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Nos Lecteurs ont la Parole

La présence chrétienne et le fond du problème

Par Michel FAYAD
Depuis que le ministre du Travail a présenté son projet de loi interdisant la vente d'un bien immobilier entre des citoyens de confessions différentes, les réactions sont vives. Les uns y voient le moyen de stopper l'hémorragie en cours ; les autres, une mesure ségrégationniste semblable à l'apartheid. Qu'en est-il ? La plupart de ceux qui s'opposent à ce projet de loi sont de farouches opposants à la colonisation juive en Cisjordanie. Or l'achat de biens immobiliers par des musulmans dans certaines régions est véritablement vécu par les chrétiens comme une colonisation déguisée : « L'islamisation par la terre ». Toutefois, si une telle loi voit le jour, elle sera contournée par la fameuse astuce des prête-noms. Ainsi, l'hémorragie ne pourra pas être stoppée. Pourquoi donc le ministre du Travail propose-t-il un tel projet de loi ? Est-ce pour faire oublier aux chrétiens que les droits récemment accordés aux Palestiniens pavent la voie à l'implantation, qui est pourtant anticonstitutionnelle ?
Par les accords du Caire et de Melkart, le Liban avait autorisé les Palestiniens à utiliser son territoire comme base pour leur résistance et leur cause, et donc à avoir un État dans l'État et une armée en plus de l'armée. En agissant de la sorte alors qu'aucun État arabe n'avait donné aux Palestiniens un tel privilège, le Liban s'était mis en danger de représailles israéliennes puisque ces accords étaient contraires à la convention d'armistice israélo-libanaise. Pire, une guerre de quinze ans, dont nous payons encore le prix aujourd'hui, avait éclaté. En 1987, l'accord du Caire a été abrogé ; et, en 2006, les séances du dialogue national ont abouti à une seule décision : désarmer les Palestiniens qui se trouvent en dehors des camps. Comment se fait-il que les organisations palestiniennes obéissent à toutes les autorités (au gouvernement du Fateh en Cisjordanie, à celui du Hamas dans la bande de Gaza, à certains États de la région ou encore à el-Qaëda) mais pas au Liban qui les héberge ?
Quand est-ce que l'État va affirmer et étendre son
autorité :
- en appliquant la décision du Conseil d'État visant à procéder à des investigations sur la véracité des informations fournies par les naturalisés par le décret 5 247 du gouvernement en 1994 (le 2 novembre 1998, el-Arab al-Yom rapporte qu'Assaad Abdel Rahman, le responsable des questions des réfugiés au sein de l'Autorité nationale palestinienne, estime à au moins 70 000 le nombre de Palestiniens naturalisés par ce décret alors même que l'implantation est interdite par notre Constitution) ;
- en expulsant les 75 000 Palestiniens arrivés au Liban de manière illégale à la suite du Septembre noir en Jordanie, et en désarmant les Palestiniens à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur des camps, mettant fin ainsi à l'extraterritorialité des camps palestiniens qui a, entre autres, donné naissance au Fateh el-Islam ?
L'État doit presser l'Autorité nationale palestinienne de délivrer gratuitement aux Palestiniens vivant au Liban des passeports palestiniens afin qu'ils puissent faire leur vie ailleurs. Le passeport palestinien existe et est reconnu par un grand nombre d'États comme l'Allemagne, l'Arabie saoudite, le Brésil, le Canada, l'Égypte, les Émirats arabes unis, les États-Unis, la France, la Jordanie, le Qatar, le Royaume-Uni, la Suisse, la Turquie et d'autres. Comme tous les étrangers, les Palestiniens qui souhaiteront travailler au Liban devront obtenir un permis de travail. Le fait que les Palestiniens vivent au Liban depuis longtemps ou qu'ils y sont nés ne fait pas de l'implantation un fait accompli. Seule la corruption de la classe politique libanaise peut conduire à l'implantation. Rien d'autre, car il n'existe aucun fait accompli que nous ne pouvons pas renverser.
Le fond du problème est que les chrétiens sentent que leur présence politique, géographique et culturelle est en danger. Pour rassurer les chrétiens et moderniser et développer le Liban, il existe de véritables solutions. Si le statu quo arrange la plupart des leaders politiques, Fouad Abou Nader, lui, en a fait son ennemi. Lors de son interview sur New TV le 4 janvier 2011, le président du Front de la liberté a dénoncé le report par le ministre des Affaires étrangères, « pour raisons politiques », du projet de loi permettant aux émigrés de voter. Et il a estimé que Taëf n'a pas résolu le fond du problème : pire, Taëf est l'essentiel du problème.
