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Cinema- - Entre parenthèses

La mort en direct *

C'était en 1979. Les « reality shows » n'étaient pas encore nés et pourtant Bertrand Tavernier signait cette œuvre magnifique, La mort en direct, interprétée par Romy Schneider et Harvey Keitel. Dans ce long-métrage avant-gardiste, un producteur d'émission télévisée sans vergogne filme à travers une caméra plantée dans le cerveau les dernières heures d'une femme à l'agonie.
Aujourd'hui, tout est en direct. Tout est filmé, diffusé, étalé, éclaboussé. Le sexe, l'amour, la mort. Des Jade Goody en veux-tu, en voilà. Encore la mort, l'amour et le sexe. Tous les jours en direct sur la télévision. De l'adrénaline et de l'hémoglobine. Hausse ta jupette, écarte tes jambes et hop ! Baisse ton pantalon, ouvre ta braguette et encore hop ! Réctifie ta mitraillette, regarde dans le viseur, tire et pan ! Dégoupille la grenade et jette-la sur la foule, et encore pan ! Asperge-toi d'essence, claque une allumette et flambe-toi comme une crêpe. Boum ! Remplis ta voiture de matières explosives et promène-toi parmi des milliers de personnes et fais-toi sauter. Et encore boum ! Prends des pierres (choisis-les bien grosses), porte ton plus joli blouson et ton ceinturon, fais-toi « barbarella ». Et vlan ! Noue tes cheveux, jette ta féminité aux orties pour ne devenir qu'un homme ou plus encore une brute et lance ces pierres sur la tête de policiers qui ne font rien d'autre que leur boulot. Et paf !
Des hommes, des femmes déchaînés. Des yeux exorbités, des langues baveuses, des bouches voraces. Jérôme Bosch dans toute sa splendeur. Des foules qui piaffent, qui hurlent, qui houspillent. Des étudiantes étalées sur le bitume. Des cadavres à la chaîne. Plus de pissenlits, mais de la terre, rien que du sable. Des corps démembrés, ensanglantés, en lambeaux qu'on enfourne n'importe comment, n'importe où sans même prendre la peine de les couvrir. Mais pourquoi le ferait-on ? Ce ne sont plus que des corps. Ce ne sont plus des humains. Comme s'ils n'avaient jamais vécu, aimé, pleuré, ri, réfléchi. Et clic-clac, on prend une photo. Encore une autre, s'il vous plaît pour la postérité. Des larmes par-ci, merci pour le cliché, du sang par-là, merci pour le cachet. En direct, tout est en direct. Les yeux du monde entier rivés sur les cures de désintoxication de telle chanteuse, sur les infidélités de tel acteur. Les yeux et les oreilles du monde braqués sur les révolutions, les avancées stratégiques, les dommages collatéraux (dommage pour eux). Le regard fixé sur la douleur, le désespoir.
Après toute cette ratatouille humaine, cette bouillabaisse de chair et de sang, cette corrida à la Guernica dans lesquelles plongent les charognards de la photo, du direct, qui oserait prétendre encore que Quentin Tarantino est violent ?

* Film de Bertrand Tavernier.
C'était en 1979. Les « reality shows » n'étaient pas encore nés et pourtant Bertrand Tavernier signait cette œuvre magnifique, La mort en direct, interprétée par Romy Schneider et Harvey Keitel. Dans ce long-métrage avant-gardiste, un producteur d'émission télévisée sans vergogne filme à travers une caméra plantée dans le cerveau les dernières heures d'une femme à...

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