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Nos Lecteurs ont la Parole - Le lionceau fera de vieux os

Les raisons d’un ratage

Par Ronald BARAKAT
Le sur titre ci-dessus ne se veut une provocation pour personne, mais une infirmation des certitudes de quelques-uns dans les journaux et sur le réseau Facebook qui ont pronostiqué un effondrement imminent du régime de Damas et qui ont vendu la peau de l'ours (ou du lion) avant même de l'avoir tenu en joue, et non seulement tué.
Mes réticences sur ce même réseau à annoncer les derniers jours de Pompéi et à participer à la « photo souvenir » sur la carcasse de la bête abattue, en brandissant le V de la victoire, m'ont valu l'éloignement, il est vrai, de quelques friends qui n'ont pas supporté d'entendre ce son de cloche « dissonant », faisant valoir, entre autres, que si les manifestations ne gagnaient pas en ampleur et en volume, à la manière égyptienne ou yéménite, un régime aussi retors et statufié ne pourra pas être déboulonné.
Les protestations en Syrie avaient, depuis leur enclenchement, mis plus d'un mois pour faire boule de neige, avant la mise en marche du rouleau compresseur que l'on voit. Il s'agit maintenant de se pencher sur les raisons qui ont empêché, jusque-là, la révolte de se transformer en révolution. À noter que les raisons ci-dessous sont exposées sous forme de « et/ou » :
1) Majorité favorable au régime, pour les deux sous-raisons suivantes :
- Peur (raisonnée ou déraisonnée) que le pays ne bascule dans l'intégrisme et que l'on passe de mal en pis.
- Alliance des minorités (alaouite, chrétienne et druze) et accommodement des élites, de la bourgeoisie sunnite et de la classe moyenne (toutes confessions confondues), qui ont plus à perdre qu'à gagner d'un changement de régime pour des raisons de privilèges et d'intérêts socioéconomiques. En effet, les mouvements protestataires étaient surtout le propre des classes laborieuses, paysannes et ouvrières, et avaient par conséquent pour principal théâtre les contrées agricoles. Quant à la réaction kurde, elle a brillé par son inexplicable passivité, malgré la situation déplorable de cette communauté.
2) Sentiment de fierté nationale, celui d'une Syrie forte, gros joueur sur l'échiquier mondial, sentiment que le régime a su développer et entretenir au fil des quarante ans de règne.
3) Manque de leadership, et de leadership charismatique, sur les ondes et sur le terrain (bien que les soulèvements « frères » n'en avaient pas, mais le contexte syrien en avait peut-être besoin). On se demande, par exemple, si l'empire soviétique se serait écroulé sans un Eltsine.
4) Manque de rage collective, en raison (peut-être) d'un assujettissement de la population suite à un long écrasement du Moi collectif par un Surmoi despotique. À noter que le « retour du refoulé » du massacre de Hama ne s'est même pas opéré dans cette ville pour produire sa décharge émotionnelle indispensable.
5) « Syndrome de Stockholm collectif » qui a fait que l'otage (le peuple) s'est attaché à son ravisseur (le régime).
6) Verrouillage sécuritaire et policier qui a empêché, jusqu'à présent, l'appareil étatique et l'institution militaire de se scinder ou de se soulever, tous les postes-clés étant tenus par des baassistes pour la plupart alaouites. Il faut souligner, sur ce plan, la sagacité des régimes dictatoriaux arabes (et autres), venus par des coups d'État, qui apprennent à se prémunir contre ces mêmes « coups », comme on l'observe en Libye, au Yémen et maintenant en Syrie.
Sur ce, tout porte à croire que le lionceau fera de vieux os, et qu'il pourrait même devenir lion, après s'être bien « nourri » dernièrement. Cependant, on pourra espérer pour le peuple syrien un « retour d'investissement » en échange du lourd tribut de sang, de tortures, d'horreurs, de persécutions et de dommages moraux et matériels, à savoir une bouffée de liberté, des lueurs de réforme, un avant-goût de démocratie, des bourgeons de multipartisme, en attendant des conjonctures plus favorables. Et pour se consoler, on verra - et avec raison - un régime délégitimé sur le plan populaire, qui ne pourra plus se targuer d'un ridicule 99 % des suffrages au prochain « plébiscite », affaibli sur le plan politico-diplomatique, durement atteint dans son image et soucieux de redorer son blason vis-à-vis de la communauté internationale.
Il y a également tout lieu d'espérer un retour du régime au bercail arabe, en reconnaissance de l'appui reçu, notamment d'Arabie saoudite, et ce aux dépens de ses accointances persanes et « divines », ce qui profitera au pays du Cèdre (et à sa révolution), à moins que l'esprit de revanche ne prévale sur celui... d'humilité (terme inapproprié, j'en conviens).
Je conclus en disant que je ne demanderais pas mieux que d'avoir tort.
Le sur titre ci-dessus ne se veut une provocation pour personne, mais une infirmation des certitudes de quelques-uns dans les journaux et sur le réseau Facebook qui ont pronostiqué un effondrement imminent du régime de Damas et qui ont vendu la peau de l'ours (ou du lion) avant même de l'avoir tenu en joue, et non seulement tué.Mes réticences sur ce même réseau à annoncer les...

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