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Municipales 2010 : l'enjeu

La capitale du Liban-Sud se prépare à un affrontement sans merci

Depuis que le divorce a été annoncé à Saïda entre les Hariri et les Saad qui avaient tenté en vain de se rapprocher dans le cadre d'une liste d'entente, la tension dans la ville n'a fait que monter.
Les multiples tentatives de mettre en place une coalition pour affronter sereinement le scrutin de dimanche ont été infructueuses, malgré les médiations effectuées notamment par le chef du Parlement, Nabih Berry, et d'autres figures de proue de la localité. Mais c'est mal comprendre l'enjeu principal de cette consultation que d'escompter une quelconque entente entre ces deux pôles politiques qui sont à couteaux tirés depuis pratiquement l'avènement des Hariri à Saïda qui ont érodé, notamment au cours des dernières élections parlementaires, le pouvoir et la popularité des Saad, parmi les leaders traditionnels de la ville.
Ainsi, la compétition politique sera de taille lors de cette échéance qui, d'ores et déjà, annonce un climat surchauffé à la lumière des derniers incidents sécuritaires qui ont secoué la ville. Depuis l'annonce dimanche dernier par le chef de l'organisation populaire nassérienne, Oussama Saad, de la liste qu'il soutient, et qui croisera le fer avec la liste dite de « coalition » que parraine la députée de la ville, Bahia Hariri, la situation s'est envenimée entre les partisans des deux camps.
La liste de M. Saad comprend notamment deux candidats du Courant patriotique libre, sa sœur Mona et des candidats proches de son organisation. Celle de M. Saoudi comprend deux membres du Courant du futur, dont le fils de Bahia Hariri, et des indépendants représentatifs des grandes familles de la ville.
La tension est donc montée, tant et si bien que l'armée et les FSI se sont déployées en force ces derniers jours, pour tenter de juguler les rixes quotidiennes qui risquent, à tout moment, de s'aggraver. Entre-temps, la guerre des slogans et les accusations mutuelles font fureur. Les partisans de Saad dénoncent d'ores et déjà l'afflux de l'argent électoral et la venue d'électeurs de l'étranger dont 5 000 devraient être acheminés vers Saïda le jour J, selon les rumeurs. L'on reproche également à Saoudi, un homme d'affaires richissime, d'avoir été parachuté à Saïda, alors qu'il vit depuis plus de 40 ans à l'étranger.
Les partisans de Saoudi stigmatisent de leur côté le discours idéologique « ringard et désuet » d'un Oussama Saad « sorti droit du musée politique » et dont les propos ne correspondent plus aux attentes d'une génération désormais plus éduquée et plus cultivée. La situation est telle qu'un habitant de la ville s'attend à ce qu'il n'y ait pas d'élections du tout dimanche, alors qu'un autre affirme avoir décidé de quitter avec sa famille dimanche, « en attendant que tout se termine ».
Entre-temps, les accusations fusent de part et d'autre, chacun des deux protagonistes cherchant à faire assumer la responsabilité de l'échec de l'entente à l'autre. Certes, Mohammad Saoudi, le président de la liste de coalition, affirme avoir donné toutes ses chances à Oussama Saad et tenté, jusqu'à la dernière minute, de l'intégrer à sa liste. Cependant, ce dernier aurait posé des conditions rédhibitoires, en voulant imposer deux candidats notamment que n'approuvait pas M. Saoudi. Oussama Saad se défend en affirmant que M. Saoudi a joué le jeu de l'entente, en voulant imposer son règlement, et en proposant une coalition déséquilibrée qui n'est pas représentative des forces en présence. Il reproche en outre à Saoudi de ne pas être indépendant comme il l'affirme, et d'être à la solde de Bahia Hariri qui mène campagne à ses côtés.
Mais la réalité se trouve probablement ailleurs, et la guerre d'influence que se livrent les deux pôles remonte à deux défaites électorales successives qui semblent avoir douloureusement marqué les deux camps en présence. D'une part, la défaite du camp des Hariri lors des dernières élections municipales qui ont été largement remportées par l'équipe soutenue par Oussama Saad, et à sa tête Abdel Rahman el-Bizri, actuel président de la municipalité et ami de M. Saad. D'autre part, la défaite cuisante du chef de l'Organisation nassérienne lors des élections parlementaires de 2009, avec une différence de près de 15 000 voix en faveur de la liste du 14 Mars, n'a fait qu'aiguiser la volonté de M. Saad de s'affirmer en termes de popularité. Ainsi, les deux camps sont désormais prêts à l'affrontement pour tenter d'effacer les stigmates de leurs défaites respectives.
C'est pour éviter d'ailleurs de se voir pris entre les tenailles des deux camps que M. Bizri s'est déclaré récemment à égale distance des deux parties. En effet, le président de la municipalité sortant ne peut qu'être redevable à son allié politique et ami Oussama Saad qui avait largement contribué à sa victoire en 2004. En même temps, il n'est pas très loin de la liste présidée par M. Saoudi, qui compte au moins trois amis proches. D'où la fameuse déclaration de neutralité du président de la municipalité sortant qui a refusé de participer à la confection des listes de part et d'autre, non sans avoir auparavant poussé M. Saad à accepter de se joindre à la liste de M. Saoudi.
Les dés sont désormais jetés et la bataille est non seulement inévitable, mais s'annonce féroce, quasi existentielle entre ces deux grands courants. Beaucoup d'observateurs s'attendent cependant à ce que la lutte se fasse aux dépens des minorités de la ville, à savoir les chrétiens (deux candidats sur chaque liste pour près de 4 000 électeurs chrétiens) et les chiites (deux candidats sur chaque liste pour près de 6 000 électeurs chiites). La raison en est probablement le fait que la confrontation aura lieu entre deux blocs étanches, et le panachage n'aura probablement pas lieu tant les rancunes sont vives.
Les multiples tentatives de mettre en place une coalition pour affronter sereinement le scrutin de dimanche ont été infructueuses, malgré les médiations effectuées notamment par le chef du Parlement, Nabih Berry, et d'autres figures de proue de la localité. Mais c'est mal comprendre l'enjeu principal de cette consultation que d'escompter une quelconque...