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Nos Lecteurs ont la Parole

À l’impossible nul n’est tenu

Par Georges TYAN

Hormis les désopilantes sorties de M. Wahhab, il semble qu'une morosité latente se soit installée dans notre panorama politique.
Même le projet de loi sur les municipales a laissé de marbre les connaisseurs en la matière ; c'est à peine si l'on aborde encore ce sujet, passant à autre chose avec un haussement d'épaules.
Juin n'est pas loin, dit le dicton, et on dirait qu'à l'approche de la saison estivale, chacun avale sa langue et se tient coi pour ne pas effaroucher ces touristes bâchés ou dénudés, peu importe, pourvu qu'ils soient prodigues de cette manne que nous attendons avec impatience.
Les restaurateurs et les cafetiers se frottent déjà les mains, bavant à l'avance en songeant à leurs bénéfices tout en refaisant leur stock de tombac à narguilé, qui ira comme il se doit en fumée nauséabonde.
Et le pauvre président de la commission parlementaire de la Santé, qui veut faire interdire la tabagie dans les lieux publics, de se tirer les quelques cheveux qui lui restent sur le crâne.
Au Liban, tout est permis, surtout faire carpette pourvu que l'étranger soit satisfait. S'il veut fumer et empester l'atmosphère, il le fera où bon lui semble.
S'il a envie de se mêler de notre cuisine interne, aucun problème, on lui laissera les ustensiles, on lui fournira les ingrédients, on lui prêtera  même main-forte s'il ne veut pas salir les siennes, on trouvera ses plats succulents, alors qu'ils sont juste bons pour les poubelles.
S'il demeure insatisfait ou si d'aventure quelque chose le gêne encore, il n'a pas à s'en faire, on lui servira de porte-voix, on dira tout haut ce que dans son pays il n'oserait pas penser, même dans les moindres replis de son for intérieur.
Tant pis pour ceux qui croient encore au chacun chez soi. Certes, cela vaut pour les autres, pas pour nous porteurs de la carte d'identité nationale ; nous sommes bien chez tous ces visiteurs d'un jour qui, à force de courbettes de notre part, se sont sédentarisés et pensent nous dicter leurs lois.
En politique, il n'y a pas de faux pas, le machiavélisme n'est pas une seconde nature, on naît avec. Être stipendié ou à la solde de l'étranger est devenu normal, les anormaux sont ceux qui ne savent pas ou ne veulent pas, par loyauté ou atavisme, se livrer à cet exercice devenu somme toute classique.
Nul  doute que cette matière fera bientôt partie des cursus scolaires, question de parfaire cette discipline ; les exemples sont légion et flagrants, ils font déjà jurisprudence.
Ce qui se passe, c'est un peu comme les feuilletons policiers américains : il y a le tandem du mauvais flic -  il insulte, tabasse et cogne à tour de bras -  et du bon -, ce dernier au cœur tendre fait semblant d'atténuer l'humeur agressive et la brutalité du premier, alors que la finalité est la même, saper le moral et affaiblir la volonté du suspect qui n'est dans notre cas accusé de rien sauf de patriotisme, de liberté et d'indépendance.
Bref, un mauvais scénario plein d'imbroglios, de changements de cap, de mésalliances, d'erreurs, un navet, en somme, avec une seule constante : annihiler les velléités des Libanais de briser le carcan du suivisme de manière à en faire un instrument docile aux mains de ceux qu'on appelle plus communément les décideurs.
Pour ces gens-là, il n'y a rien de sacré, ni les institutions ni les sanctuaires religieux. Tous les moyens sont bons pour faire plier l'échine à ceux qui s'obstinent encore de rêver de souveraineté nationale.
À l'impossible nul n'est tenu, c'est vrai. Mais nous l'avons réalisé une fois en dépit de toutes les embûches. Continuons, sachant qu'à la clef, ce n'est pas la disparition du pays ou d'une communauté qui est en jeu, mais toute une qualité de vie avec sa culture, ses traditions, son économie et son ouverture sur le monde qui le sont.

 

Georges TYAN
Conseiller municipal de Beyrouth

Hormis les désopilantes sorties de M. Wahhab, il semble qu'une morosité latente se soit installée dans notre panorama politique.Même le projet de loi sur les municipales a laissé de marbre les connaisseurs en la matière ; c'est à peine si l'on aborde encore ce sujet, passant à autre chose avec un haussement...

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