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Liban - Portrait

De la haute finance à l’enseignement de la théologie, Paul Doueihy est allé au bout de sa foi

Mû par une foi inébranlable, Paul Doueihy troque son costume-cravate de banquier contre une soutane, afin de se consacrer à Dieu et servir le Liban-Nord.

Pour le jeune prêtre, il n’y a pas d’incohérence entre l’économie et le religieux.

À l'heure où le film Des hommes et des dieux, qui parle du drame des moines de Thibérine, fait un tabac en France et dans le monde, l'on peut s'inspirer aussi de belles histoires de vocation, de cheminement, sur le terrain, chez nous.
Y a-t-il plus grand témoignage d'amour que de donner sa vie pour ceux qu'on
aime ? Frère Luc, un des moines qui furent assassinés, aimait les Algériens. En refusant de quitter le monastère, il leur donna sa vie ; il est allé au bout de sa foi ; tout comme Edith Stein qui a inspiré Paul Doueihy, lequel a choisi au final d'aller lui aussi au bout de sa foi et d'abandonner les salles de marchés des grandes banques parisiennes, les marchés boursiers mondiaux, pour se consacrer à Dieu et au nord du Liban.
1998-2006 : des journées de seize heures au Crédit commercial de France devenu HSBC, sur la plus belle avenue du monde ; des contacts avec les plus grandes institutions financières internationales, depuis Paris jusqu'à Singapour, le Japon, en passant par New York. En parallèle, dès 2000, des études de théologie par correspondance à l'Université de Strasbourg ; et une petite famille à charge après avoir passé la bague au doigt en 1999.
1998-2006 : sa terre natale, Zghorta surtout, lui trotte toujours dans la tête. Ayant pris la décision de rentrer s'y installer et alors qu'il est en retraite ignacienne dans la campagne lyonnaise, un mois d'août 2006, Hezbollah et Israël embrasent le pays pour la trente-sixième fois. Paul est alors assailli par le doute. Faut-il rentrer dans un pays tellement incertain, qui plus est avec une famille sur les bras, plutôt que de jouir du confort occidental d'une vie bien dessinée dans un environnement plutôt prévisible ?
Alors qu'il lisait les lettres du patriarche Doueihy du XVIIe siècle, écrites aux jeunes maronites en formation à Rome, dans lesquelles il les exhortait à rentrer au Liban - parce que « l'Orient a besoin de pasteurs qui s'occupent du troupeau » - celles-ci lui apparaissent comme un signe. Il replonge aussi dans les histoires des figures qui l'ont inspiré : Thérèse d'Avila, Thérèse de Lisieux et Edith Stein qui, bien que convertie, avait choisi par solidarité de porter la croix de son peuple. C'est dans ces méditations qu'il trouve la lumière, qui le décide à quitter la Ville Lumière. Paul quitte la banque et Paris en août 2006 pour rentrer à Zghorta où il poursuit sa licence en théologie à l'Université antonine, au Liban-Nord. Il doit repasser par le séminaire de Karmsaddé, dont il ressort au final avec une autorisation de l'évêque pour enseigner à l'Université de Balamand. Paul, qui dit la messe le dimanche dans l'église Mar Boutros de Ehden, dont la pierre remonte au XIIIe siècle, et qui court d'une église à l'autre pour confesser les fidèles, est professeur d'économie. Il a créé un centre de recherche en partenariat avec la Banque libano-française, dont le but est d'initier les étudiants au monde des indicateurs économiques et financiers.
Pour Paul Doueihy, il n'y a pas d'incohérence entre l'économique et le religieux... Derrière l'économie, il y a l'homme aussi. « L'homme dans toute sa complexité », souligne ce prêtre libre, libéré d'a priori, moderne dans ce que la modernité signifie d'adaptation au temps, d'ouverture, de flexibilité... Complexité de l'homme qu'il avait eu le loisir d'observer lorsque ses collègues de la salle des marchés à Paris venaient le voir pour parler de Dieu et qu'il pouvait deviner des individus très fragiles derrière l'étiquette qui leur a été affublée de loups, adorateurs du veau d'or. Complexité qui ne le fait pas fuir ; au contraire, relève-t-il. Complexité qu'il a pu lui-même éprouver au travers d'un parcours jalonné de doutes et de tiraillements, qui n'en demeure pas moins d'ailleurs un exemple de liberté intérieure et de modernité sereine... Parce que Dieu est liberté, comme le rappelle le curé qui a troqué la belle parure de la messe du dimanche pour le bras de chemise dans lequel il accueille ses bouts de chou, ses jumeaux de huit ans, Jérémie et Jean-Paul. Des enfants, Paul en a cinq : des garçons aux prénoms bibliques. Parce que nous sommes mortels, « finis », et que le fait d'accepter notre finitude, comme nous y invite ce jésuite convaincu, nous permettrait de retrouver notre liberté.
Si l'Orient chrétien accepte d'ordonner les hommes mariés, ceux-ci ne peuvent pas cependant devenir évêques. Qu'importe, Paul ne cherche pas à faire carrière, ni dans l'église ni dans la banque, mettant à mal au demeurant les premiers rêves de ses parents, lesquels l'auraient vu grand banquier puis grand ecclésiaste... pour finir par l'encourager eux-mêmes sur le chemin de sa liberté, quelle qu'elle soit. Lui, dans son discernement, a choisi de voir en toute chose la figure de Dieu et de mêler action et contemplation - la deuxième partant de la première -, fidèle aux préceptes de saint Ignace.
À l'heure où le film Des hommes et des dieux, qui parle du drame des moines de Thibérine, fait un tabac en France et dans le monde, l'on peut s'inspirer aussi de belles histoires de vocation, de cheminement, sur le terrain, chez nous. Y a-t-il plus grand témoignage d'amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime ? Frère Luc, un des moines qui furent assassinés, aimait les Algériens. En...
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