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Nos Lecteurs ont la Parole

Une journée à la plage

Par Jo HADDAD
C’est dimanche, jour de congé. Il fait beau, chaud et le soleil brille. Quoi de plus naturel que de profiter de ce repos dominical pour une escapade à la plage. Il fourre dans son baluchon une serviette de plage dans laquelle il a soigneusement roulé son maillot de bain et enfourche son tacot pourri, musique à tue-tête, direction les belles plages de sable blanc. Il est d’humeur badine et même le trafic monstre ne parvient pas à le déprimer. Il se surprend même à fredonner en conduisant. À peine arrivé, un valet parking en sueur, aussi poilu que l’abominable homme des neiges, en bermuda blanc, tee-shirt bleu clair et baskets blanches qui contrastent avec son apparence de yéti, se précipite pour lui interdire de se garer et lui ôter sa bagnole pour la garer bien loin des Porsche et autres bolides rutilants, seuls admis à se trouver devant l’entrée. Il est vrai que son tacot pourrait décourager les bourgeois et les bimbos qui sortent de leurs véhicules lentement, se dandinant et jetant autour d’eux un regard dédaigneux. À l’entrée, une nymphe en maillot, préposée à la caisse, s’offusque que monsieur n’ait pas réservé et, poussant un sourire de lassitude et adoptant une attitude de compassion, daigne lui trouver un transat de libre. 50 000 LL plus tard (le prix d’avoir le droit d’accéder à la mer), la demoiselle hèle une espèce de zèbre à l’accent indéfinissable, poilu lui aussi, qui transportant un parasol l’accompagne jusqu’à son banc si chèrement négocié. Il fouille dans sa poche pour lui fourguer 10 000 LL pour sa peine. Autour de la piscine, une faune d’individus aux corps reluisants, doigts et orteils écartés pour mieux laisser passer le soleil, dorés à point tels des homards, lèvent la tête paresseusement pour déterminer s’ils le connaissent. Les corps surgonflés au botox et les poitrines bourrées de silicone débordent des maillots dernier cri. C’est Silicon Beach. Il essaie autant que possible de ne pas croiser les regards pour éviter les éternels « Hi, Kifak, Ça va ? Chou tu es là ? » qui l’horripilent. Sur la plage, le maître nageur, beau, brun et musclé, médaille dorée en guise de pendentif, se croit dans un feuilleton de Baywatch et lorgne toutes les Pamela Anderson qui se pavanent. Soudain, un hurlement, c’est ledit maître nageur qui se précipite, horrifié, pour empêcher une Philppine de mettre son orteil dans la mer : « Water, Srilankié, No », lui hurle-t-il dans un anglais digne de Shakespeare. Bel exemple de civilité quand même.
L’heure avance et l’endroit commence à grouiller. Il n’y a plus de place pour marcher. Une musique indéfinissable que vomissent des haut-parleurs trouble la quiétude et couvre le bruit des vagues. Il reçoit sur son corps un jet de Ketchup de son voisin qui tartine son hamburger, suivi d’un ballon, jeté par des marmots hurlants, qui atterrit sur sa tête. La bière demandée arrive enfin. Tiède et facturée à 15 000 LL, à peine mieux que le kellage, froid et immangeable, facturé à 30 000 LL.
Il décide de piquer une tête dans l’eau mais il y renonce vite, vu les méduses et les sacs d’ordures en flottaison et à l’égout de couleur verdâtre qui s’y déverse à flots à 20 mètres plus loin qui agresse son sens olfactif. Il fait 35 degrés à l’ombre. C’en est trop. Il maudit cette journée. Il remballe ses affaires, se dirige vers le parking, attend sa bagnole 30 minutes because le trafic à l’entrée, doit encore débourser 15 000 LL au yéti dégoulinant qui lui ramène son tacot en laissant ses effluves nauséabondes à l’intérieur, rentre chez lui après deux heures dans l’embouteillage, et s’affale dans son salon, jouissant de l’air conditionné. Après une journée pareille, il en vient même à regretter l’enfer des journées de ski.
C’est dimanche, jour de congé. Il fait beau, chaud et le soleil brille. Quoi de plus naturel que de profiter de ce repos dominical pour une escapade à la plage. Il fourre dans son baluchon une serviette de plage dans laquelle il a soigneusement roulé son maillot de bain et enfourche son tacot pourri, musique à tue-tête, direction les belles plages de sable blanc. Il est...

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