À Jezzine, un nouveau paysage électoral pour une bataille serrée

La journée électorale de dimanche prochain sera marquée par la bataille de Jezzine, la plus serrée de tout le mohafazat méridional. Pratiquement, tout le caza vivra au rythme de dures batailles, la plus serrée restant toutefois celle de la ville même de Jezzine, où une nouvelle physionomie des alliances électorales, radicalement différente de celle du scrutin législatif de 2009, donnera une dimension spéciale à la consultation électorale dans cette localité.
Dans le chef-lieu du caza, qui compte plus de 8 000 électeurs, on s'attend à ce que quelque 4 800 à 5 000 personnes votent. Les tentatives d'aboutir à une liste consensuelle qui aurait été conduite par Me Amine Edmond Rizk ont échoué, « parce que malheureusement, nous nous sommes heurtés à des susceptibilités personnelles et des conditions qui n'étaient pas envisagées au départ, c'est-à-dire les excuses mutuelles réclamées de part et d'autre », déplore Edmond Rizk, ancien député et ministre. « Nous avons proposé de clore les dossiers conflictuels et de renoncer aux procès engagés, ce qui sous-entend une entente, ajoute M. Rizk. Nous avons tenté en vain de réconcilier Jezzine avec elle-même. »
Deux listes s'opposeront donc dimanche pour le pourvoi aux dix-huit sièges municipaux et la désignation de cinq moukhtars. La première est appuyée par le Courant patriotique libre (CPL), auquel s'est joint M. Camille Farid Serhal, colistier de l'ancien député Samir Azar au cours des législatives de 2009. Face à cette liste, celle appuyée par le parti Kataëb, les Forces libanaises, MM. Samir Azar (proche de Nabih Berry) et Fawzi el-Asmar. Les Kataëb et les Forces libanaises, convient-il de rappeler, s'étaient alliés lors du scrutin de 2009 face à la liste présidée par M. Azar.
« L'atmosphère est tendue, en raison notamment de l'équilibre quantitatif, explique le chef du régional Kataëb de Jezzine, Toni Asmar. La majorité des électeurs se conformeront aux listes. De ce fait, toutes les possibilités sont ouvertes et le résultat du scrutin restera indéterminé jusqu'à la fin des opérations de décompte des voix. »
Pourquoi ce changement dans les alliances ? « Parce que chaque partie a pris sa décision sur base des données disponibles, répond M. Asmar. Nous ne pouvons pas coopérer avec le CPL qui couvre les activités du Hezbollah dans les villages de Remmané et de Jabal Toura, où il interdit aux agriculteurs l'accès à leurs terrains et où il construit des fortifications. Par ailleurs, le CPL a l'habitude de recourir aux exclusifs et à éliminer l'autre. Nous voulons donc nous protéger. La bataille de dimanche sera par conséquent une bataille politique. »
Des allégations réfutées par des responsables au sein du CPL. Ainsi, M. Ziad Harfouche, responsable du CPL à Jezzine, souligne que « les Nations unies n'ont pas encore réussi à résoudre le problème des armes du Hezbollah ». « Ce n'est pas le moment de le résoudre durant des élections municipales », ajoute-t-il, affirmant que la bataille est placée sous le signe du « développement, avec toutefois un caractère politique ». « C'est une bataille entre deux courants, poursuit M. Harfouche. Le premier a gouverné durant deux décennies et le second propose le changement. »
À la lumière de ce panorama, quelle sera la position de M. Edmond Rizk, et par conséquent de sa base électorale ? « Nous mènerons la bataille en tant qu'électeurs, assure-t-il. Nous avons appelé les électeurs à choisir au sein des deux listes les candidats qu'ils jugent être les meilleurs. En fait, nous refusons les surenchères et les tensions qui nuisent à Jezzine. Nous réfutons également le concept de "ni vainqueur ni vaincu", mais nous recherchons ce qui est le plus bénéfique pour la ville. De même, nous souhaitons que ces élections revêtent un caractère familial et qu'elles se déroulent d'une façon démocratique. »

