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Transsexualité : lorsqu’on est prisonnier de son corps

Une proximité charnelle prolongée avec la mère

«Les sociétés démocratiques et libérales de notre époque favorisent l'expression du transsexualisme.» C'est ce qu'affirme le Dr Chawki Azouri, psychologue et psychanalyste, qui explique dans ce cadre que «le mouvement de libération des femmes, la législation dans certains pays en faveur de l'homosexualité, des mariages homosexuels et de l'adoption d'enfants par les couples d'homosexuels font partie d'un mouvement de libération social qui permet aujourd'hui l'expression plus libre du transsexualisme». C'est l'exemple d'ailleurs de Kamikawa Aya, première transgenre à être élue conseillère municipale de Setagaya-ku à Tokyo au Japon en avril 2003 et qui a été réélue en 2007.
«Le constat de certaines pratiques chirurgicales de transsexualisme dans l'Antiquité grecque ou romaine, chez les Indiens d'Amérique du Nord ou les Hijras en Inde nous permet de penser que la tolérance d'une société pour la différence est un facteur fondamental pour l'expression de cette différence sur le plan sexuel», poursuit le Dr Azouri. Dans notre époque toutefois, la tolérance fait défaut dans de nombreuses sociétés. «Récemment, au Dakota du Sud aux États-Unis par exemple, on vient de renforcer la loi sur l'homicide justifié, déplore-t-il. Conformément à cette nouvelle loi, les peines des personnes qui assassinent des médecins pratiquant ou favorisant l'avortement sont allégées. On peut imaginer qu'un transsexuel n'a pas de place dans cette société.»
Poussant plus loin son analyse, le Dr Azouri rappelle que lors de la première campagne électorale de George W. Bush, les néoconservateurs avaient mis en place pour cette campagne trois chevaux de bataille idéologiques: la lutte contre l'avortement, contre l'homosexualité et contre l'infidélité conjugale. «Dans les trois cas, il y a une relation sexuelle sans reproduction, constate-t-il. Cela signifie que, sur un plan social, la relation sexuelle est condamnable à chaque fois qu'elle est séparée de sa nécessité reproductrice. Que serait-ce pour un transsexuel alors? Qu'un homme devienne une femme ou vice versa élimine la nécessité d'un couple, puisque la personne transsexuelle a été les deux sexes à la fois. Il s'agit là de l'incarnation même du rejet de l'autre sexe, non pas sur le plan de l'homosexualité, mais sur le plan de la reproduction.»
Sur un plan psychanalytique, le Dr Azouri explique qu'au Liban «nous n'avons pas beaucoup de patients transsexuels, ces derniers consultent d'emblée un chirurgien». «Si un analyste n'est pas prisonnier de la "géographie corporelle de son sexe", comme le dit François Perrier, il a une chance d'écouter la souffrance d'un transsexuel, si elle existe, poursuit-il. Nous apprenons alors que ce sont des enfants qui sont restés longtemps, très longtemps après leur naissance dans une proximité charnelle avec leur mère. Comme si la période du nourrissage ne s'était pas terminée pour eux. Les mères ne tolèrent aucune séparation avec ces enfants-là. La fameuse séquence absence-présence qui signifie très tôt le rythme et le va-et-vient de la mère auprès de l'enfant semble ici comme suspendue. Comme s'il n'y avait pas un ailleurs corporel pour la mère autre que celui que lui procure le corps de son enfant. Le changement de sexe pourrait prendre alors le sens d'une coupure entre les deux corps, le transsexuel voulant par là se séparer du corps de la mère.»

«Les sociétés démocratiques et libérales de notre époque favorisent l'expression du transsexualisme.» C'est ce qu'affirme le Dr Chawki Azouri, psychologue et psychanalyste, qui explique dans ce cadre que «le mouvement de libération des femmes, la législation dans certains pays en faveur de l'homosexualité, des mariages homosexuels et de l'adoption d'enfants par les couples...