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Le Liban dans WikiLeaks : fuites et révélations

De nouvelles révélations sur le Liban

Hariri et les transferts d'armes de la Syrie au Liban, Crash du vol d'Ethiopian Airlines, Sleiman Frangié et Israël, Berry et le Hezbollah, la frustration d'Amine Gemayel, ...

La semaine dernière, Wikileaks a annoncé avoir publié la totalité des télégrammes diplomatiques américains en sa possession, soit "251.287 câbles diplomatiques américains", publiés sur le site cablegatesearch.

Un de ces câbles, daté du 25 février 2010, revient sur la question du transfert d’armes de la Syrie au Hezbollah. Les Etats-Unis ont fait part de leurs inquiétudes notamment au Premier ministre de l'époque, Saad Hariri, au président du Parlement Nabih Berry, au coordinateur spécial des Nations unies pour le Liban, Michael Williams et au Président Sleiman.

"Le Premier Ministre a écouté attentivement notre démarche, puis a fait remarquer qu’il est inquiet à l’idée que le Hezbollah ait de ‘nouvelles technologies’", précise l’ambassadrice Michele Sison, qui signe le câble. Selon l’ambassadrice, Saad Hariri a déclaré qu'il fallait maintenir ouvertes deux fenêtres de discussion dans la région pour éviter un conflit : les pourparlers de paix entre Israël et les Palestiniens et entre Israël et la Syrie. Pour le Premier ministre libanais, cela "devrait geler les idées syriennes en matière de transfert d’armes". A l’inverse, "si les deux fenêtres se ferment simultanément, la Syrie se placera aux cotés de l’Iran en cas de guerre", aurait-il prévenu. "S'il y a la paix, la Syrie se rapprochera de la Turquie", a-t-il continué, ajoutant que Hillary Clinton devrait appeler le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmed Davutoglu, pour qu'il intervienne sur cette question de trafic d'armes en la Syrie et le Liban.

Pour sa part, le président de Parlement, Nabih Berry, a demandé à l’ambassadrice américaine si le message était lié à la visite du ministre israélien de la défense, Ehud Barak, à Washington. L’ambassadrice souligne que M. Berry, qui a estimé que le message "n’était pas nouveau", a été catégorique en déclarant "qu’Israël recevait des armes des Etats-Unis et le Hezbollah recevait des armes de l’Iran"."Ils 'agit de propagande israélienne", a déclaré M. Berry.

Pour Nabih Berry, toute solution passe par la résolution du conflit entre Israël et les Palestiniens, mais "en l’absence d’une solution régionale, ‘le Liban ne peut rien faire’ » et chaque camp va continuer de s’armer".

Quant au coordinateur spécial des Nations Unies pour le Liban, Michael Williams, il a critiqué la résolution 1701, qui ne prévoit pas de mécanismes de surveillance de la frontière libano-syrienne. Il a également affirmé n’avoir, par conséquent, aucune idée du volume du trafic d’armes à la frontière. Selon M. Williams, la résolution 1701 garantit la paix et la stabilité dans la région, mais il s'est dit de plus en plus conscient qu’"‘une seule erreur’ peut détruire tous les gains obtenus depuis son entrée en vigueur". Pour le coordinateur spécial des Nations unies pour le Liban, l’impasse dans les discussions des processus de paix au Proche-Orient augmente la pression sur le Liban.

 

 

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Berry a qualifié l’offensive israélienne contre le Hezbollah de "développement positif"

 

Selon un câble diplomatique américain placé sur le site de WikiLeaks et publié hier par le quotidien al-Moustaqbal, le président du Parlement Nabih Berry se serait félicité de l’offensive israélienne de 2006 contre le Hezbollah, la qualifiant d’"excellent moyen" de limiter les ambitions du parti. Il aurait dit à un diplomate américain que « les Israéliens ont encore quatre ou cinq jours supplémentaires pour compléter leur mission de frapper le Hezbollah, après quoi l’opinion publique se retournera contre eux ».

"M. Berry a condamné la férocité de la riposte militaire d’Israël, tout en admettant qu’un succès de la campagne israélienne contre le Hezbollah serait un excellent moyen de détruire (ses) aspirations militaires et de miner ses ambitions politiques", selon ce câble daté de juillet 2006, classé confidentiel et publié par WikiLeaks la semaine dernière. Le président du Parlement a qualifié l’idée d’une éventuelle attaque contre le Hezbollah pour affaiblir ses capacités militaires et réduire son rôle politique au Liban de "développement positif".

Selon l’ex-ambassadeur des États-Unis à Beyrouth, Jeffrey Feltman – aujourd’hui sous-secrétaire d’État aux Affaires du Proche-Orient –, les tensions entre M. Berry, chef du mouvement Amal, et le Hezbollah sont dues au fait que ce dernier s’estime le premier représentant de la communauté chiite au Liban.

