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Nos Lecteurs ont la Parole

Constitution : la lettre au service de l’esprit

Par Christian JEANBART
L'équation islamo-chrétienne selon laquelle les chrétiens renonçaient à compter sur l'Occident et les musulmans renonçaient à se tourner vers l'Orient pour s'autogérer conjointement est le fondement du pacte national de 1943 ; lequel pacte consacre la responsabilité de chaque communauté dans la gestion des affaires du pays et offre ainsi une garantie contre l'exclusion préservant par le même fait cette « unité dans la diversité » à laquelle - dans son Exhortation apostolique de 1997 - le bienheureux (mai 2011) Jean-Paul II attache une importance capitale non seulement au niveau interchrétien, mais aussi interreligieux islamo-chrétien.
La singularité de cette formule d'équilibre a fait du Liban un prototype en la matière dont l'épreuve s'adresse à toute la communauté internationale pour autant que toutes autres options de cohabitation interconfessionnelle dans les régions sensibles du globe aient pratiquement échoué.
Si les Libanais sauront protéger cet atout qui est le leur, tout le monde sera sans doute content, car les appréhensions des uns et des autres seront apaisées par le souci de tous de préserver le message de convivialité interconfessionnelle avant tout autre principe de valeur, justifié un peu partout dans le monde où le facteur ethnique ne présente pas de difficultés, mais vraisemblablement inapproprié pour le Liban.
Si, en revanche, au nom de ces principes, si séduisants soient-il, les difficultés vécues par le Liban lui faisaient perdre sa qualité de messager tel qu'indiqué ci-haut, la communauté internationale toute entière serait en deuil, à l'Est comme à l'Ouest, car il ne lui resterait plus aucun membre comme lui. Quelle serait alors l'utilité de la déconfessionnalisation ou de la laïcisation ? Le monde regorge d'avertissements où la laïcité a produit exactement l'effet contraire au résultat escompté (les Balkans). Qu'est-ce qui reste aujourd'hui de l'anticléricalisme de Tito ou de l'ultralaïcité de l'Union soviétique avec le nœud gordien du Caucase, etc. ?
Dans cette logique des choses, l'abolition du confessionnalisme, voire même la laïcité, ne saurait être une finalité en soi. La priorité est de préserver le tissu socio-confessionnel du pays sans en abîmer ou user la moindre pièce ; et c'est bien ce qu'a voulu la Constitution avant toute autre chose. En conséquence, l'abolition du confessionnalisme ne devrait être envisagée que pour
servir l'esprit de la Constitution ; l'inverse n'aurait aucune valeur de cohérence. Et si une telle mesure ne garantit pas le résultat, il n'y a pas de mal à y renoncer ; ce serait bien au contraire une prudence salutaire, car si l'expérience ne s'avère pas concluante, il sera trop tard pour essayer d'autres formules, comme dans une procédure dite de « tâtonnements ». Dans ce genre de situations, personne n'a droit à un seul échec, très précisément pour cause d'irréversibilité, et donc de fatalité. Il en résulte qu'il ne faut pas chercher à se précipiter dans le « laïc » aveuglément au détriment de ce tissu devenu tellement rare de par le monde entier. Le « laïc » en tant que tel ne peut présenter d'intérêt pour notre cher Liban que s'il consacrait à jamais le maintien de cet idéal de cohabitation d'une mosaïque de communautés dans un même espace de
vie ; autrement, il serait tout au moins sans cause, sinon préjudiciable. Il n'est donc vraiment pas honteux de constater le doute et de prendre les mesures nécessaires pour se rapprocher encore mieux de l'objectif fondamental de la Constitution qui est de développer tout facteur favorisant le « pacte de vie en commun », dans le respect toutefois de tout ce qui touche à la « liberté d'opinion » ainsi qu'aux « convictions religieuses » (et donc aux contraintes et aux appréhensions qui en découlent) de manière à ce que le Liban reste à jamais une « patrie définitive pour tous ses fils » (Article 1).
L'équation islamo-chrétienne selon laquelle les chrétiens renonçaient à compter sur l'Occident et les musulmans renonçaient à se tourner vers l'Orient pour s'autogérer conjointement est le fondement du pacte national de 1943 ; lequel pacte consacre la responsabilité de chaque communauté dans la gestion des affaires du pays et offre ainsi une garantie contre l'exclusion...

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