Rechercher
Rechercher

À La Une - Syrie

Assad place des Ommeyyades, « comme Kadhafi place Verte »...

Clinton dénonce un discours « glacialement cynique » ; au moins 27 tués hier ; un observateur démissionne.

Bachar el-Assad saluant ses partisans hier, place des Ommeyyades. Photo AFP.

Le président syrien Bachar el-Assad s’est montré intraitable hier, promettant de mater la révolte populaire qui secoue son régime depuis dix mois après avoir brandi de nouveau la thèse du complot international contre son pays.

Dans un rare déplacement du genre, M. Assad, col de chemise ouvert, s’est adressé à une foule de partisans rassemblés place des Omeyyades à Damas en agitant des drapeaux syriens, selon des images retransmises en direct par la télévision officielle. « Je suis venu pour puiser la force auprès de vous. Grâce à vous, je n’ai jamais ressenti la faiblesse », a lancé M. Assad qui continue de se targuer du soutien de son peuple. « Nous triompherons sans aucun doute du complot. Leur complot approche de sa fin », a-t-il scandé du haut d’une tribune, saluant l’armée dont les chars ont été envoyés dans les villes pour réprimer la révolte. Asma Assad, son épouse, était également présente, souriante et décontractée.

 

Depuis le début, le régime refuse de reconnaître la contestation qui a pris de l’ampleur au fil des mois et affirme lutter contre des « bandes terroristes armées » accusées de semer le chaos. Signalons que la veille, dans un discours télévisé, Bachar el-Assad avait accusé des pays étrangers de « comploter » contre la Syrie et promis de frapper les « terroristes » d’une main de fer. La secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a fustigé la thèse du complot. « Au lieu de reconnaître sa responsabilité, ce que nous avons entendu du président Assad, c’est un discours glacialement cynique », a-t-elle dénoncé. Selon al-Arabiya, le département d’État a par ailleurs demandé une réduction supplémentaire de son équipe diplomatique à Damas. Jamal el-Wadi, membre du CNS, a de son côté jugé que « l’apparition et le discours d’Assad place des Ommeyades ressemblent à ceux de Kadhafi sur la place Verte ».

 

Un observateur démissionne

M. Assad a en outre lancé une attaque en règle contre la Ligue arabe, dénonçant son comportement « lâche » envers son pays, qui a été suspendu de l’organisation panarabe et fait l’objet de sanctions économiques. La Ligue arabe avait dépêché le 26 décembre une mission d’observateurs en Syrie, le pouvoir ayant dit avoir accepté le protocole régissant cette mission qui prévoit un arrêt des violences, le retrait des chars des villes et le déplacement libre des médias étrangers. Mais la répression a continué et les chars sont toujours présents. La mission a même été la cible d’attaques, amenant la Ligue à suspendre pour le moment l’envoi de nouveaux observateurs. Face à cette mascarade, l’un des membres de la mission, l’Algérien Anouar Malek, a annoncé à la télévision al-Jazira sa démission en accusant le régime de « crimes en série ». « J’ai présenté ma démission car j’ai trouvé que je servais le régime (syrien). J’avais l’impression de donner à ce régime une plus grande chance de continuer à tuer et que je ne pouvais rien faire pour l’en empêcher », a ainsi déclaré l’observateur à la chaîne satellitaire du Qatar. « J’ai vu un véritable désastre humanitaire. Le régime ne commet pas un seul crime de guerre, mais une série de crimes contre son peuple », ajoutant que « les enfants sont tués, on les affame et on les terrorise ».

L’observateur démissionnaire a en outre assuré que les manifestations étaient « entièrement pacifiques », précisant n’avoir vu « aucune des milices armées dont parle le régime ».

Quoi qu’il en soit, la mission arabe est de plus en plus critiquée, notamment par l’opposition syrienne pour son inefficacité à faire cesser les violences, avec 400 morts recensés par l’ONU depuis son arrivée. « Les observateurs arabes n’ont pas pu mener leurs actions comme prévu. Ils ont rencontré de nombreux obstacles. L’attaque de Lattaquié soulève des doutes quant à la poursuite de la mission », a déclaré de son côté le ministre des AE turc Ahmet Davutoglu au cours d’une conférence de presse à Ankara, tenue avec son homologue tunisien Rafik Abdessalem.

