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Liban

Une guerre sans lieux de mémoire ?

Un collectif d'artistes libanais revient sur la mémoire de la guerre de 1975. Il cherche à matérialiser la guerre par le recensement des personnes tuées. Car oublier les victimes nuit au travail de mémoire, lui-même en gestation.

Tous les éléments de la guerre sont là pour se rappeler le contexte dans lequel des milliers d’individus sont morts.

À l'occasion de la commémoration du 35e anniversaire de la guerre de 1975, le Feel Collective, un groupe multidisciplinaire d'activistes culturels basés à Beyrouth, lance une exposition accompagnée d'une installation vidéo, dans le célèbre dôme du centre-ville. La mer de l'oubli. L'intitulé devient évident, lorsque nous déambulons dans les différentes salles ouvertes aux publics. La localisation de l'événement n'est pas neutre et dénuée de significations. Le dôme demeure le vestige le plus marquant de la guerre de 1975, dont les marques disparaissent avec le temps. L'enceinte de cet ancien cinéma, criblé de balles, représente une trace physique de la guerre, donc de la violence, de l'engagement de chacun et des victimes.
L'installation in situ amplifie la charge émotionnelle et l'importance d'un tel événement soulève la question de l'absence de mémorial, en l'honneur des victimes du conflit. Écarter la guerre par l'évocation des victimes. Tous les murs de l'exposition, composés de 200 000 carreaux, sont dédiés aux victimes, dont on oublie progressivement l'existence. Les façades évoquent la guerre : l'immersion est totale. De nombreux Libanais reconnaissent les photographies exposées sur les murs. Les femmes et les enfants sont mêlés aux miliciens et aux militaires. La frontière est poreuse. Mais n'est-ce pas la particularité de cette guerre ? Tous les éléments de la guerre sont là, représentés en fond, afin de se remémorer dans quel contexte sont morts des milliers d'individus. L'exil, les armes, les pleurs, la mort... Ces photographies constituent le support du souvenir, le support d'un mur, sur lequel chacun peut écrire et graver le nom d'une victime. Les faits historiques demeurent discutés et les organisateurs ne rentrent pas dans ces débats historiques. Nous sommes ici sur le terrain de la mémoire. Les familles endeuillées demeurent semblables d'un parti à l'autre : la souffrance n'a pas de couleur.
La nécessité d'écrire pour ne pas oublier la guerre, voilà l'ambition des artistes du Feel Collective. « Nous nous contentons de travailler à la fin de l'immobile », peut-on lire sur un des murs de l'exposition. « Un visiteur sourd-muet a ressenti le besoin de dessiner les circonstances de la mort d'un proche parent », nous confie Sybille Tarazi, l'une des organisatrices de l'événement. Le recensement des victimes permet d'honorer la mort de milliers d'hommes et de femmes, mais également de transmettre aux générations futures les mémoires de la guerre. En dépit de leurs multiplicités, elles forgent l'identité libanaise et la paix.
Pourquoi des mémoriaux ne sont-ils pas érigés en l'honneur des victimes de la guerre de 1975 ?
En France, les victimes de la Première Guerre mondiale sont honorées tous les ans dans la cour de l'école ou sur la place municipale. « Des lieux de mémoires » existent. Mais la guerre de 1975 n'est pas comparable à la Première Guerre mondiale. Les Français étaient unis contre l'Allemagne. Toutes les victimes sans distinction devaient être honorées par les communes auxquelles étaient associés les citoyens. Une évidence unanime. La guerre de 1975 crée encore des dissensions : l'histoire de cette guerre reste à faire. Chaque parti a ses victimes, qui ne coïncident pas avec les tués d'une autre chapelle. Les multiples acteurs et leurs motivations fluctuantes compliquent l'approche historique de la guerre. En rappelant les noms des victimes et en favorisant la transmission des témoignages, la mémoire « dit » la guerre et entretient le souvenir du passé pour que celui-ci ait un impact sur le présent et l'avenir. Un nécessaire barrage contre l'oubli.
 La mer de l'oubli se poursuit jusqu'au 9 mai 2010, de 12h00 à 21h00.
À l'occasion de la commémoration du 35e anniversaire de la guerre de 1975, le Feel Collective, un groupe multidisciplinaire d'activistes culturels basés à Beyrouth, lance une exposition accompagnée d'une installation vidéo, dans le célèbre dôme du centre-ville. La mer de l'oubli. L'intitulé devient évident, lorsque nous...
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