Qobbé, il a succombé vendredi à ses blessures. Une troisième victime, Walid Masmas, un habitant du quartier de Bab el-Tebbaneh, a également succombé vendredi après-midi à ses blessures.
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Plan sécuritaire
La chaîne de télévision MTV a, de son côté, indiqué que des hommes armés se sont déployés en début d'après-midi dans différents quartiers de la ville et a affirmé que le plan sécuritaire prévu par l'armée n'est "toujours pas entré en vigueur".
Le ministre de l'Intérieur, Marwan Charbel, a déclaré à la LBC, à ce sujet, que la mise en oeuvre du plan sécuritaire allait prendre 48 heures.
L'armée, selon l'ANI, riposte déjà aux tirs et a renforcé ses patrouilles dans la rue de Syrie.
Les combats à l'arme automatique et au lance-roquettes ont provoqué, plus tôt dans la journée, d'importants incendies dans les quartiers de Jabal Mohsen et Bab el-Tebbaneh, situés dans l'est de la grande ville portuaire, a indiqué pour sa part un correspondant de l'AFP.
Les civils fuient
Face à ces violences, des familles ont été contraintes de fuir en faisant des trous dans les murs de leurs appartements à travers lesquels elles ont fait descendre des échelles en bois, a rapporté l'AFP.
"Je ne peux plus supporter cette situation. J'ai chez moi trois familles qui ont fui les violences" depuis le début de la semaine, a dit à l'AFP Ahmed Breiss, carrossier à Qobbé. "Nous n'avons rien à voir avec ce qui se passe en Syrie, nous voulons vivre en paix", a-t-il lancé. "On a à peine de quoi vivre et les miliciens, eux, recoivent des salaires, ils ne militent pas pour une cause mais pour leurs propres intérêts".
Ce matin, l'Agence libanaise a par ailleurs indiqué que sept hommes masqués ont mis le feu à plusieurs magasins au centre de Tripoli, place al-Nour.
Une nouvelle réunion samedi
Cette nouvelle vague de violences est intervenue quelques heures après une réunion sécuritaire importante au domicile de M. Mikati à Tripoli jeudi soir, et au terme de laquelle les participants ont appelé l'armée à préserver la sécurité dans la capitale du Liban Nord "par tous les moyens".
Plusieurs ministres, députés et responsables de la sécurité ont participé à cette réunion, dont le ministre de la Défense Fayez Ghosn, le ministre de l'Intérieur Marwan Charbel, le ministre des Finances Mohammed Safadi, originaire de la ville, de même que les députés Mohammad Kabbara, Robert Fadel, Samir el-Jisr et le directeur général des Forces de sécurité intérieure, Achraf Rifi.
Les responsables ont également appelé le corps judiciaire à poursuivre tous ceux qui "ont menacé la sécurité de la ville de Tripoli" et ont demandé au Haut Comité de secours de compenser les pertes subies par les parents des martyrs.
Ils ont discuté d'une solution permanente à ces affrontements "qui menacent désormais la paix civile de Tripoli et du Liban", selon le texte. Ils ont enfin exhorté le mufti de Tripoli et du Liban-Nord, cheikh Malek Chaar, à rassembler les parties impliquées dans le conflits, à renforcer la coexistence et à poursuivre les efforts entamés depuis 2009 pour une réconciliation.
Une nouvelle réunion doit avoir lieu samedi. Le député du Courant du Futur Mohammad Kabbara a accusé la Syrie d'être responsable de la flambée de violences à Tripoli.
Au total, les combats, entamés lundi, ont fait au moins 14 morts et 86 blessés en quatre jours. Il s'agit du dernier épisode d'une série de combats qui secouent régulièrement Tripoli depuis le début de la crise en Syrie il y a 17 mois.
Le Premier ministre Nagib Mikati a renouvelé vendredi l'appui de son gouvernement à l'armée précisant que l'institution militaire devait "contenir la situation et préserver la sécurité des citoyens de la ville".
Le chef du Courant patriotique libre (CPL), Michel Aoun, a, de son côté, affirmé aujourd'hui que les combats interconfessionnels qui se déroulent à Tripoli n’allaient pas s'étendre à d’autres régions. "L’instabilité ne se propagera pas à d’autres régions parce que notre camp la contient", a déclaré M. Aoun lors d’une rencontre avec des groupes finançant son courant.
Le chef de la sûreté générale, Abbas Ibrahim a par ailleurs estimé que le Liban ne sera pas entraîné dans une guerre civile. "Une guerre civile n’éclate pas lorsque des problèmes surviennent dans la région", a déclaré le général Ibrahim. "Je ne crois pas qu’il y ait des forces politiques qui veulent une guerre civile au Liban".
Mises en garde internationales
L’ambassade américaine à Beyrouth a exprimé vendredi sa "vive inquiétude", affirmant que le régime syrien devrait être tenu responsable de cette tentative de déstabiliser le Liban. Moscou a rejeté pour sa part toute ingérence au Liban.
Hier, la France avait mis en garde contre toute importation du conflit syrien sur le territoire libanais, alors que le département d'Etat américain s'est dit "très inquiet des violences" au Liban et d'une "réaction en chaîne à partir de la Syrie".
L'ONU a, de son côté, appelé la communauté internationale à soutenir davantage le Liban face aux risques de déstabilisation liés aux retombées du conflit syrien.
Paolo Dall'Oglio, un père jésuite d'origine italienne qui était basé en Syrie, a également mis en garde vendredi contre les affrontements interconfessionnels dans la région estimant que "les chrétiens doivent tout faire pour éviter que la haine communautaire ne l'emporte en Syrie, pays de "l'œcuménisme arabe", sinon cette logique deviendra "la règle", du Liban au Pakistan.
Le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a, de son côté condamné ces affrontements et déploré leur impact négatif sur son travail auprès des réfugiés syriens au Liban.
"La détérioration de la sécurité au Liban freine notre travail d'aide aux réfugiés fuyant le conflit en Syrie, bien que les opérations se poursuivent", a déclaré un porte-parole du HCR, Adrian Edwards.
"Les affrontements entre quartiers rivaux de Tripoli continuent, ce qui a une incidence sur le rythme d'enregistrement (de réfugiés) dans notre nouveau centre dans la ville", a-t-il ajouté.
Dans la vallée de la Békaa, dans l'est du pays, les opérations d'enregistrement de réfugiés sont aussi gênées par l'insécurité liée aux enlèvements de Syriens, déplore également le HCR.
L'agence humanitaire a enregistré pour l'instant 51.000 réfugiés au Liban.
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Pendant ce temps, le chef du gouvrnement fait "des réunions sécuritaires à son domicile" et prend des "mesures". Imaginez ce qui arriverait s'il n'en faisait pas et n'en prenait pas. En même temps, plusieurs super (ir)responsables politiques -vous les connaissez bien- vous chantent qu'ils ne permettront pas qu'il y ait un conflit sectaire au Liban. Ils n'entendent pas naturellement le conflit sectaire sunnito-alaouite/chiite, qui leur a été ordonné, avec la plus grande impatience, par le régime de la super "moumana3at" de Damas et déjà en cours à Tripoli, par force et grâce de Rifaat Eid (seule la chaîne al-Manar n'est pas au courant de ce conflit). Ils entendent le conflit entre les Tsiganes éparpillés aux rond-points de Beyrouth.
10 h 44, le 24 août 2012