Bkassine, Maknouniyé, Roum...
Selon un observateur averti, tous les villages du caza de Jezzine vivront pratiquement des batailles électorales. Il explique ainsi qu'à Bkassine, la bataille aurait pu être évitée si le député du CPL, Ziad Assouad, « ne s'était pas décidé à parainner la dissidence d'un certain nombre de aounistes qui ont obligé M. Habib Farès, qui était responsable de la garde rapprochée du chef du CPL, Michel Aoun, à mener bataille à Bkassine. » « À Jezzine même, M. Assouad a eu son image énormément ternie par de multiples actions en justice qu'il a intentées à l'encontre d'un certain nombre de ses compatriotes soit sous prétexte de lutte contre la corruption, soit sous prétexte de se défendre contre de prétendues médisances », poursuit-il. Et de noter : « À Jezzine, c'est une partie de la famille Hélou qui mène la vraie bataille contre M. Samir Azar, d'autant qu'elle entend se positionner par rapport aux prochaines législatives en pensant conquérir la municipalité de la ville et cela en préparation à une éventuelle confrontation avec le député actuel (du CPL), Michel Hélou. »
Toujours selon cette source, à Maknouniyé, c'est le général Fouad Aoun qui a fait dissidence. « Il a refusé d'obtempérer lorsque le général Michel Aoun lui a demandé de se retirer de la course », précise-t-il.
À Roum, « ce sont les chiites du village qui ont formé un groupe compact et solidaire ». « Ils ont présenté trois candidats au conseil municipal et un moukhtar, confie-t-il. Mais le plus important c'est qu'ils ont imposé leur point de vue à tout le clan chrétien, toutes tendances confondues. »
Des batailles seront menées également dans les villages de Kfarhouné, Aytoulé, Aray, Sfaray et d'autres... Qui l'emportera ? Les urnes le révéleront.

La composition de la liste de « Jezzine... encore plus belle »

La composition de la liste « Jezzine....encore plus belle » a été annoncée hier au cours d'une cérémonie organisée au restaurant al-Horch, en présence de l'ancien député Samir Azar, d'un représentant des Forces libanaises, Pierre Hanna, et des Kataëb, Antoine Asmar, de MM. Ibrahim Samir Azar, Ajjaj Haddad, Fawzi Asmar, du PDG de l'hôpital de Jezzine, Béchara Hajjar, du chef du comité des commerçants de Jezzine, Antoine Rizk, et de plusieurs notables de la ville.

La liste est formée de Jean Maroun Slim, Élias Joseph Hajj, Béchara Habib Charbel,Carole Maroun Mansour, Merhi Sobhi Helou, Joseph Aoun Aoun, Hanoun Eid Rhayem, Carlo Karam Karam, Chadi Boulos Attieyh, Assaf Gerges Gerges, Walid Halim Bou Rached, Joseph Bahjat Farah, Gergès Élias Tannous Abou Nader, Georges Abdo Ariyé, Christine Asmar, Aline Youssef Matar, Habib Saïd Asmar et Saïd Antoine Bou Akl.
Dans le discours qu'il a prononcé pour l'occasion, le président sortant de la municipalité, Saïd Bou Akl, a fait état d'un accord avec M. Habib Asmar pour qu'eux deux président la liste. Mme Aline Matar Khaled est candidate à la vice-présidence du conseil municipal.
Il a également annoncé la liste des moukhtars à Jezzine et à Aïn Majdaline : Saliba Saïd Bou Rached, Youssef Najib Ariyé, Hanna Boutros Médawar, Maroun Élias Asmar, Paul Jean Rizk, Tony Karim Abdo et Charbel Boutros Jebrael.
MM. Pierre Médawar, Mefleh Faddoul et Maroun Abou Zeid ont été élus d'office.