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Liban - Séminaire

Liban, carrefour d’identités parlantes

Revaloriser l’arabe libanais tout en faisant descendre de leur piédestal le français et l’arabe classique serait un moyen d’encourager leur apprentissage au Liban et de favoriser ainsi un plurilinguisme décomplexé.

Les conférenciers ayant pris part au séminaire sur « Les langues de scolarisation en contextes plurilingues ». Photo Hassan Assal

Parler, au Liban, c’est déjà, en partie, décliner son identité – on n’exprime pas les mêmes idées et on ne parle pas aux mêmes personnes en libanais ou en français. Les fortes connotations sociales qui collent aux langues au Liban ont la peau dure, et l’impact de ces représentations sur l’apprentissage des langues à l’école a été un thème majeur du séminaire « Les langues de scolarisation en contextes plurilingues » organisé le 17 février par l’Institut français du Liban, la faculté des sciences de l’éducation de l’Université Saint-Joseph, et le secrétariat général des écoles catholiques.
Pour de nombreux chercheurs, responsables pédagogiques et représentants du ministère de l’Éducation, ce fut l’occasion de faire le point sur les méthodes actuelles des didactiques linguistiques au Liban et ailleurs. Marisa Cavelli, enseignante chercheur à l’ancien Institut régional de recherche éducative du Val d’Aoste, se félicite d’abord du potentiel linguistique extraordinaire du pays, où la majorité des jeunes « apprennent une langue du groupe sémitique, roman et germanique ». Pourtant, les représentations symboliques et idéologiques associées « notamment au français et à l’arabe classique, et qui découlent largement de rapports de pouvoirs intrasociaux, entravent l’exploitation totale de ce potentiel ».

S’approprier le monde par la parole
Grumperz, linguiste allemand, propose de développer une « grammaire des ressources humaines » afin d’analyser « le fonctionnement des relations humaines à partir d’une société parlante ». Ainsi, le français est perçu comme la langue de l’élite, de la culture, de la littérature. Parler français, c’est aussi déclamer une identité qui s’est formée au gré de l’histoire du Liban et des alentours. Mais cette perception du français n’est pas un phénomène local.
Dans le cadre de ses études postcoloniales, Franz Fanon soulignait déjà les profondes relations psycho-sociales entre l’Antillais et la langue française : « Le noir antillais sera d’autant plus blanc, c’est-à-dire se rapprochera d’autant plus du véritable homme, qu’il aura fait sienne la langue française (...)
Un homme qui possède le langage possède par contre le monde exprimé et impliqué par ce langage. »
Faisant écho à Marisa Cavelli, qui considère le français comme « une langue de salon dans laquelle on n’a pas le droit à l’erreur », Isabelle Grappe, experte au département de langue française de l’Institut français du Liban, souligne que les enseignants de français au Liban ne manquent décidément pas de compétences linguistiques, mais plutôt de confiance en soi. Cette « insécurité linguistique » se retrouve également à travers l’enseignement de l’arabe classique, qui demande, lui aussi, un haut niveau de compétence et de rhétorique. Au lieu de considérer le français et l’arabe classique comme des sanctuaires, il faudrait plutôt encourager leur appropriation par les locuteurs de langues maternelles diverses, comme cela est de plus en plus le cas avec l’anglais. Au Kenya, on parle par exemple le « sheng » (Swahili-English) et à New Delhi le « hinglish » (Hindi-English). Pour Daniel Coste, professeur émérite et auteur du Cadre européen commun de référence pour les langues, cela est en partie dû au fait que « l’anglais ne porte pas les mêmes représentations. En plus de son statut international, il y a des circulations didactiques en anglais assez facilement adaptées et tolérées pour d’autres contextes. » L’apprentissage de l’anglais à travers les nouveaux médias sociaux semble être une source de motivation supplémentaire.

