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Culture - Exposition

Fouad Elkoury au croisement des images

« Be... longing » (« Appartenir à un lieu ») embrasse quarante ans de carrière du photographe Fouad Elkoury et, plus qu’une rétrospective, illustre un parcours, voire des tranches de vie rassemblées au Beirut Art Center* jusqu’au 1er octobre.

La nostalgie du temps révolu.

Des photos en noir et blanc, mais aussi en couleurs, dont le fil conducteur serait d’apparence la guerre civile au Liban mais, à chercher plus loin, c’est le passage du temps, si présent et tellement en filigrane que Fouad Elkoury narre consciemment ou sans le vouloir dans ces histoires qui défilent tantôt en photos bien immobiles et d’autres fois en vidéos mouvants. «Pour moi, la photographie est un moyen de suggérer, de créer du rêve», dit Elkoury dans un ouvrage intitulé La Sagesse du photographe paru aux éditions «L’œil neuf». «Plus qu’une évocation, c’est une façon de projeter une facette inhabituelle du monde qui, au-delà du visible, induit l’imaginaire.» Il ajoute plus loin que le photographe est «habité par ce qu’il cherche, dévoré par le besoin de communiquer une émotion ressentie et la restituer sous forme d’image. Il est animé par un désir d’autant plus aigu qu’il est incertain d’atteindre son objectif». Le photographe est, selon lui, le premier surpris en découvrant sa photo après l’avoir développée.
Ainsi, l’artiste entre dans la photographie et vit par elle. Son œil est happé par les rencontres humaines, les instants, et reste souvent frustré par ce qu’il n’a pas pu capter ou transmettre au regard des autres. Fouad Elkoury est né en 1952 à Paris. Après avoir poursuivi des études d’architecture à Londres en 1979, il se tourne très vite vers la photographie. S’il n’a jamais pu parler de son travail de photographe, du comment et du pourquoi de son métier, il expliquera pourtant dans cet ouvrage, La Sagesse du photographe, que c’est – bizarrement – la guerre civile au Liban qui va faire de ce que son entourage appelait hobby, une seconde vie, voire la principale.
En 1984, il publie Beyrouth aller-retour, un livre sur une ville déchirée par ce qu’on appelait les «événements» et, l’année suivante, tourne son objectif vers le cinéma égyptien tout en réalisant des portraits d’auteurs arabes. En 1986, après avoir travaillé sur le paysage urbain de Marseille, Fouad Elkoury voyage et saisit des images d’autres villes comme Rome, Amman ou Djibouti. En 1989, il rejoint l’agence Rapho et gagne le prix «Médicis hors les murs». Son Beirut City Center, une compilation de photos du centre-ville, sera exposé au Palais de Tokyo à Paris. En 1997, il est le cofondateur de l’«Arab Image Foundation» qui archive et promeut la photo dans toute la région. Après la guerre de 2006, Elkoury signe un journal baptisé On War and Love. Une série de photos exposées à la galerie Tanit (Munich) puis à la Biennale de Venise. Entre 2008 et 2009, un nouveau travail, intitulé What Happened to my Dreams?, est simultanément accroché à Dubaï, Paris et Beyrouth.
L’exposition qui s’étale sur tout l’espace du BAC est décomposée chronologiquement en cinq sections.
«Sombres», qui dépeint la guerre civile au Liban avec des incursions des photos d’autres pays, comme pour accentuer l’idée du temps séquestré par la guerre.
«Monologues», qui est le reflet d’autres cultures et pays visités avec tout ce que cela véhicule comme sens sur le terme «errances».
«Atlantis», elle, est une suite de projections de photos grand format sur le départ de Yasser Arafat du Liban. Ce jour-là, Fouad Elkoury, qui s’est trouvé comme par hasard à bord du bateau qui l’emmenait vers la Grèce, a réussi à prendre des photos illustrant une autre intimité du chef de l’OLP. Plus qu’une fuite, avait-il remarqué, cela ressemblait à une croisière de plaisir où l’homme le plus craint du monde à cette époque révélait une autre face de lui.
Par ailleurs, «Civilisation, fake=real?» est une série de «diasecs» de Dubaï, cette ville en plein essor et boom architectural. Là également, le réel se mélange au virtuel et le sujet de la photo se fond dans l’acte même de photographier et sa finalité. La photo est-elle éphémère, périssable, semble s’interroger Fouad Elkoury en captant le fugace, et «combien reste-t-il de temps avant que les tirages argentiques rejoignent les disques 33 tours sur l’étagère à oubli»?
Dans leur mouvance, d’une part, et leur immobilité, de l’autre, les clichés de «Time Monologues» forment une approche expérimentale sur le temps qui passe, tandis que «Moments», projection d’images sur fond de musique, explore des thèmes comme les traces de guerre, ainsi que le voyage de l’artiste en Égypte sur les pas de Flaubert et Maxime Du Camp. Encore une manière à lui de juxtaposer, dans un même travail, les strates du temps et de déployer les différentes formes de ruines.
Cette forme de photographie à la fois nostalgique et documentaire, qui confronte le visible et le fantomatique, l’immobile et l’action et qui s’attarde à «figer une vision d’un pays éphémère», s’adaptera au temps et prendra une dimension autre. En se mettant à la vidéo, le photographe avoue ne pas tourner «avec l’œil d’un cinéaste, mais avec celui d’un photographe qui voulait travailler autrement». S’adapter, se mélanger avec les aiguilles d’une montre et aller au-delà du temps fixé par l’objectif en adjoignant musique et sons, voilà ce que Fouad Elkoury a pu réussir dans ce travail en marche avec son époque. Ses différentes périodes de vie.

Beirut Art Center, Jisr el-Wati. Tél. : 01/397018.
Heures d’ouverture : de lundi à samedi, de 12 heures à 20 heures.
Des photos en noir et blanc, mais aussi en couleurs, dont le fil conducteur serait d’apparence la guerre civile au Liban mais, à chercher plus loin, c’est le passage du temps, si présent et tellement en filigrane que Fouad Elkoury narre consciemment ou sans le vouloir dans ces histoires qui défilent tantôt en photos bien immobiles et d’autres fois en vidéos mouvants. «Pour moi, la...

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