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Culture - Rencontre

Béchara el-Khoury, de Beyrouth à New York, entre larmes et espoir...

Dans la ronde des visiteurs au palais des Émirats au Festival d’Abou Dhabi, le compositeur franco-libanais Béchara el-Khoury dont on applaudira en mai prochain à Beyrouth le lyrisme de l’une de ses œuvres. Un compositeur discret, qui a gardé intact un certain esprit de l’enfance et qui, une fois la musique évoquée, a beaucoup à dire...

Béchara el-Khoury.

À cinquante-cinq ans, les lunettes de myopie vissées sur le nez, les cheveux noirs à la brosse, Béchara el-Khoury a certainement toujours eu le feu sacré de la musique. Cela coule de source dans ses veines. Sa mère, sœur de Mansour et Assi Rahbani, lui a sans nul doute transmis le sens de la poésie, du lyrisme, de la cadence, du rythme et de la mélodie.


On remonte vite à la prime enfance en parlant des études entamées en 1969 (piano, harmonie, contrepoint, fugue, analyse et orchestration) avec Hagop Arslanian.


« À douze ans, confie-t-il, sourire malicieux en coin, j’avais déjà commis deux petits concertos pour piano... »
Puis il lui prend un désir de taquiner les muses et, comme tout jeune homme ténébreux à seize ans, publie trois plaquettes de poésies. Mais tout en assumant sa fonction de chef de chœur à l’église Saint-Élias à Antélias, pour lui c’est clair, c’est la musique et non la musicalité des rimes qui a ses faveurs.
« La musique c’est comme une respiration, explique-t-il. Je vis pour cela. Je ne sais rien faire d’autre. Seule la musique me procure le bonheur... »


Départ pour Paris et nouvelle formation avec Pierre Petit avant qu’Erato ne publie deux de ses albums. Et le cycle fécond de ses opus pour orchestre, voix, piano, cordes et instruments à vent, compose au gré du temps les strates d’une œuvre abondante et diversifiée. Avec des titres éloquents et romantiques.

Patience et modestie
 De La Danse des aigles au Requiem dédié aux martyrs libanais de la guerre, en passant par La nuit et le fou, Le regard du Christ, Les ruines de Beyrouth, Les fleuves engloutis, Le voyageur et son ombre, New York, larmes et espoir en mémoire de la catastrophe et les victimes des Twins Towers, voilà un torrent orchestral charriant toutes les douleurs et les bruits du monde, surtout ceux d’un Moyen-Orient embrasé. Car Béchara el-Khoury a toujours les attaches solides et tournées vers le pays du Cèdre.
Féru de Brahms (celui des concertos et des symphonies), Rachmaninov, Richard Strauss, Tchaïkovsky, Prokofiev, Bartok, Khatchadourian, Scriabine, Ravel, Debussy, Beethoven, Schumann, Mozart et Gabriel Yared, il est évident qu’avec de tels ascendants, sa musique, houleuse, emportée, passionnée, s’imbibe et résonne de l’esprit des steppes russes à teneur romantique. Il s’en défend très vite : « À une époque je revendiquais cela, dit le compositeur. Mais aujourd’hui, ma musique est plus personnelle, plus moderne. Comment me vient l’inspiration ? Tout simplement dans la rue, quand je marche. Une idée me vient en tête. Je la note ensuite sur le papier. Un papier sans portée musicale... Puis je rédige sur une partition normale et je procède à l’orchestration. Harmoniquement, je vérifie toujours sur le piano. Je me considère comme un postromantique et mes thèmes me sont dictés par les sentiments qu’inspirent la nature, la philosophie et les remous sociaux. Mais aussi je suis parfois sous l’emprise de certains textes, dont Gibran (comme pour Les dieux de la terre et La nuit et le fou), Nietzche (pour Le voyageur et son ombre), ou Lamartine (pour Le chant d’amour).


Six années que Béchara el-Khoury n’a pas mis les pieds sur la terre natale. Ses œuvres ont été interprétées par des géants de la musique européenne et dans les salles les plus prestigieuses aux quatre coins du monde. On cite à tout hasard : l’Orchestre symphonique de Londres, l’Orchestre national de France, le Philharmonique de Moscou, l’Orchestre de Paris, l’Orchestre de Cologne, l’Orchestre symphonique de Détroit, la Camerata de Salzbourg... Et pour le côté salles, on a applaudi ses créations aussi bien au théâtre des Champs-Élysées qu’aux salles Pleyel, Cortot, puis Radio-France, au théâtre du Châtelet, à l’Opera House du Caire, et au Musée Enescu de Bucarest...
Pour ce compositeur qui édite chez Durand, Max Eschig et Alphonse Leduc, de quelle ambition faut-il relever pour mieux affronter le quotidien ?


« Mon ambition est de progresser dans ce que je fais, dit Béchara el-Khoury. Essayer surtout d’être meilleur que la veille. Non pas que je suis déjà arrivé, mais parce que le métier est difficile. Un bon compositeur, souligne-t-il, est curieux de ce qui se fait autour de lui, et avant lui. Il faut certes du talent, mais aussi de la patience et de la modestie. »
Pour la saison prochaine, Béchara el-Khoury a plusieurs partitions à terminer au bout de sa plume. D’abord un poème symphonique intitulé Espaces-fragmentations, qui sera donné par l’Orchestre national de France sous la direction de Daniele Gatti, un concerto pour orchestre et flûte qui sera créé à Vienne avec, pour présider aux destinée du vent, Émilie Pahud, une sonate pour le pianiste David Fray (qu’on a applaudi à Baalbeck au temple de Bacchus, il y a deux saisons), et enfin une commande pour le Philharmonique de Marseille : un concerto pour tuba et orchestre.

À cinquante-cinq ans, les lunettes de myopie vissées sur le nez, les cheveux noirs à la brosse, Béchara el-Khoury a certainement toujours eu le feu sacré de la musique. Cela coule de source dans ses veines. Sa mère, sœur de Mansour et Assi Rahbani, lui a sans nul doute transmis le sens de la poésie, du lyrisme, de la cadence, du rythme et de la mélodie.
On remonte vite à la...

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