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Culture - Festival d’Abou Dhabi

Une tranche de vie de Tchaïkovsky sur scène

Sous le titre de « Beloved Friends » (Amis bien-aimés), le Royal Opera House jette la lumière sur une tranche de vie de Piotr Ilitch Tchaïkovski.

Un tableau du «Lac des Cygnes».

ABOU DHABI, de Edgar DAVIDIAN

Sous les feux de la rampe de l’auditorium du Palais des Émirats, à travers musiciens, acteurs et danseurs, les treize années de correspondance entre Nadejda von Meck et l’auteur du Lac des
Cygnes.
Relation épistolaire tissée de sentiments complexes, de donation d’argent et de relation platonique où le non-dit est plus important que ce qui s’écrit et se dit... Une histoire d’amour quand même, mais pas comme les autres!
Représentation et mise en scène intimistes, comme une musique de chambre, conçues par sir Ronald Harwood (c’est lui qui a signé, entre autres, le script du Pianiste de Roman Polanski), auteur aussi du texte tiré des innombrables lettres échangées entre les deux protagonistes.
La salle est vide, sauf dans les loges des baignoires, un petit orchestre. Sur scène, public et acteurs. Dos aux coulisses avec vue sur des sièges vides, les spectateurs ont en face d’eux, sous la rangée de spots de la scène, deux zones décorées avec plantes, bougies, samovar, tables à napperon en dentelles, vieilles icônes et, dans leurs fauteuils respectifs, madame von Meck devant son écritoire telle une madame de Sévigné et, de l’autre côté, Piotr Ilitch Tchaïkovski, incarnation de la séduction d’un homme de génie à la barbe blanche et légèrement ventru dans son élégant gilet un peu à l’étroit. Au milieu, un narrateur à la mine mondaine campé par Alex Jenning, entouré d’un piano à queue, un quatuor de musiciens (violons, alto et violoncelle), le baryton Vassily Ladyuk et la soprano Hibla Gerzmaya.
Et l’on remonte le temps, 1876, celui où la vie s’écoulait en tout romantisme, lentement. La riche veuve von Meck, mère de douze enfants (le dernier non de son époux et cause peut-être de l’ultime syncope de son conjoint quand le pot aux roses est découvert!), jette son dévolu sur le jeune Piotr Tchaïkovski pour lui venir en aide, financièrement. Une mécène, certes, mais qu’on confondrait aisément aujourd’hui avec une intrépide «cougar» si ce n’est la limite que dicte l’héritière nantie de ne jamais croiser celui à qui elle verse si généreusement six mille roubles par an... Curieuse situation qui pimente cette longue relation épistolaire tout en arrangeant les deux «actants» de cette histoire. Lui pour son goût marqué pour les hommes, elle pour ses objectifs de séduction de femme et, peut-être plus, si affinités... un mariage en famille serait en vue... Mais le destin n’a pas dit son dernier mot. Lui se mariera pour fuir l’essence de son être et évitera de justesse le suicide, mais non le divorce immédiat. Elle, progressivement ruinée, déchantera de cette relation en assistant impuissante à un mariage malheureux. Elle rompra sans crier gare, laissant un Tchaïkovski désemparé et blessé. Mais pour ces longues années, ponctuées aux fins des missives de «cher ami bien-aimé», l’habitude, la familiarité et les sentiments de réconfort, de part et d’autre, se sont insidieusement installés. Sans oublier l’essentiel dans cette affaire d’échange de mots, d’idées, de conseils et de tendresse. La musique, la création. Mais oui, dans tout ce «tuf» humain, finalement c’est de cela qu’il s’agit. L’immortelle musique du compositeur de La pathétique surgit et enveloppe les auditeurs comme dans un rêve. D’une bribe de symphonie à une romance, en passant par un trio, un scherzo, un quartette pour cordes ou l’émouvant duo final d’Eugène Onéguine, quelques pas de danse éthérés tirés du Lac des Cygnes et, brusquement, l’ombre de Tchaïkovski, toute en sensibilité et mélodies à chavirer le cœur et les émotions, prend le dessus comme un rayon de soleil efface les traces d’une tempête, et balaye toutes ces oiseuses et odieuses pages du quotidien. On oublie Tchaïkovski en comptable maladroit ou von Meck intrigant en douce pour un peu plus d’attention, de tendresse et d’affection. On oublie tout cela, on oublie la fin tuberculeuse d’une femme qui n’a jamais nommé son amour, on oublie les grandioses funérailles nationales à la cathédrale Notre-Dame de Kazan de ce fils de l’Oural et ne reste, entourée d’un halo de lumière, que la grandeur d’une musique immortelle dont on n’a pas fini de louer la beauté et la force de séduction.
ABOU DHABI, de Edgar DAVIDIAN Sous les feux de la rampe de l’auditorium du Palais des Émirats, à travers musiciens, acteurs et danseurs, les treize années de correspondance entre Nadejda von Meck et l’auteur du Lac des Cygnes.Relation épistolaire tissée de sentiments complexes, de donation d’argent et de relation platonique où le non-dit est plus important que ce qui...

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