"Nous sommes certains que M. Berry hait le Hezbollah autant, si ce n’est plus, que le 14 Mars, lit-on dans le câble. Après tout, le soutien du Hezbollah (...) provient des chiites qui, autrement, auraient été des partisans de M. Berry", ajoute le texte, dans lequel Berry est décrit comme ayant été "e très bonne humeur" lors de l’entretien avec l’ambassadeur.

Selon le diplomate, Berry s’est senti également trahi par le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui avait promis la stabilité au Liban. "Nous ne pouvons plus jamais nous asseoir à une même table avec lui (Nasrallah)", indique M. Feltman citant le chef d’Amal. "Je pense qu’il nous a menti."

Le président du Parlement, selon les câbles publiés par WikiLeaks (celui datant du 18 août 2006 notamment), n’a pas ménagé le président syrien Bachar el-Assad. Toujours selon Feltman, Berry a qualifié le discours du président syrien, le 15 août 2006, de "stupide et déraisonnable", critiquant la tentative de Damas de s’immiscer dans les affaires intérieures du Liban.

Dans un discours prononcé à Damas à l’ouverture du congrès de l’Union des journalistes, Assad avait rendu hommage aux combattants du Hezbollah et accusé Israël d’avoir utilisé le prétexte de la capture par le parti chiite de deux soldats israéliens le 12 juillet pour lancer son offensive contre le Liban. Le président syrien avait prédit « une victoire historique » du Hezb.

Par ailleurs, dans ses entretiens avec Feltman, Berry se serait réjoui du déploiement de l’armée au sud du Litani.

Le président du Parlement a totalement nié hier tous ces propos qu’on lui prête dans ces dépêches, alléguant que "ce n’est pas la première fois que de tels mensonges sont proférés". Il a affirmé que son mouvement "était et reste un allié fondamental de la Résistance et du Hezbollah », selon un communiqué de son bureau.

"Dès la première publication de ces câbles, nous avons demandé au département d’État américain de nous fournir le câble original (...) pour déterminer si c’est WikiLeaks ou M. Feltman le menteur, ajoute-t-il. Comme nous n’avons pas obtenu de réponse, nous nous sommes assurés que la complicité est générale. Voilà pourquoi nous avons refusé de recevoir Feltman quand il était de passage à Beyrouth récemment."

 

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La frustration d’Amine Gemayel


Par ailleurs, dans un autre câble diffusé par WikiLeaks, le président du parti Kataëb Amine Gemayel détaille ses vues au sujet du mouvement du 14 Mars et analyse la vie politique libanaise.

Dans ce câble, daté du 19 janvier 2010, l’ambassadrice des États-Unis de l’époque, Michelle Sison, rapporte qu’Amine Gemayel lui a assuré que les principaux dirigeants du 14 Mars se réunissent régulièrement (lui-même, Saad Hariri, Samir Geagea, Fouad Siniora et Mohammad Chatah), mais il a souligné la position inconfortable de Saad Hariri, qui ne sait plus s’il doit agir comme Premier ministre de la nation ou comme leader du 14 Mars.

Selon ce câble, le leader des Kataëb s’inquiétait aussi du fait que Michel Sleiman et Saad Hariri soient en passe de retourner dans l’orbite syrienne. Selon l’ancien président, Michel Sleiman aurait eu des contacts quotidiens avec Damas à cette époque, et la Syrie aurait obtenu que le président adapte ses discours et ses apparitions médiatiques à ses exigences.

"M. Gemayel a demandé que nous réaffirmions publiquement et en privé notre engagement pour un Liban libre et indépendant afin de ralentir la dérive de Saad Hariri vers l’axe “Syrie-Iran-Hezbollah”."

En ce qui concerne le 14 Mars, M. Gemayel a déclaré, selon l’ambassadrice, que le mouvement « est fini, mais nous devons en préserver l’esprit », tout en pressant les États-Unis de continuer à soutenir moralement et matériellement "ceux qui se battent pour la liberté, la souveraineté et l’indépendance du Liban".

M. Gemayel s’est aussi plaint du fait que le dialogue national n’était "qu’un forum visant à retarder indéfiniment la question du désarmement du Hezbollah".

"La frustration de M. Gemayel quant à la marginalisation des Kataëb était évidente au cours de cette rencontre", note l’ambassadrice dans ce câble. Pourtant, poursuit la diplomate américaine, si les représentants du parti au sein du gouvernement se plaignent, "ils sont incapables d’aller à l’encontre du vent de réconciliation qui souffle sur Beyrouth".

 

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Frangié pour des négociations indirectes avec Israël

 

Dans un autre câble, également publié sur le site cablegatesearch, l’ambassadrice américaine au Liban Michelle Sison rapporte que lors d’une rencontre, le 4 février 2010, avec Sleiman Frangié, chef des Marada, ce dernier a indiqué qu’il soutenait le principe de négociations indirectes entre le Liban et Israël. L’ancien ministre a toutefois souligné la nécessité de maintenir l’unité avec la Syrie en ce qui concerne le sujet des négociations de paix, indiquant qu’un traité de paix israélo-libanais ne serait pas tenable sans la signature d’un traité syro-israélien. "Mais si la Syrie signe un traité de paix indépendamment du Liban, le Liban le paiera très cher", a-t-il ajouté.