Oser l’arabe libanais
Le vernaculaire libanais tient aujourd’hui une place de plus en plus importante dans les didactiques d’apprentissage de langues à l’école. Alors qu’on sourit souvent en entendant certaines expressions bien libanaises comme « bonjourein » ou « hi, kifak, ça va ? », on remarque également une tendance de la part de nombreux parents à parler en anglais ou en français plutôt qu’en libanais à leurs enfants. Selon Daniel Coste, parents et enseignants devraient plutôt se servir du libanais « pour faire progresser dans d’autres langues », et tenter de placer les langues du Liban sur un pied d’égalité pour, selon Sylvie Warton, experte des didactiques du plurilinguisme à l’Université de Provence Aix-Marseille, rétablir une « paix linguistique dans la salle de classe ».
Finalement, remettre en valeur le vernaculaire libanais serait également riche en conséquences du point de vue du développement de l’identité nationale, mais aussi de la mobilité sociale des individus. En effet, on choisit souvent sa langue d’expression selon le réseau social auquel on s’adresse, et les langues deviennent de ce fait des ponts intercommunautaires.
Au final, l’apprentissage de plusieurs langues pourrait être considéré, non pas comme l’acquisition de compétences distinctes, mais plutôt d’une compétence composite qui, pour Amin Maalouf, est une caractéristique décidément libanaise : « Ce qui fait que je suis moi-même et pas un autre, c’est que je suis ainsi à la lisière de deux pays, de deux ou trois langues, de plusieurs traditions culturelles. C’est précisément cela qui définit mon identité. »
Parler, au Liban, c’est déjà, en partie, décliner son identité – on n’exprime pas les mêmes idées et on ne parle pas aux mêmes personnes en libanais ou en français. Les fortes connotations sociales qui collent aux langues au Liban ont la peau dure, et l’impact de ces représentations sur l’apprentissage des langues à l’école a été un thème majeur du séminaire « Les...
commentaires (4)

La langue libanaise ! ? C'est sérieux, oui ? ! Mais ce n'est que du verlan arabo-turco-franco-bazardo-métissé....

Antoine-Serge KARAMAOUN

10 h 51, le 23 février 2012

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Commentaires (4)

  • La langue libanaise ! ? C'est sérieux, oui ? ! Mais ce n'est que du verlan arabo-turco-franco-bazardo-métissé....

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    10 h 51, le 23 février 2012

  • Incroyable qu'il faille des séminaires juste pour dire que le libanais,c'est le libanais quoi!parcequ'il fallait une permission pour parler notre langue?

    GEDEON Christian

    07 h 06, le 23 février 2012

  • La ne2der nwa7ed kel el Lebneniyyé ou na3tihon 7ess el wataniyyé wel entime2 la cha3eb ou watan wa7ad, 3aleyna nballesh men el legha. Lezem el legha el lebneniyyé tettawwar ou tsir kamen maktoubé. Wa2ta men koun ettafa2na 3ala el 7orouf (Latiniyyé aw 3arabiyyé) wel e3raab, 3ala el 7okoumé ou majless el nouwweb ennon yejbro kél el tlemiz ennon yet3allamo el legha el Lebneniyyé ejbare ka awwal legha wel frensewe aw el englize aw el 3arabe ka tene legha. Ayya wa7dé tenye betkoun gher ejbare. Bi hal tari2a men koun 7afazna 3ala khousousiyetna, ou leghetna ou 3tina la chabebna 7ess el entime2 la balad, la 2ard, la cha3eb wa7ad! Shou ra2yikoun?

    Pierre Hadjigeorgiou

    05 h 17, le 23 février 2012

  • le parler de rue est différend de la langue enseignée en classe. Quand, je vais au Liban, ou quand je rencontre des libanais, j'essaye de parler correctement le français. Même, quand j'écris ici,par moment, j'ai envie d'écrire comme je parle,mais je ne préfère pas. Car, j'emploi des mots d'arabe, des insultes,de l'argot et des expressions et la grammaire... hum... C'est la langue que nous parlons tout les jours, bien que je ne comprenne pas certaines expressions faites par les jeunes. Mais, je ne sais pas comment écrire certains mots, car c'est du langage parlé. Même,certains membres de ma famille dans le Limousin, parlaient patois entre eux et d'autres gens, mais dans les commerces, dans leur lieu de travaille parlait le français. Donc, tout les gouvernements pourront faire apprendre une langue pure dans les écoles, dans la rue chacun parlera sa "langue" dans la rue et dans sa maison.

    Talaat Dominique

    04 h 09, le 23 février 2012

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