« El rajol ra's el mar'a... », nous a-t-on dit-appris-martelé-rappelé. Peut-être , béni-oui-oui d'un autre temps, mais de cette tête nous sommes la nuque*, l'aorte, les pulsations, les cordes vocales, la raison et sa folie, l'ivresse ou la sagesse, l'échine, le tuteur... Comment pouvez-vous insulter ces combattantes qui, dans l'insécurité permanente, trouvent le temps d'être belles, de battre des cils, de sourire, de s'habiller cool ou chic, de se balancer sur des stilettos rouges, de sortir, et de faire comme si de rien n'était, auréolées d'optimisme, en chauffant leurs cartes de crédit, ce qui contribue d'ailleurs à garder l'équilibre du marché, non ? Celles qui, malgré la morosité, bricolent, créent, inventent, exposent, peignent, composent, « désignent », chantent, inaugurent des pignons-sur-rue, exportent leurs créations, virevoltantes de créativité. Ces femmes-commandos qui, au pas de course, accompagnent, raccompagnent aux classes, aux activités, retiennent les horaires, récitent, refont leur grammaire dans deux langues, revoient leurs maths, préparent cinq repas avec les cinq-fruits et légumes, même si Pripritta épluche, et en jonglant avec le porte-monnaie le Scrabble, les cours de sport, belle-maman et maman, elles font aussi le supermarché, l'expo-qu'il-faut-voir, goûter « l'œuf en croûte » à ne pas rater, lire les magazines et le dernier Percy Kem , suivre les nouvelles du coin de l'œil, en se remettant du rouge à lèvres ? Que dire aussi de celles qui, telles des gladiateurs, sont à la tête de groupes, d'équipes, qui mènent la barque des banques privées, des cabinets de droit, des maisons d'édition, des organisations de colloques et de conférences, des corps médicaux, en secouant une chevelure parfaite ? Ce sont les mêmes qui gèrent leurs étudiants à l'étranger, le studio, les billets allers-retours, le sirop contre la toux à distance, l'armoire-bureau-tiroir de chez Ikea, les légumes (toujours cinq par jour) et les jus via IPhone, l'expiration de la carte de séjour... Et puis cette atteinte à celles qui, discrètement, sans faire de bruit, vendent leurs petits bijoux en or, font leur pain, achètent trois fois rien et en font tout un plat, lavent et relavent la robe de tous les jours, attendant, en faisant de petits boulots, d'en faire encore et encore, pour pouvoir payer aussi au dernier son université. Celles-là sont notre exemple d'humilité et de résistance. Il y aussi, cher monsieur, celles qui supportent la mauvaise humeur, les rictus, les soupirs, les ronflements, les mensonges, les rustreries, le manque de respect, l'avarice, les bleus au cœur et au corps, et celles qui ne supportent pas. Dans les deux cas il faut du cran , du courage et de la force. Je veux aussi louer les femmes formidables qui soutiennent, poussent, encouragent, motivent, épaulent leurs hommes, sortent les griffes, gèrent un patrimoine, misent sur l'avenir, enveloppant le foyer de sérénité et de bien-être. Dans ces cas-là aussi, il faut de la patience, de l'énergie. Comment oser espérer être crédible, monsieur, quand on pense à la croisade des volontaires qui, d'hôpital en prison, de foyer en maison de retraite, de couvent en monastère, en robe de bure ou en tailleur Chanel, en pantalon et foulard, ou en jeans, elles sont légion, et partout. Je voudrais rendre un hommage à Samy Khayath qui, lui le premier, peut-être le seul, a parlé de la différence des femmes de mon pays : nous sommes les seules à avoir une terminaison en "aises", extraordinaires libanaises, pas syriennes, libyennes, jordaniennes, égyptiennes, tunisiennes... LIBANAISES, fières, belles, fortes, uniques, incroyables, copiées, imitées. Vous avez eu envie de nous mater, de nous dompter, de nous taper sur les doigts, monsieur el-Cham ? Après tout ce chemin ? Vous tombez mal, tard, et bien bas ! J'espère que vous n'êtes pas nombreux. Touche pas à mes potes !
Éliane ZEENNY-KHAYAT
*We are the head of the family, (the Father)
Yes, but we are the neck... (The Mother) -
- My big fat Greek wedding
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