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Nos Lecteurs ont la Parole

I.- L’accord de Taëf est-il appliqué ?

Par Joseph W. ZOGHBI
Pour rappel, voici quels sont les principes généraux de l'accord de Taëf :
1. Le Liban est un pays souverain, libre et indépendant, patrie définitive pour tous ses fils ; territoire peuple et institutions, dans ses frontières fixées par la Constitution libanaise et reconnues internationalement.
2. Le Liban a une identité et une appartenance arabes, et est membre fondateur actif de la Ligue des États arabes, engagé par sa charte. Il est aussi membre fondateur et actif de l'Organisation des Nations unies et engagé par sa charte. Il est aussi membre du mouvement des pays non alignés. L'État libanais tient compte de ces principes dans tous les domaines sans exception.
3. Le Liban est une République démocratique parlementaire basée sur le respect des libertés publiques, et principalement la liberté d'opinion et de croyance, et sur la justice sociale et l'égalité des droits et devoirs entre tous les citoyens sans distinction ni préférence.
4. Le peuple est la source des pouvoirs et est souverain à travers les institutions constitutionnelles.
5. Le système a pour fondement la séparation des pouvoirs, leur équilibre et leur coopération.
6. Le système économique libéral garantit l'entreprise individuelle et la propriété privée.
7. Le développement équilibré des régions dans les domaines éducatif, social et économique est une base importante de l'unité de l'État et de la stabilité du système.
8. L'État œuvre à établir une justice sociale globale par les réformes financières, économiques et sociales.
9. Le territoire libanais est un territoire pour tous les Libanais. Chaque Libanais a le droit de résider sur n'importe quelle partie et d'en jouir selon la loi. Le peuple ne doit être soumis à aucune ségrégation, quelle que soit l'appartenance. Ni fragmentation, ni partition, ni implantation.
10. Aucune légitimité pour toute autorité qui contredit la charte de coexistence.
Il était utile d'exposer les principes généraux de l'accord pour rafraîchir la mémoire des Libanais sur la base de notre nouvelle Constitution. Malheureusement, l'on constate que les principes généraux de cet accord n'ont pas été suivis, bien que 21 ans se soient écoulés depuis sa signature.
Le principe n° 1 qui a rapport à la souveraineté n'est pas du tout appliqué. Pendant plus de quinze ans, on a continué à être occupé par la Syrie alors que les accords de Taef stipulaient le redéploiement des forces syriennes vers la Békaa et leur retrait à terme. Après cette occupation militaire, est venue l'occupation politique par des pays, par l'intermédiaire de leurs ambassadeurs ou officiels en visite, et qui se comportaient comme en pays conquis : États-Unis, Arabie saoudite, Syrie, Iran, Turquie, Égypte, France, etc.
Concernant le principe n° 2, le Liban a usé et abusé de son appartenance arabe, mais dans le mauvais sens, en laissant les pays arabes s'immiscer d'une manière intolérable dans ses affaire internes. La Ligue arabe, inutile par ailleurs, n'a jamais été un élément positif pour résoudre quoi que ce soit. Quant à l'ONU, elle existe pour éteindre les flammes chaque fois qu'Israël nous attaque, mais ne prévient jamais les attaques de ce pays. Ne parlons pas du mouvement des non-alignés qui, depuis la chute de l'Union soviétique, n'a plus aucune fonction.
Concernant le principe n° 3, qui est l'un des principes les plus importants puisqu'il porte sur les libertés d'opinion et de croyance, ainsi que sur la justice sociale et l'égalité des droits et devoirs entre tous les citoyens sans distinction ni préférence, tout ce qui a trait à la justice sociale ainsi qu'à l'égalité des droits est loin d'être appliqué sans distinction ni préférence. Les nominations dans l'administration dans les municipalités mixtes, les sociétés d'État, les postes dans les ministères, l'accès à la santé, à l'éducation, etc., bref la majorité des décisions est prise suivant la mentalité des clans et de l'appartenance religieuse.
Concernant le principe n° 4, la représentativité est biaisée par une loi électorale d'un autre âge qui ne permet pas aux diverses composantes de la population, principalement les chrétiennes d'être représentées justement.
Le principe n° 5, celui de la séparation des pouvoirs, l'un des plus important dans un système démocratique, est plutôt vicié, surtout en ce qui concerne la justice. Le moins qu'on puisse dire est que la justice au Liban est politisée et se fait à la tête du client. La non-application de ce principe est l'un des éléments les plus dangereux dans notre système. Si un justiciable n'a pas confiance dans son système judiciaire et pénitentiaire, il ne se sent plus en sécurité. En outre, le pouvoir exécutif croule sous des dysfonctionnements intolérables (qui seront développés dans la partie 2).
Concernant le principe n° 6, le système libéral représente ce qu'il y a de mieux pour le Liban. Mais dans un pays comme le Liban, on peut faire tout et n'importe quoi si on a ses entrées. Cela a favorisé d'une manière intolérable la corruption généralisée à tous les échelons de l'État. Enfreindre la loi est devenu un sport national où chacun essaie de surpasser l'autre. En l'absence d'une application stricte des bonnes lois, le système libéral libanais suit plutôt les lois de la jungle.
Le principe n° 7, concernant un développement équilibré de toutes les régions et qui devait être à la base de la paix civile, a été ignoré. L'équation tout le pays « solidaire » avec Beyrouth a été appliquée, délaissant le reste du pays et ignorant les autres besoins vitaux : eau, électricité, routes départementales... Même les budgets et allocations aux municipalités n'ont pas été versés.
Le principe n° 8 sur la justice sociale globale ? Une bien triste plaisanterie. Je voudrais voir comment on compte appliquer la justice sociale sans que la loi sur les impôts et la redistribution de la richesse nationale soit juste.
Le principe n° 9 sur le droit de tout Libanais de résider là où il le désire ? Il y a bien eu récemment un ministre qui a voulu le transgresser. Nous disons qu'il faut appliquer les lois scrupuleusement, et ce sont les mentalités pour une vie commune qu'il faudrait promouvoir.
Sur le principe n° 10, l'on examine aujourd'hui encore autour de la table ronde comment réconcilier la présence d'armes entre les mains d'une partie des citoyens et le pouvoir un et unique de l'État.
Et ce ne sont là que les principes qui ne sont pas suivis. On constatera que, parvenus aux applications, c'est encore pire.
(À suivre).
Pour rappel, voici quels sont les principes généraux de l'accord de Taëf : 1. Le Liban est un pays souverain, libre et indépendant, patrie définitive pour tous ses fils ; territoire peuple et institutions, dans ses frontières fixées par la Constitution libanaise et reconnues internationalement.2. Le Liban a une identité et une appartenance arabes, et est membre fondateur actif...

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