Les quatre principales solutions au problème sont :
1. La neutralité, qui doit être positive, permanente et garantie internationalement car celle-ci permettra au Liban de recouvrer une véritable souveraineté loin d'une entente syro-saoudienne avec le blanc-seing américain, situation inacceptable instaurée par Taëf.
2. Le régionalisme, qui est à la fois une réponse au danger pesant sur la présence géographique et culturelle des chrétiens, mais aussi la seule option valable pour une véritable modernisation et un développement économique équilibré des régions libanaises et de l'ensemble du Liban. Où en est le ministre de l'Intérieur quant à la décentralisation administrative qui est complètement ratée dans l'accord de Taëf ?
3. Le système uninominal instaurant l'élection d'un seul député par circonscription est le seul à pouvoir assurer une véritable parité entre chrétiens et musulmans au Parlement. Où en est le ministre de l'Intérieur quant à la loi électorale? Quant au vote des émigrés, il est temps que le ministre des Affaires étrangères leur concède ce droit !
4. Une présidence forte, car celle-ci s'inscrit dans le cadre stratégique d'une protection (fonctionnelle) des minorités en Orient et non dans le cadre du confessionnalisme politique qui privilégierait les maronites. La présidence est un gage servant aux maronites à assurer la sauvegarde des droits, de la liberté et de l'existence des chrétiens et des autres minorités (d'un point de vue régional). Tout dépouillement du président de ses prérogatives peut donc être analysé uniquement dans le sens d'une réduction des droits des minorités dans une région où les chrétiens ne sont pas égaux avec les musulmans et vivent dans la dhimmitude. À ce sujet, l'Égypte, l'Irak et tous les États de la région doivent considérer les chrétiens comme des citoyens dont ils doivent assurer la sécurité. Les chrétiens ne veulent ni de la sécurité offerte aux dhimmis ni de leur protection par les musulmans. Les chrétiens veulent de la sécurité offerte aux citoyens par l'État. Avec Taëf, le président n'est plus le chef de l'exécutif et n'est même plus un arbitre. Son rôle apparaît plus formel que réel. La fonction présidentielle est vidée de son halo et de son prestige. Les pouvoirs du président de la République ne sont ni réduits ni limités, mais ôtés et transférés au Conseil des ministres et à son président. Il faudrait appliquer la formule de Rachid Karamé datant de 1984, laquelle consiste à confier le pouvoir exécutif au président de la République qui exercerait celui-ci avec la participation du Conseil des ministres.
Si j'ai longuement parlé des Palestiniens, c'est pour bien faire comprendre que « si on ne veut pas que nous devenions le nouvel Israël du Moyen-Orient, il faut que tout le monde comprenne que nous refusons d'en être les nouveaux Palestiniens » (Fouad Abou Nader, commandant en chef des Forces libanaises, à l'Hebdo Magazine, le 12 janvier 1985). Lors de son interview à l'antenne de New TV, Fouad Abou Nader a également appelé à la constitution d'une instance permanente rassemblant les chrétiens d'Orient afin de mieux faire entendre leur voix. Il est urgent que dans tous les pays de la région, l'État assure la sécurité des chrétiens en tant que citoyens à part entière et qu'il les entende au moins comme sont entendus leurs coreligionnaires musulmans. C'est la passivité et la surdité de l'État qui poussent les chrétiens vers l'autoprotection. Car, entre fuir et mourir, si beaucoup partent ou partiront, comme le constate le patriarche maronite, certains choisissent ou choisiront de résister de différentes manières, parfois en restant simplement là où ils se trouvent et en mourant en témoignant de leur foi. Car comme l'a aussi dit Fouad Abou Nader en 1985, « le don de soi, un raisonnement sain, un niveau élevé de morale surtout en politique et le sacrifice qui puisse atteindre au martyre, c'est là la véritable signification de la résistance et non point les vaines paroles sur des sujets finalement épuisés comme la formule, le Pacte national, la partition, la réunification, le partage, l'effritement et le foyer national chrétien ».
Depuis que le ministre du Travail a présenté son projet de loi interdisant la vente d'un bien immobilier entre des citoyens de confessions différentes, les réactions sont vives. Les uns y voient le moyen de stopper l'hémorragie en cours ; les autres, une mesure ségrégationniste semblable à l'apartheid. Qu'en est-il ? La plupart de ceux qui s'opposent à ce projet de loi sont de...

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