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Liban - Analyse

Un centre hors de portée

Élias Murr s'exprime assez rarement. Lorsqu'il lui arrive de le faire, c'est en général pour refléter - assez fidèlement - les orientations et la tonalité du discours présidentiel en rapport avec la situation dans le pays.
C'est donc en tant que porte-parole privilégié du « centrisme », tel qu'incarné par le chef de l'État, et corollairement par l'armée que M. Murr s'est exprimé il y a quelques jours sur la chaîne al-Manar.
Son message, en deux mots, se résumait notamment à dire qu'en sa qualité de ministre de la Défense, il ne pouvait avaliser la présence de forces paramilitaires échappant à la légalité, mais que, dans le même temps, il soumettait l'objectif du désarmement du Hezbollah à un impératif prioritaire : ne pas faire de cadeaux à Israël.
D'un certain point de vue, le « centrisme » induit par ces propos est d'une perfection absolue. Il est d'ailleurs d'autant plus parfait qu'il revêt un caractère de précision géométrique, tenant davantage de l'obsession du 50/50 que du concept de neutralité active, lequel suppose qu'en fonction des thèmes, on prenne parfois des positions tranchées, tantôt à droite, tantôt à gauche.
En l'occurrence, le 50/50 se traduit ainsi : au 14 Mars, on concède la théorie, le principe, et au 8 Mars, la pratique, le concret.
Il convient bien sûr de souligner que les propos du ministre n'ont pas de grande valeur intrinsèque. Survenant dans la foulée de la campagne menée contre le chef de l'État, qui avait indisposé plus d'un par le timing de l'annonce du nouveau comité du dialogue national, deux jours après le « sommet » de Damas, cette prise de position entre dans le cadre des efforts visant à rectifier quelque peu l'image négative qui en avait été laissée auprès de la Syrie et de ses alliés. Ni plus ni moins.
Cependant, le premier des risques que l'on encourt en cherchant à se réfugier de façon aussi systématique dans le juste milieu est de se livrer à des équations à somme nulle, c'est-à-dire de se complaire dans une sorte de neutralité passive, incapable de faire avancer les choses dans un sens ou dans l'autre.
En effet, alors que la neutralité positive implique que l'on se tienne à égale distance des camps physiques en présence, mais non des questions de fond, la neutralité passive met les personnes et les dossiers sur le même plan.
Sauf qu'il est possible de considérer que dans l'équation posée par M. Murr, la construction à 50/50 n'est en réalité qu'apparente, l'aspect concret qui privilégie les options du 8 Mars prenant le dessus sur l'abstraction concédée au 14 Mars. Car en fin de compte, le plus important, c'est ce qu'on fait, pas ce qu'on estime devoir faire.
Mais on constate qu'il y a bien plus grave que tout cela dès lors que l'on dépasse la forme de ladite équation pour en examiner le fond. Et la conclusion qui s'impose alors est qu'elle est fausse, injuste et irrecevable.
Pourquoi ? Tout simplement parce qu'elle part du postulat selon lequel il existe une convergence d'intérêts entre Israël et tous les Libanais qui réclament le désarmement du Hezbollah. C'est bien cette logique-là que le Hezbollah cherche à imposer depuis des années sur la scène libanaise sans y parvenir tout à fait. Faut-il qu'un pouvoir « centriste » l'aide à présent dans cette tâche ?
En réalité, il ne peut y avoir de convergence d'intérêts qu'entre des parties poursuivant chacune des objectifs stratégiques qui ne sont pas en contradiction les uns avec les autres. Dès lors, comment peut-on considérer qu'un État qui se refuse obstinément à la paix - Israël vient de démontrer une fois de plus cette orientation en imposant ses nouvelles colonies à Jérusalem au nez et à la barbe de l'administration américaine - puisse être l'allié objectif de la partie libanaise la plus favorable au processus de paix ?
Le jour où l'État hébreu acceptera enfin de payer le prix qu'il faut pour entrer dans une logique de paix sur la base de quelque chose qui ressemble à l'initiative arabe qui lui est proposée depuis 2002, ce jour-là il sera possible au Hezbollah de parler de convergence d'intérêts, voire d'alliance objective entre Israël et le 14 Mars.
D'ici là, c'est l'inverse qui s'applique parfaitement. En d'autres termes, réclamer aujourd'hui le désarmement du Hezbollah revient à desservir la politique israélienne, appliquée en réalité à maintenir l'illusion du péril mortel qui cerne l'État hébreu pour continuer à faire pression sur les opinions occidentales et en soutirer des milliards.
Si Israël se sentait vraiment menacé par les missiles du Hezbollah et, au-delà, par la bombe iranienne, irait-il jusqu'à annoncer avec tant d'arrogance et de publicité la construction de colonies qui dynamitent le peu de crédit qui reste au processus de paix ? Ne cherche-t-il pas plutôt à donner raison à ceux qui, en face, jouent la carte de la prétendue « fermeté » ?
Le Liban et, dans une plus grande mesure encore, la Palestine finiront-ils un jour de payer le prix de l'énorme supercherie orchestrée dans la région ?
Élias Murr s'exprime assez rarement. Lorsqu'il lui arrive de le faire, c'est en général pour refléter - assez fidèlement - les orientations et la tonalité du discours présidentiel en rapport avec la situation dans le pays.C'est donc en tant que porte-parole privilégié du « centrisme », tel qu'incarné par...
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