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Nos Lecteurs ont la Parole

Tout en définitive est une affaire de gros sous

Par George SABAT
Les mille et un problèmes dont on nous bourre quotidiennement le crâne au Liban, tels que les rivalités confessionnelles, les ingérences extérieures, la corruption rampante, la hausse du coût de la vie, le manque de débouchés pour les jeunes, les carrières illégales, le déboisement de nos forêts, le traitement de nos déchets, les accidents de la route, la nouvelle loi électorale, tous ces sujets ne servent qu’a détourner l’attention du peuple du problème principal qui devrait le préoccuper et que l’on s’ingénie à lui dissimuler.
C’est bien simple pourtant. Ce pays, à l’heure actuelle, est endetté de soixante milliards de dollars ($52,6 divulgués officiellement et le reste enfoui dans quelques-uns de ces comptes dont l’ancienne opposition conteste la véracité et dont l’épluchage nécessiterait, aux dires de certains, pas moins de deux ans).
Le ministre des Finances de la nouvelle équipe ministérielle a indiqué à maintes reprises que nous avions besoin de vingt autres milliards au minimum pour remettre en état une infrastructure totalement négligée durant les vingt dernières années. Selon les experts, l’économie du pays menace de s’écrouler si nous ne décidons pas rapidement des mesures à prendre pour rénover l’ensemble de notre système de généralisation et de distribution de l’électricité, développer nos ressources hydrauliques, remettre en état nos routes et reconcevoir nos transports publics, entreprendre le traitement et l’entreposage de nos déchets domestiques, veiller à la protection de notre agriculture et de notre industrie, et au remaniement de nos systèmes éducatifs et hospitaliers, etc.
D’où allons-nous nous procurer ces milliards ? « That is the question », dirait Shakespeare. La communauté internationale que nous avons défiée par l’instauration d’un gouvernement qui ne répond pas à son attente ne s’empressera pas de dénouer les cordons de sa bourse pour nous les prêter. De cela nous pouvons être sûrs. D’ailleurs, nous attendons toujours qu’elle s’acquitte du reste des engagements qu’elle avait pris en 2006 lors du sommet de Paris III.
L’Iran, dans les bras duquel nous nous sommes empressés de nous jeter, pourrait envisager de le faire s’il en avait les moyens ou s’il le désirait vraiment, mais plusieurs considérations pourraient l’en dissuader.
Pour l’Arabie saoudite, vingt milliards de dollars ne devraient pas constituer un problème sérieux, mais serait-elle disposée à les prêter à un État surendetté et de surcroît soumis à l’influence indirecte de son pire ennemi ?
Mais, nous dira-t-on, nous n’avons besoin de personne. Cet argent se trouve dans les coffres de nos banques dont les dépôts accusent un surplus plusieurs fois supérieur à la somme dont nous avons besoin. Nous n’avons qu’à y puiser.
Cela est facile à dire, mais plus difficile à exécuter. Cet argent, qui appartient aux déposants locaux et étrangers, n’est pas le nôtre pour que nous puissions en disposer à notre guise. Pour pouvoir l’emprunter il faudrait commencer par négocier avec eux, au cas où ils seraient disposés à le faire, les conditions et les termes de ce nouvel emprunt. Comment comptons-nous rembourser vingt nouveaux milliards de dollars quand nous sommes incapables, à l’heure actuelle, de payer chaque année les intérêts des soixante milliards déjà dus ? Quelles nouvelles garanties matérielles serions-nous disposés à offrir ? À quelles conditions et quels engagements le pays serait-il amené à prendre afin que ces emprunts lui soient accordés?  À l’heure où beaucoup d’encre coule au sujet du PPP (Private Public Participation), comment comptons-nous tirer profit de cette récente formule de partenariat public et privé, qui n’a pas toujours opéré avec succès ailleurs dans le monde ?
Nous devrions faire attention à ne pas nous lancer avec légèreté dans une nouvelle aventure dont le Liban et avec lui les citoyens risquent, une fois de plus, de faire les frais.
Voilà où nous en sommes. Toutes les gesticulations des quatre mois qui ont précédé l’enfantement de la nouvelle équipe ministérielle n’étaient qu’une mise en scène pour dissimuler le véritable dilemme qui préoccupait nos dirigeants des deux bords.
Car il ne faudrait pas trop se fier aux apparences. Malgré toutes les divergences et les conflits qui les séparent et les opposent, le 14 et le 8 Mars sont tous deux parfaitement conscients de l’état lamentable dans lequel se trouvent les finances du pays.
Aux partisans du 8 Mars, qui ont gagné la bataille féroce qu’ils ont livrée à l’autre bord, je demanderais comment ils comptent exécuter ces projets de réforme qu’ils n’ont eu de cesse de faire miroiter à nos yeux ? Les réformes comme les révolutions sont magnifiques quand on y rêve, mais bien coûteuses à exécuter. Une vérité que réalisent amèrement à présent les jeunes et les moins jeunes de Sidi Bouzid, Midan al-Tahrir et Benghazi.
Serait-il possible que les membres de la nouvelle majorité aient été, depuis le début, conscients des difficultés qu’ils auraient à vouloir financer et exécuter tous ces beaux projets qu’ils nous promettaient ? Que leur seul but était en fait de prendre le pouvoir sans trop réfléchir à ce qu’ils en feraient une fois leur but atteint ? Et les partisans du 14 Mars n’ont-ils pas été en définitive trop heureux de leur laisser la patate chaude ?
Autre question : le refus obstiné des experts économiques et financiers des deux camps d’entreprendre l’étude d’un plan national de développement, malgré toutes les demandes pressantes qui leur ont été adressées, ce refus s’explique-t-il par le manque de moyens financiers dont dispose le pays ?
À l’aube de la présentation par la nouvelle équipe de son programme ministériel, ne serait-il pas de mise de lui poser toutes ces questions ?
Les mille et un problèmes dont on nous bourre quotidiennement le crâne au Liban, tels que les rivalités confessionnelles, les ingérences extérieures, la corruption rampante, la hausse du coût de la vie, le manque de débouchés pour les jeunes, les carrières illégales, le déboisement de nos forêts, le traitement de nos déchets, les accidents de la route, la nouvelle loi...

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