L’acte d’accusation accueilli avec grand soulagement par les familles des victimes

L’attente a été longue, mais, en définitive, l’heure de vérité a sonné. Annoncé à plusieurs reprises au cours des derniers mois, l’acte d’accusation du Tribunal spécial pour le Liban a finalement été remis hier matin au procureur Saïd Mirza, à la grande satisfaction des familles des martyrs tombés durant la révolution du Cèdre et des victimes qui avaient échappé par miracle aux attentats terroristes dont elles avaient été la cible.
Peu après l’annonce de la remise de l’acte d’accusation au juge Saïd Mirza, L’Orient-Le Jour a recueilli les premières impressions à chaud.
Victime d’une tentative d’assassinat à laquelle elle avait miraculeusement échappé, la journaliste May Chidiac n’a eu de cesse de clamer haut et fort que ce sont la Syrie et le Hezbollah qui se tiennent derrière la série d’attentats qui a visé plusieurs personnalités politiques. La remise de l’acte d’accusation la « réjouit » donc et la libère d’un lourd fardeau.
« Finalement, on y est, dit-elle. Cela fait près de six ans que nous attendons ce moment libérateur qui prouve que tôt ou tard, justice sera faite. Désormais, ceux qui vont avoir la tentation d’assassiner vont y réfléchir à deux fois avant d’agir, sachant que leur crime ne restera pas impuni. » Et d’ajouter : « La remise de cet acte d’accusation est très importante. Elle signifie que la justice va suivre son cours et que les médisances diffusées par la nouvelle majorité concernant le tribunal international ne réussiront pas à mettre un frein à ses activités. Nous attendons donc la suite pour savoir qui se tient derrière tous les assassinats. »
Michèle Tuéni, qui attend depuis longtemps que l’acte d’accusation soit remis au parquet et que les Libanais sachent enfin qui se tient derrière tous les assassinats et particulièrement celui de son père Gebran, est soulagée. « Mon père a été l’un des premiers à réclamer que justice soit faite, souligne-t-elle. Donc cette mesure est une sorte de reconnaissance à sa mémoire. D’autre part, c’est la première fois dans l’histoire du Liban que les responsables présumés des assassinats politiques doivent rendre des comptes. Cela va constituer une sorte de frein pour ceux qui pensaient que l’impunité est maître à bord dans ce pays. »
Poursuivant sur sa lancée, Michèle Tuéni espère que les travaux du tribunal se poursuivront jusqu’à pouvoir dévoiler les responsables de l’assassinat de son père. « Selon les premières informations reçues, le tribunal n’a pas établi de liens entre l’assassinat de Rafic Hariri et ses compagnons et celui de Gebran Tuéni, indique-t-elle. Reste à espérer alors que tout sera fait pour remonter à ses assassins. »
La mère de Wissam Eid tremble d’émotion. « Ce qu’on attendait est enfin arrivé, souligne Samira Abbas Eid. Certaines parties ont tout essayé pour intimider les Libanais et même la communauté internationale, n’hésitant pas à brandir le spectre d’une déstabilisation sécuritaire. Mais en fin de compte, la justice ne pouvait que suivre son cours. Je demande donc à tous les Libanais, toutes tendances politiques confondues, de respecter les conclusions auxquelles cet acte est arrivé et de ne pas essayer de gâcher la joie de ceux qui attendent depuis si longtemps cet instant historique. »
« En fin de compte, ajoute Mme Eid, nous ne devons pas oublier que mon fils a été assassiné parce qu’il détenait des informations “explosives” sur les assassins. Quel bonheur de savoir que peut-être, quelque part, il a contribué à dénouer les fils entremêlés concernant tous ces assassinats. »
Wissam Saadé, neveu de Georges Haoui, ne cache pas sa joie, d’autant que le tribunal a établi des liens entre les assassins de Rafic Hariri et ceux de Haoui. « En tant que neveu de Georges, mais aussi en tant que militant au sein du 14 Mars et en tant qu’ancien militant de la gauche historique libanaise, ce qui se passe me réjouit, clame-t-il. Les données telles qu’elles sont présentées dans l’acte d’accusation concordent avec mes prises de position mais aussi avec mes analyses. Je connais bien le Hezbollah. C’est un parti terroriste. C’est un parti qui a assassiné toute une génération d’intellectuels de la gauche parce qu’il ne tolère pas que les autres ne s’alignent pas sur ses prises de position. »
Et Wissam Saadé de poursuivre : « J’espère que le mouvement indépendantiste se mobilisera pour faire pression sur les institutions politiques libanaises afin qu’elles collaborent avec le tribunal international. »