Notons par ailleurs que M. Assad s’est engagé à mener des réformes et a annoncé un référendum sur une nouvelle Constitution début mars, alternant depuis le début de la contestation promesses de réformes et répression, mais la majorité de l’opposition réunie au sein du Conseil national syrien (CNS) l’a accusé « d’inciter à la violence et à la guerre civile ». L’UE ne croit également pas aux promesses de réformes du président syrien. Bruxelles a réaffirmé hier sa détermination à continuer à renforcer les sanctions contre Damas. Le discours prononcé par M. Assad, qui a évoqué l’idée d’un « élargissement » du gouvernement, est « extrêmement décevant et irréaliste », a ainsi déclaré un porte-parole du chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, dans un communiqué.

 

Assad table sur une opposition divisée

Bachar el-Assad semble compter sur les divisions de l’opposition, des Arabes et de la communauté internationale pour se maintenir au pouvoir, faisant la sourde oreille à la révolte, selon des analystes. « L’opposition est morcelée, certains Arabes veulent une action plus forte, d’autres non, et il n’y a pas de consensus au sein de la communauté internationale en raison de la position russe », affirme à l’AFP Hilal Khashan, professeur de sciences politiques à l’AUB, soulignant que « ce sont ces contradictions qui maintiennent Assad au pouvoir, c’est son principal avantage ».

L’archevêque catholique d’Alep, Jean-Clément Jeanbart, a estimé qu’ « il faut encore donner sa chance à Bachar el-Assad », dans un entretien publié hier par Le Figaro, déclarant être « très préoccupé par les conséquences d’un renversement du régime, qui pousserait beaucoup de fidèles à émigrer, comme en Irak depuis la chute de Saddam Hussein. Malgré les violences, il faut encore donner sa chance à Assad », ajoute-t-il, en assurant que le président syrien « est en train de persuader le parti Baas d’accepter les réformes ». Mgr Jeanbart souligne que la nouvelle Constitution annoncée comporte « des points intéressants en matière de maintien de la laïcité, par exemple ».

La presse syrienne a quant à elle appelé l’opposition à se joindre aux réformes et au gouvernement d’union nationale. Le discours du président « constitue un plan de travail pour sortir de la crise et invite toutes les composantes de la société syrienne (...) à participer à la transition », écrit ainsi le quotidien officiel al-Baas, ajoutant que ce plan « sera à l’ordre du jour du 11e congrès du parti » prévu en février.

 

Les Kurdes à l’écart

Par ailleurs, ni Bachar el-Assad ni l’opposition syrienne ne trouvent grâce aux yeux de la communauté kurde de Syrie, première minorité ethnique du pays, qui s’est tenue largement à l’écart du soulèvement. Ses membres voient en outre d’un mauvais œil l’influence croissante de la Turquie auprès des mouvements qui cherchent à renverser le chef de l’État, craignant que leur succès ne mette fin à leurs espoirs d’autonomie, du fait de l’opposition d’Ankara à l’émancipation de sa propre minorité kurde.

Sur le terrain enfin, la répression s’est poursuivie avec au moins 27 civils tués, selon al-Arabiya. L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a fait état de son côté de tués à Hama et Homs.

Face à cette crise sans fin, des centaines de militants syriens et d’autres pays tenteront aujourd’hui de pénétrer en Syrie depuis la Turquie et la Jordanie avec de l’aide humanitaire, a-t-on appris de sources concordantes. « Nous souhaitons (...) apporter une aide humanitaire aux populations sinistrées exposées aux bombardements sauvages perpétrés quotidiennement par l’armée syrienne », affirment dans un communiqué diffusé sur Internet les organisateurs de cette initiative, intitulée la « Caravane de la liberté ». En cas de refus des autorités syriennes de les laisser pénétrer en Syrie, les militants annoncent qu’ils organiseront un sit-in devant la frontière pendant trois jours « avec la participation d’artistes syriens ». Interrogée sur les rapports entre ces militants et l’opposition syrienne, Basma Qodmani, membre du bureau exécutif du CNS, a affirmé que le Conseil « soutient pleinement cette initiative ».

Signalons finalement que « les autorités chypriotes ont laissé partir hier un navire transportant des tonnes de munitions et devant initialement se rendre en Syrie, après avoir reçu des assurances de ses propriétaires qu’il allait changer de destination ».

 

Le président syrien Bachar el-Assad s’est montré intraitable hier, promettant de mater la révolte populaire qui secoue son régime depuis dix mois après avoir brandi de nouveau la thèse du complot international contre son pays.
Dans un rare déplacement du genre, M. Assad, col de chemise ouvert, s’est adressé à une foule de partisans rassemblés place des Omeyyades à Damas...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut