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Nos Lecteurs ont la Parole

I- Existe-t-il un droit de vérification /contestation pour le Liban des documents émanant du TSL ?

Par Pr Fady FADEL

Durant les dernières semaines, beaucoup de spéculations ont couru à propos de la coopération des autorités libanaises avec le TSL. Loin des instrumentalisations politiques de cette question, le premier réflexe d'un juriste est de revenir aux textes/références ainsi qu'aux règles et règlements pertinents. Mais avant d'examiner cette question juridique, il convient de noter qu'il n'est pas de l'intérêt du TSL et de la justice internationale de rejeter en bloc les critiques ainsi que les réserves formulées par telle ou telle personne, uniquement au regard de son obédience politique. Les jurisprudences connaissent autant d'avis conformes de la part de spécialistes ou de l'opinion publique que d'avis dissidents. Le discernement qu'on est appelé à faire face aux actions et aux décisions de la justice doit être fait face au contenu et au fond de ces actes et non pas par rapport à la forme ou à la position politique des interlocuteurs.
Force donc est de reconnaître qu'il existe des pertinences dans les remarques émises par des personnes déçues par la justice internationale ou qui ont des réserves sur certaines de ses actions compromises (comportement des enquêteurs, lenteur de la procédure d'examen de l'acte d'accusation, fuite d'enregistrements, etc).
Par ailleurs, défendre le TSL et la justice internationale « dans l'absolu », sans garder une distance par rapport aux actions émanant de ses organes et de son personnel, ne constitue nullement un atout en faveur du TSL. C'est ainsi qu'on contribue à sa politisation, tout comme son rejet « dans l'absolu », sans discernement réel avec un bilan sur ses acquis et ses imperfections.
Cela étant, qu'en est-il de la coopération entre les autorités libanaises et le TSL ? S'agit-il d'ordre(s) donné(s) par les organes du TSL à l'endroit du Liban ? N'y a-t-il pas une marge d'appréciation par les autorités libanaises ? Est-ce que la compétence du gouvernement dans ce cadre est totalement liée ou bien existe-t-il un va-et-vient qui permet un rapport constructif, pas obstructif ?
1- L'accord entre l'ONU et le Liban et le règlement de procédure et de preuve
- L'article 15 de l'accord entre l'ONU et le Liban portant création du TSL est divisée en deux paragraphes. Dans le premier paragraphe, il est dit que « le gouvernement libanais coopère avec tous les organes du tribunal, en particulier avec le procureur et le conseil de la défense (...) ».
Dans le second paragraphe, il est question plutôt de la coopération avec les organes judiciaires du TSL au niveau de l'exécution des ordonnances prises par les chambres.
D'autre part, l'article 16 du règlement de procédure et de preuve (RPP), intitulé « Demande d'information et de coopération au Liban », développe ce en quoi consistent les requêtes adressées par les organes du TSL aux autorités libanaises. Dans les trois paragraphes (A, B et C), tant le procureur que le chef du bureau de la défense jouissent de la compétence de demander aux autorités libanaises de leur « transmettre toutes les informations pertinentes, de s'acquitter des tâches (saisir des documents ou d'autres éléments de preuve potentiels, de mener toute autre activité d'enquête, etc) et/ou d'autoriser son (leurs) équipe(s) à les accomplir elle(s)-même(s) ».
Dans ce cadre de coopération, la question soulevée en droit est de savoir quelles sont les répercussions en cas de non-respect par le Liban d'une demande (par le procureur ou le chef du bureau de la défense) ou d'une ordonnance (organes judiciaires, c'est-à-dire les chambres et le juge de la mise en état) émanant du tribunal ?
- L'article 20 du RPP vient répondre à cette question problématique en distinguant, encore une fois, entre une demande (paragraphe A) et une ordonnance (paragraphe B). Dans les deux cas, au cas où les autorités libanaises ne donneraient pas suite favorable aux demandes/ordonnances émanant du TSL, l'autorité judiciaire du TSL est saisie ou s'autosaisit, en l'occurrence le juge de la mise en état ou une chambre, afin d'examiner cette affaire et apporter la qualification nécessaire aux faits relatifs au non-respect par le Liban d'une demande ou d'une ordonnance. Cette procédure aboutit à un « constat judiciaire ».
Ensuite, une intervention du président du TSL a lieu en termes de consultation avec le gouvernement libanais, afin d'examiner les problèmes survenus et aboutir à la coopération requise. Cette procédure du président aboutit également à un constat judiciaire, par lequel il apporte les qualifications aux faits et considère, le cas échéant, s'il y a ou non manquement aux engagements internationaux du Liban. C'est à ce moment qu'il y a saisine du Conseil de sécurité, qui reste libre dans son pouvoir d'appréciation de la situation et d'action conséquente.
Que pouvons-nous retenir de cette lecture des textes ?
(à suivre)

 

Pr Fady FADEL
Professeur de droit international
Vice-recteur et secrétaire général de l'Université antonine

Durant les dernières semaines, beaucoup de spéculations ont couru à propos de la coopération des autorités libanaises avec le TSL. Loin des instrumentalisations politiques de cette question, le premier réflexe d'un juriste est de revenir aux textes/références ainsi qu'aux règles et règlements pertinents. Mais avant d'examiner cette question juridique, il convient de noter...

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