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Municipales 2010 : l'enjeu

Saïda et Jezzine, points (très) chauds du week-end électoral

Après un dimanche de « relâche », le marathon des élections municipales, entamé le 2 mai au Mont-Liban puis poursuivi le 9 à Beyrouth et dans la Békaa, redémarre demain au Liban-Sud.
Au début de ce processus électoral, on avait pu croire que les deux dernières étapes, le Sud et le Nord, seraient de tout repos, la vague consensualiste paraissant balayer tout sur son passage. Ce constat continue, certes, de prévaloir pour ce qui touche à la majeure partie du Liban-Sud, endormie sous les effets du puissant sédatif administré par l'alliance Amal-Hezbollah, lequel se traduit en pratique par un déni de démocratie.
Cependant, les choses ont fini par se présenter différemment à la lisière du grand océan chiite du Sud, en particulier à Saïda et à Jezzine, où, en dépit d'enjeux de nature différente, se jouent probablement les actes parmi les plus difficiles, sinon les plus importants de toutes ces élections municipales.
Mais avant d'aborder la situation dans ces deux villes, il convient toutefois de souligner l'importance, dans un certain nombre de villes et de villages chiites, du mouvement ébauché par des indépendants et quelquefois par des formations marginales pour tenter de briser l'étau formé par le Hezbollah et Amal. Naturellement, des dizaines de localités de la région sont déjà pourvues de conseils municipaux, ces derniers ayant été élus d'office du fait de l'absence de candidatures concurrentes. Mais ailleurs, des batailles sont prévues, certes inégales la plupart du temps, mais qui témoignent d'une insatisfaction d'une partie de l'électorat vis-à-vis du monopole exercé par les deux grandes formations chiites.
Cette insatisfaction, des candidats s'en sont faits l'écho lors de la campagne ici et là, comme par exemple à Jouaya (caza de Tyr), grosse bourgade plutôt nantie, vivant des ressources d'une importante émigration africaine. Ici, une liste incomplète fait face à celle parrainée par le tandem Amal-Hezbollah et son chef s'est expliqué il y a quelques jours sur les motivations qui l'animent. Certes, il s'est gardé de toute critique politique à l'égard des deux formations, mais il a clairement cherché à remettre en question leur aptitude à tout régenter dans les régions où elles sont omniprésentes.
Dans la ville de Nabatiyeh, idéologiquement acquise depuis longtemps au Hezbollah, des voix de gauche se sont élevées cette semaine pour faire état de « pressions » exercées par les « parties influentes » contre des candidats de gauche et indépendants.
Cependant, ce qui est certain, c'est que ces bruits discordants ne parviendront pas à modifier l'équilibre politique général au Liban-Sud, tout comme de nombreuses situations similaires n'avaient pu peser sur le climat politique dans les régions chiites de la Békaa. Il en est tout autrement à Saïda et à Jezzine, villes où ce sont tout simplement les leaderships sunnite et chrétien qui sont en jeu dans la bataille.
Mais la comparaison entre ces deux villes s'arrête là. À Jezzine, on se trouve devant un face-à-face classique entre deux parties plus ou moins égales, censé déboucher clairement sur un gagnant et un perdant. En revanche, dans le chef-lieu du Liban-Sud, on ne joue pas vraiment pour gagner. Ici, le colosse qu'est le Courant du futur cherche à confirmer son leadership sunnite national et son détracteur, Oussama Saad, à démontrer simplement qu'il est en mesure de lui enfoncer une épine dans le pied.
De fait, survenant après les tentatives ratées de certaines parties de l'ex-opposition de donner corps à une opposition sunnite à Beyrouth, l'aventure dans laquelle s'est lancé M. Saad a Saïda ne peut être comprise que dans cette même optique, qui s'inscrit dans le cadre des efforts visant à affaiblir la position du Premier ministre, Saad Hariri. Le but est, en effet, de prouver que la communauté de M. Hariri est loin d'être tout entière soudée derrière lui, d'où le soin apporté ces derniers jours à donner un caractère de fin du monde à la bataille électorale à Saïda, sans parler de la multiplication des incidents au plan sécuritaire et des rumeurs selon lesquelles le scrutin pourrait être ajourné.
Lâché par son allié Abdel Rahman Bizri, président sortant du conseil municipal, Oussama Saad peut difficilement prétendre, à moins d'un miracle, à la victoire de la liste qu'il parraine. Sa décision de hausser les enchères et de bouder la liste consensuelle conduite par un riche homme d'affaires indépendant, Mohammad Saoudi, est donc clairement motivée par des considérations politiques dépassant le cadre sidonien. Partant, la question qui se pose est de savoir si M. Saad a pris cette décision tout seul ou bien s'il est l'acteur (l'instrument ?) d'une politique concertée, dessinée avec d'autres parties de l'ex-opposition et/ou au-delà des frontières.
À Jezzine, les enjeux sont autrement plus clairs. Le CPL du général Michel Aoun, sorti exsangue des scrutins du Mont-Liban, de Beyrouth et de Zahlé (ses dénégations n'y changeront rien), a rudement besoin de gagner ici pour se refaire une santé, d'autant que la dernière grande bataille prévue à l'horizon, celle de Batroun, s'annonce pour lui peu favorable. Certes, le caza de Jezzine s'était assez massivement prononcé en faveur du CPL lors des législatives de juin dernier, lui offrant ses trois sièges de députés. Mais, en premier lieu, les candidats aounistes se présentaient alors face à des adversaires désunis. Ensuite, aux yeux de beaucoup de chrétiens de la région, il s'agissait tout d'abord d'un duel entre un leader chrétien, Michel Aoun, et un leader chiite, Nabih Berry, dans la mesure où l'ex-député Samir Azar était considéré, en dépit du fait qu'il avait su, au fil des années, se faire une popularité propre dans la région, comme une pièce maîtresse du dispositif non chiite de M. Berry au Liban-Sud.
Aujourd'hui, la configuration n'est plus la même. L'image du président de la Chambre est cette fois-ci d'autant moins omniprésente que M. Azar s'est allié avec les Forces libanaises et les Kataëb. En d'autres termes, en plus du poids propre qui est le sien dans sa ville, il s'est assuré une couverture chrétienne qui lui faisait défaut en juin.
« Dans une région chrétienne, on peut ambitionner de battre Aoun avec Geagea, mais certainement pas avec Berry », disait crûment un habitant de Jezzine, pourtant proche collaborateur du président de la Chambre, au lendemain des législatives. Cependant, les jeux sont loin d'être faits. La bataille s'annonce serrée et il ne fait pas de doute qu'à moins d'une percée significative de la part de l'un des deux camps, elle se poursuivra bien après le dépouillement des urnes.
Au début de ce processus électoral, on avait pu croire que les deux dernières étapes, le Sud et le Nord, seraient de tout repos, la vague consensualiste paraissant balayer tout sur son passage. Ce constat continue, certes, de prévaloir pour ce qui touche à la majeure partie du Liban-Sud, endormie sous les effets du puissant sédatif...