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Nos Lecteurs ont la Parole

Pour mieux comprendre les choix d’Antoine Ghanem

Par Nay GHANEM
Les choses auraient pu se passer différemment pour Antoine Ghanem s'il n'avait pas lui-même opté pour l'engagement dès son plus jeune âge. Mais c'était trop demander à un homme assumant toujours cette terrible et effrayante destinée des hommes révoltés. L'engagement conçu et vécu par Antoine Ghanem est un engagement pur. Antoine Ghanem donnait sans rien attendre en retour ; et ne confondait ni sa cause, ni les moyens pour la défendre, ni le prix à payer.
Les choses auraient pu se passer différemment pour lui s'il n'avait pas choisi de se lancer dans la vie publique dans un pays où l'assassinat politique est le revers inévitable. Pourtant sa stabilité émotionnelle, sa maturité politique et sa paix intérieure l'avaient protégé maintes fois contre les soubresauts de la politique.
Il aurait dû se méfier des alliances politiques libanaises absurdes qui se font et se défont à la va-vite, voire même de certains politiciens excités qui imposent une vision manichéenne des choses. Antoine Ghanem n'aimait pas l'excitation politique, n'appréciait pas les excès et se méfiait des préjugés. Il était un homme modéré. Sa modération n'affectait en rien son engagement. Ce sont en effet les agissements et les comportements des militants qui défendent une cause qui la rendent noble et digne de respect ou en revanche méprisable. Antoine Ghanem a le mérite d'avoir défendu dignement, avec constance, la cause qu'il prônait, avec beaucoup d'amour et surtout sans haine ni rancune. Il ne forçait pas la voix, mais sa voix résonnait partout. Il contrôlait toujours sa colère et ne perdait jamais espoir. Pourtant il ne se faisait pas d'illusion. Il savait au fond de lui que la politique à la libanaise est inchangeable, que la géographie est irrémédiable, que les erreurs historiques sont le plus souvent insurmontables, que les instincts politiques sont irrémédiables, que les jeux des nations sont incontournables.
Les choses auraient pu se passer différemment pour Antoine Ghanem s'il ne pardonnait pas trop vite à ceux qui lui avaient fait du mal. À quoi bon haïr ? Dieu sait tout et voit tout. Durant les élections législatives de 2005, ses rivaux ne savaient pas quoi lui reprocher tant le personnage qu'il était inspirait confiance. Alors ils lui reprochèrent de n'avoir pas été assez présent pour servir sa région. Lui qui avait sacrifié sa vie privée (personnelle et familiale) pour mieux être du côté des siens, pour mieux défendre gratuitement en tant qu'avocat toute personne qui avait recours à lui. Lui qui n'avait jamais quitté la région de Baabda ni le quartier de Aïn el-Remmaneh lorsque l'État avait démissionné. Un serviteur du Saint-Esprit n'attend rien en retour, même pas la reconnaissance.
Les choses auraient pu se passer différemment pour Antoine Ghanem s'il avait cherché à parler un peu plus des menaces qu'il recevait. À quoi bon parler quand on cherche à communiquer ? Les regards expriment souvent les vrais sentiments dissimulés qui auraient été censurés ou trahis par les paroles.
Les choses auraient pu se passer différemment pour Antoine Ghanem s'il n'était pas rentré de son exil qui le rongeait. Mais c'était trop demander à un homme qui vivait toujours entouré des siens. C'était trop demander à ce Libano-Français qui appartenait à un seul peuple martyrisé au cours de l'histoire. Il n'avait qu'un seul foyer, sorte de chapelle et lieu de recueillement, situé dans un quartier bruyant et chaleureux de Aïn el-Remmaneh, dans lequel il habitait avec ses frères Raymond et Kamal, pas loin de leur sœur Antoinette.
Les choses auraient pu se passer différemment pour Antoine Ghanem s'il avait connu le sentiment de la peur. Mais sa foi était plus forte que ses craintes. Il avait apprivoisé la mort qui n'effrayait pas le croyant qu'il était. Ainsi il porta sa croix jusqu'au Golgotha, en silence, au fil des années, cette même croix qu'il embrassait tendrement comme un enfant au moment de son martyre.
Il marcha d'un pas déterminé vers le martyre pour aller rejoindre ses parents Toufic et Victoria Abou Rouss, ainsi que ses camarades, sur des terres lumineuses où flotte une légère odeur d'encens. Certains hommes ne peuvent mourir que debout. Antoine Ghanem peut désormais reposer en paix, étant préalablement passé par le purgatoire terrestre ; après avoir défié mille et une fois ce diable répugnant qui le guettait à chaque tournant de sa vie en le tentant.
Aujourd'hui il nous observe et, avec son sourire habituel et confortant, il fête avec nous la naissance de sa petite-fille, Léna, la fille de son fils Toufic et de sa femme Nay Baz Ghanem. Un mythe comme Antoine Ghanem ne meurt pas. Ses principes et ses valeurs se transmettent de génération en génération jusqu'à la fin de l'humanité. Face à l'absurdité, notre foi est notre seule consolation.
Les choses auraient pu se passer différemment pour Antoine Ghanem s'il n'avait pas lui-même opté pour l'engagement dès son plus jeune âge. Mais c'était trop demander à un homme assumant toujours cette terrible et effrayante destinée des hommes révoltés. L'engagement conçu et vécu par Antoine Ghanem est un...

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