Le député de Zghorta a par ailleurs déclaré que les armes du Hezbollah pourraient être utilisées comme une forte carte de négociation avec Israël et pourraient jouer un rôle important contre l’implantation des Palestiniens au Liban.

Le fait que « certains partis » fassent beaucoup de bruit autour des armes du Hezbollah, alors qu’ils restent silencieux sur la question des armes palestiniennes dans les camps de réfugiés, est un indicateur des mauvaises intentions, a également estimé M. Frangié. Et de poursuivre : "Ces arguments impliquent que leur but essentiel est de désarmer les chiites en laissant les armes aux sunnites afin d’imposer, par la force, une implantation des Palestiniens."

 

 

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Le cafouillage des autorités libanaises après le crash de l’avion de l’Ethiopian Airlines

 

Un de ces câbles, publié sur le site cablegatesearch, revient sur la gestion par les autorités libanaises des suites de la catastrophe aérienne du 25 janvier 2010 au Liban.

Ce jour-là, un avion de la compagnie Ethiopian Airlines (vol 409) s’abîmait en mer, quelques minutes seulement après avoir décollé de l'aéroport international de Beyrouth.

Face à ce premier accident aérien depuis 40 ans, les autorités libanaises ont montré leur totale désorganisation et incapacité à gérer correctement l’affaire, révèle le télégramme diplomatique daté du 17 février 2010 et classé confidentiel par l'ambassadrice américaine de l'époque, Michele Sison. Bien que le Liban ait signé un accord bilatéral avec la France pour que celle-ci l’aide à gérer les catastrophes aériennes, le gouvernement a sollicité l’aide des Etats-Unis, quelques heures seulement après l’accident et a principalement travaillé avec eux.

En attendant l’arrivée des Américains, Hamdi Chaouk, directeur de l'Aviation civile, n’a rien fait. M. Chaouk, souligne le rédacteur du télégramme, "n’avait aucune expérience antérieure dans le domaine des enquêtes suivant un crash aérien". Il a donc "attendu que l’équipe du Conseil national de la sécurité des transports (National Transportation Safety Board - NTSB) arrive le 28 janvier avant de commencer les recherches" au lieu de les lancer immédiatement.

La localisation de l’épave a également été retardée par le manque de communication entre Hamdi Chaouk et l’armée libanaise, affirme la diplomate américaine.

Le Directeur Général de l’Aviation civile a aussi perdu beaucoup de temps à gérer les dégâts causés par la diffusion d’informations fausses ou mensongères. "Ce qui est unique ici, c’est que les responsables disent quotidiennement des choses irresponsables", souligne Dennis Jones, un enquêteur du NTSB, aux diplomates américains, cité dans le câble diplomatique. Par exemple, un membre du cabinet du Premier ministre avait annoncé que des survivants avaient été retrouvés, ce qui "s’est avéré être une complète invention, apparemment propagée dans la volonté de donner espoir aux familles". De même, Ghazi Aridi, le ministre des Travaux publics et du Transport, "a spéculé publiquement" sur le fait que le crash était dû aux erreurs des pilotes dans le suivi des consignes de la tour de contrôle. "Les jours suivants, Aridi a communiqué plusieurs fois des informations qui auraient dû rester confidentielles jusqu’aux conclusions de l’enquête", affirme encore l’auteur du télégramme, qui ajoute : "Il a aussi annoncé plusieurs événements avant qu’ils soient vérifiés". Le ministre de la Santé, Jawad Khalifieh est aussi visé : il "a théorisé publiquement le 9 février que l’avion avait dû exploser en vol, puisque la plupart des corps des victimes ont été retrouvés démembrés". "Même si les enquêteurs n’ont trouvé aucun signe d’incendie ou d’explosion, Khalifieh n’est que partiellement revenu sur sa déclaration", souligne le diplomate américain.

Cette cacophonie regrettable, l’auteur du télégramme l’explique par deux éléments : l’absence d’un vrai porte-parole du gouvernement qui aurait canalisé les déclarations, et « le système politique confessionnel fractionné du Liban » qui entraîne "une lutte fréquente pour la première place". Par ailleurs, il affirme que cette catastrophe aérienne a montré au gouvernement libanais qu’il avait grand besoin d’une agence de gestion de certaines crises.

La semaine dernière, Wikileaks a annoncé avoir publié la totalité des télégrammes diplomatiques américains en sa possession, soit "251.287 câbles diplomatiques américains", publiés sur le site cablegatesearch.
Un de ces câbles, daté du 25 février 2010, revient sur la question du transfert d’armes de la Syrie au Hezbollah. Les Etats-Unis ont fait part de leurs inquiétudes notamment...