Pourquoi ce coup de gueule ? Certains y voient le signe de la tension, mêlée d’inquiétude, que le Hezbollah subit du fait des événements de Syrie. D’autres pensent lire dans ces déclarations en flèche un message d’avertissement, voire un ultimatum, à caractère purement interne. Le parti voulant signifier à tous qu’au cas où il se retrouverait le dos au mur, par suite des pressions qui s’accumulent, il n’hésiterait pas à recourir aux armes, faute d’une solution politique.
La question est dès lors de savoir à quelle hauteur se situe ce plafond que Raad évoque. Dans quelles conditions la main qui s’étend de l’extérieur pour agiter l’intérieur devrait être coupée. Et, en termes de temps, quand donc le Hezbollah estimerait que la coupe déborde et perdrait patience, comme dit le parlementaire.
Évidemment, l’on s’interroge sur la partie étrangère que le parti cible.
S’il fait allusion à Israël, tous les Libanais sont unis face à cet ennemi. Ils sont déterminés à l’affronter ensemble, pour conforter l’unité nationale et la coexistence qui leur tiennent à cœur.
Mais s’il s’agit des Occidentaux, il ne faut pas oublier qu’ils n’interviennent jamais qu’en amis du Liban. Pour contrer d’autres ingérences nuisant aux Libanais.
Selon certains cercles, si le Hezbollah craint une immixtion extérieure affectant l’unité nationale, il n’a qu’à prendre une initiative de défense très simple : mettre son arsenal à la disposition de l’armée, donc de l’État. Pour n’être plus, comme les autres formations du cru, qu’un parti politique civil, sans milice. En tout cas, ajoutent ces sources, il n’est ni admissible ni envisageable que le Hezbollah reste le seul à être armé. Pour dominer, en gommant le système. En continuant à empêcher la majorité issue des urnes de gouverner seule, comme le veut la règle démocratique numéro un. Et même en la spoliant du pouvoir.
Les normes
Ces sources soulignent ensuite que seule la démocratie bien comprise et bien appliquée peut assurer la stabilité, la viabilité même d’un pays composite comme le Liban. Elle traduit la volonté du peuple souverain, avec alternance possible lors des élections suivantes, concernant la partie qui peut gouverner et la minorité qui doit s’opposer. Alors qu’un pouvoir dictatorial imposé de force, par le chantage des armes miliciennes, ne peut mener qu’à la guerre civile. Donc à l’éclatement du Liban, un jour ou l’autre. Quel que soit le temps que les opprimés prendraient pour s’armer à leur tour.
On peut toujours rêver : les cadres cités souhaitent qu’en sus de la remise de ses armes à l’État de droit, le Hezbollah traite avec le TSL à la lumière de la loi et de la jurisprudence. Qu’il cesse donc de dénier cette Cour, pour contribuer lui aussi à la quête de la vérité, même s’il devait y avoir un arrangement politique pour qu’elle ne soit pas divulguée publiquement. L’essentiel étant de savoir – afin de mettre un terme à l’impunité et de prévenir la reprise des attentats – comment et par qui le président Rafic Hariri et ses compagnons de destin ont été abattus. Comment et par qui a été commis l’effroyable série d’assassinats qui a précédé et suivi ce drame.
Partant de là, précisent encore ces personnalités, le Hezbollah doit, s’il veut protéger et défendre ses militants inculpés, présenter aux juges les preuves les innocentant. Et non vitupérer dans des conférences de presse, ou des déclarations, sans avancer d’argument juridique. Ensuite, la logique commande que l’on n’accuse le TSL d’être politisé ou inique, comme le fait le Hezbollah, qu’à la lumière des verdicts qu’il rendrait. En démontrant, le cas échéant, leur injustice, leur fausseté.
De plus, si la culpabilité de ses militants inculpés est établie, cela ne signifie pas que le Hezbollah est lui-même condamné. Ni, a fortiori, la communauté chiite. Tout comme les partis, ou les communautés, dont relèvent de présumés agents locaux d’Israël ne se retrouvent pas eux-mêmes au banc des accusés...
Finalement, il convient de tourner la page dans les règles. Les événements de 1860 s’étaient terminés sur la formule : « Il faut vite mettre le passé derrière nous. » Le pacte non écrit de 43 s’est fondé sur la devise ni Est ni Ouest. C’est-à-dire que les musulmans renonçaient à la fusion avec la Syrie et les chrétiens à la protection de la France. Toujours le principe du donnant-donnant pour mettre un terme, avec Taëf, devenu Constitution, aux longues guerres intestines entamées en 1975. L’arrangement à l’amiable est toujours vital pour le Liban. Mais il ne peut avoir de sens, ou d’immunité, que s’il s’opère autour de l’impératif d’un toit commun. L’État de droit souverain, seul maître du territoire. Et des armes.
Il est grand temps que le hezbollah change cette mentalité, cette culture qui est de choisir l’amputation dans les cas complexes au lieu de choisir la diplomatie avec autrui . Antoine Sabbagha
08 h 35, le 08 septembre 2011