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À La Une - Reportage

En Syrie, un Aïd sans fleurs pour les morts ni douceurs pour les enfants

"Que le coeur d'Assad brûle, comme il a brûlé le nôtre".

Un enfant pleure dans une rue bombardée d'Alep, dans le nord de la Syrie, le 19 août 2012, premier jour de l'Aïd el-Fitr, une fête normalement attendue avec impatience par les enfants. AFP/BULENT KILIC

En Syrie, plongée dans les violences depuis près d'un an et demi, les morts n'auront pas de fleurs sur leur tombe et les enfants pas de douceurs dans leurs poches cette année pour l'Aïd al-Fitr, la fête marquant la fin du jeûne du Ramadan.

 

La tradition veut que le premier jour de l'Aïd, les gens se réunissent dans les cimetières, fleurissent les tombes, récitent des sourates du Coran et déjeunent sur place. Cependant, beaucoup redoutent que ces rassemblements soient considérées comme une manifestation et violemment dispersés.

 

"Mes voisins et moi avons demandé au concierge d'acheter des chrysanthèmes et de les placer sur les tombes de nos chers disparus car nous avons peur d'y aller et d'être embêtés par les forces des sécurité", confie un commerçant de Damas qui ne donne que son prénom, Khaled.

 

Rompant avec l'hospitalité légendaire des Syriens, Rouba, un ingénieur de 38 ans, ne recevra pas cette année ses amis pour échanger des voeux. Sur sa page Facebook, elle a écrit : "Je m'excuse auprès de vous tous de ne pas vous recevoir et que la paix soit sur l'âme des martyrs".

 

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), les violences ont fait 23.000 personnes, en grande majorité des civils, à travers le pays depuis le début de la révolte contre Bachar el-Assad en mars 2011.

 

D'autres Damascènes ont évité d'acheter des gâteux et certains ont confié qu'ils n'offriraient que du café, comme lors de condoléances. "Et il sera amer", glisse même l'un d'eux.

 

Alors que des dizaines de milliers de personnes ont été arrêtées depuis 17 mois, Zeina, une femme de ménage de 43 ans, espérait revoir son fils à l'occasion de la fête. "Mais puisqu'il est toujours en prison, je n'ai rien à fêter", explique-t-elle.

 

Le conflit a développé l'humour noir que les Syriens ont eu l'occasion de parfaire durant un demi-siècle de dictature.

"Que Dieu nous envoie des voitures piégées de fleurs", affirme un SMS envoyé pour l'Aïd, "Bonne fête sans barrages de contrôle", lance un autre tandis qu'un troisième s'adresse à Dieu : "Envoie-nous des bombes pleines d'or et que des roquettes remplies de joie tombent sur nos maisons".

 

Et alors que les enfants musulmans attendent généralement avec impatience cette fête qui s'accompagne de cadeaux et de douceurs, six d'entre eux, âgés de 5 à 12 ans, sont morts dimanche matin, dont quatre frères et soeurs, lorsque des obus sont tombés devant leurs maison à Maaret al-Noomane, dans la province d'Idleb (nord-ouest), selon l'OSDH.

Au total, 1.300 enfants figurent parmi les victimes du conflit depuis mars 2011, selon cette organisation.

 

Dans la vieille ville de Homs, un quartier rebelle assiégé et bombardé quasiment chaque jour, les enfants "seront tristes, car nous ne pourrons leur offrir ni douceurs, ni nourriture, ni cadeaux, ni nouveaux habits pour la fête", affirme un jeune homme qui se présente sous le nom d'Abou Bilal.

 

"Je suis allé prier aujourd'hui dans la seule mosquée du quartier encore debout. Nous avons mis des sacs de sable devant les fenêtres avant de commencer la prière, au cas où l'armée bombarderait notre lieu de culte", ajoute à l'AFP ce militant joint par Skype.

 

Dans plusieurs villes du pays, des opposants au régime ont bravé la répression pour manifester. Sur un air emprunté à la chanteuse libanaise Fayrouz, des opposants ont chanté "Joyeuses fêtes, joyeuses fêtes, que Dieu te maudisse Bachar el-Assad" dans les rues de Qoudsaya, dans la province de Damas, selon une vidéo publiées sur YouTube.

 

Des manifestations ont également eu lieu à Barzé, dans le nord-est de la capitale, et dans plusieurs villes de la province d'Idleb, selon l'OSDH.

 

"Voilà comment nous célébrons l'Aïd", scandaient des dizaines de manifestants, dont des enfants, portant des drapeaux de l'indépendance syrienne, dans les rues de Kafr Zeita, dans la province de Hama (centre), selon une vidéo amateur.

"Que le coeur d'Assad brûle, comme il a brûlé le nôtre", lance sur une autre vidéo tournée dans la même ville une femme femme vêtue de noir, qui a perdu plusieurs de ses enfants.

En Syrie, plongée dans les violences depuis près d'un an et demi, les morts n'auront pas de fleurs sur leur tombe et les enfants pas de douceurs dans leurs poches cette année pour l'Aïd al-Fitr, la fête marquant la fin du jeûne du Ramadan.
 
La tradition veut que le premier jour de l'Aïd, les gens se réunissent dans les cimetières, fleurissent les tombes, récitent des sourates du Coran...
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