Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Tradition

Le bouzkachi, instrument de prestige des seigneurs de guerre afghans

Violent et spectaculaire, le jeu remonte au XIIIe siècle à l'époque de Gengis Khan.

Sans véritables règles, le jeu consiste à se disputer le cadavre étêté d’une chèvre.Photo Shah Marai/AFP

Dans un nuage de poussière, la mêlée fumante d'une cinquantaine de cavaliers se dispute le cadavre étêté d'une chèvre. À la tribune, le maréchal Mohammad Fahim, premier vice-président afghan, contemple «son» bouzkachi, symbole de sa puissance.
Originaire d'Asie centrale, réputé remonter à l'époque de Gengis Khan (XIIIe siècle), le bouzkachi, jeu très violent et spectaculaire, reste un symbole de l'identité afghane. La légende veut qu'il servait à l'origine d'entraînement aux guerriers, qui jouaient avec le cadavre d'un ennemi.
Sur la plaine rurale de Shamali, à une trentaine de kilomètres au nord de Kaboul, des chevaux se cabrent pour se frayer un chemin dans la masse informe des cavaliers qui se bousculent pour s'emparer de la carcasse à terre. Les cravaches lestées de plomb cinglent les montures et les hommes.
Certains «tchopendoz» (joueurs) glissent leur buste entre les flancs des chevaux, les mains à hauteur de sabots pour tenter de se saisir de la lourde carcasse. Soudain, l'un d'eux s'extrait de la cohue, la dépouille calée sous une jambe, et s'élance à bride abattue vers un mât à l'autre bout du terrain, poursuivi par les autres cavaliers.
Au galop et en équilibre acrobatique dans leurs étriers, certains tentent de lui arracher le trophée. Le vainqueur de la manche sera celui qui parviendra à revenir déposer la dépouille dans un cercle au sol, aux pieds du maréchal Fahim.
Un tchopendoz doit pour cela posséder à la fois force et adresse. Les joueurs n'ont pour seules protections qu'une veste, un pantalon de velours épais et des bottes de cuir. Certains ont remplacé leur traditionnel «telpak» (toque de fourrure) par un casque de tankiste russe.
Le jeu, sans véritables règles, fut longtemps pratiqué exclusivement par les peuples turcophones du nord de l'Afghanistan et des pays limitrophes. Dans les années 1950, le gouvernement afghan l'avait décrété «sport national» et avait organisé, pour l'anniversaire du roi Zaher Shah, le premier bouzkachi à Kaboul, raconté par Joseph Kessel dans son roman Les cavaliers.
Plus qu'un simple jeu, le bouzkachi fut surtout longtemps un outil de prestige - et donc de pouvoir - pour les «khans», les notables du nord du pays, seuls capables d'entretenir les meilleurs chevaux, d'engager les tchopendoz les plus valeureux et d'héberger et nourrir des centaines de personnes durant plusieurs jours.
Le statut et le nombre des invités, la qualité du spectacle, la valeur des prix décident du succès du bouzkachi et du prestige de son organisateur.
Or, en Afghanistan, «le prestige est la source ultime du pouvoir», souligne l'anthropologue américain Whitney Azoy dans son livre Bozkachi, jeu et pouvoir en Afghanistan. Il voit dans le jeu une métaphore de la politique afghane: une lutte féroce où celui qui ne gagne pas perd et «le but est de s'accrocher jusqu'à la mort» à la carcasse de l'animal comme au pouvoir.
Les très riches et controversés chefs de guerre, ex-commandants de la résistance antisoviétique (1979-1989), de la guerre civile, puis de la lutte antitalibans, sont désormais les nouveaux «khans» d'Afghanistan.
Le général Abdul Rahim Dostom, principal chef de milice ouzbek et actuel chef d'état-major de l'armée afghane, et le maréchal Fahim, ex-bras droit du défunt chef moudjahidine Massoud dans le Panshir (nord-ouest), sont ainsi à la tête de deux des écuries de bouzkachi les plus renommées.
Sur la plaine de Shamali, le maréchal Fahim, accusé d'avoir fondé sa fortune sur des activités criminelles, a construit son propre stade, un peu plus grand qu'un terrain de football, plus limité que les steppes infinies du nord où le jeu peut s'étendre sur des kilomètres.
Entouré de ses invités, il fixe avec largesse les primes qu'il accorde aux vainqueurs. Sur son cheval, le «jorgi» (crieur) relaye en hurlant la générosité du maréchal au public venu jouir du spectacle aux frais du puissant hôte.

(Source : AFP)
Dans un nuage de poussière, la mêlée fumante d'une cinquantaine de cavaliers se dispute le cadavre étêté d'une chèvre. À la tribune, le maréchal Mohammad Fahim, premier vice-président afghan, contemple «son» bouzkachi, symbole de sa puissance.Originaire d'Asie centrale, réputé remonter à l'époque de Gengis Khan (XIIIe siècle), le bouzkachi, jeu très violent et spectaculaire,...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut