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Lifestyle - Cameroun

Quand le roi des Bamoun reçoit

Une véritable fantasia riche en couleurs accompagne, tous les vendredis, la sortie du sultan Ibrahim Mbombo Njoya de la grande mosquée de Foumban, à l'ouest du Cameroun. Une trentaine de journalistes venus des quatre coins du monde ont été invités à assister à cette cérémonie tribale dans l'un des royaumes les plus anciens d'Afrique noire, le royaume Bamoun.

Le palais royal abrite aujourd’hui un musée regorgeant de trésors.                       

Il faut avoir traversé la mosaïque de forêts tropicales et la savane verdoyante qui s'étendent le long du chemin reliant Yaoundé à Foumban pour comprendre pourquoi l'on surnomme le Cameroun l'« Afrique en miniature ». Les 400 km qui séparent la capitale, au centre du pays, du chef-lieu du royaume Bamoun, à l'Ouest, offrent un spectacle enchanteur, d'une beauté rare et sauvage. Situé sur le plateau de l'Adamaoua, une zone volcanique à 1 200 mètres d'altitude, le royaume est l'un des plus anciens de l'Afrique noire. Créé en 1394, il fait partie intégrante de la République du Cameroun et a connu jusqu'à aujourd'hui une succession de 19 dynasties. Le roi actuel, le sultan Ibrahim Mbombo Njoya, a occupé plusieurs postes ministériels dans le gouvernement de 1957 à 1992, année où il prit la succession de son père, le sultan Seidou Njimoluh Njoya, à la tête du royaume Bamoun. Aujourd'hui, le roi est l'un des membres les plus influents du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le parti au pouvoir. Les Bamoun, l'une des tribus les plus importantes parmi les 200 que compte le Cameroun, restent très attachés à leur histoire et à leur souverain, considéré comme un chef spirituel.
 
Jour de prière, jour de fête
C'est ce royaume qu'une trentaine de journalistes venus de France, de Bulgarie, de Serbie, d'Italie, de Côte d'Ivoire, du Sénégal, de Suisse et du Liban (représenté par L'Orient-Le Jour) ont découvert dans le cadre d'une visite organisée par l'Union de la presse francophone (UPF). Une visite organisée un vendredi, jour de prière dans cette région à majorité musulmane. La tradition bamoune veut que tous les vendredis, après la prière du roi dans la grande mosquée, une véritable fantasia riche en couleurs accompagne son retour au palais.
C'est avec une heure de retard que le bus, sujet à une série de problèmes mécaniques, transportant le groupe de journalistes arrive à Foumban, surnommée la « Cité des arts ». Un retard que le roi, d'une hospitalité rare, intègre au programme des festivités. « Le roi refuse de sortir de la mosquée avant votre arrivée, dit un notable bamoun présent dans le bus. Il ne veut pas que vous ratiez la cérémonie traditionnelle, c'est un grand honneur qu'il vous fait. »
À l'entrée du palais royal, une foule enthousiaste attend le sultan : plusieurs dizaines d'hommes et de femmes portant des habits traditionnels aux couleurs gaies dansent sur les rythmes endiablés des percussionnistes. L'ambiance, très festive, est captivante.
 
Un sultan charismatique
« Vous avez bien fait de venir à Foumban un vendredi, déclare un représentant du palais au groupe d'étrangers qui attend impatiemment l'arrivée du roi. C'est comme ça toute les semaines! » À peine a-t-il terminé sa phrase que trois cavaliers se précipitent au galop vers le lieu de rassemblement. Tour à tour, les chevaux exécutent des figures, se dressant élégamment sur leurs membres postérieurs, comme pour annoncer une nouvelle importante. Soudain, la musique tonitruante est interrompue par les youyous stridents des femmes et les cris de joie des jeunes hommes. Les regards se tournent vers l'entrée du palais, où apparaît un homme à la posture imposante et au charisme indéniable. Portant un turban doré autour de la tête et du menton, une tunique traditionnelle aux couleurs du Cameroun (vert, rouge et jaune) et des lunettes de soleil classiques style Ray-Ban à monture dorée, le sultan Ibrahim Mbombo Njoya arrive escorté par une dizaine de ses adjoints les plus fidèles. Il monte les quelques marches menant au palais et s'assoit sur son trône, face à la foule. Le palais, construit au début du XXe siècle, est un grand bâtiment de briques rouges orné d'arabesques. Composé de trois étages et récemment transformé en musée, il figure sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco (voir encadré).
« Le serment d'allégeance va débuter », indique le représentant du palais. Tour à tour, notables, imams, princes et princesses, amis du roi, « guerriers » et simples sujets se dirigent par groupes vers le souverain et s'inclinent devant lui, en signe de loyauté. Une fois la cérémonie terminée, l'imam de la grande mosquée de Foumban, portant une longue tunique bleu ciel, récite la « Fatiha » (la première sourate du Coran) à côté du sultan.
 
Un festin royal
« Grâce à vous, le monde entier entendra parler du royaume Bamoun, dit le roi à l'intention de ses invités. Lors de votre séjour à Foumban, vous allez découvrir l'histoire de notre peuple, vieille de plus de 600 ans. » « J'espère que vous reviendrez nous visiter très bientôt », lance-t-il encore aux journalistes avant d'offrir à chacun une médaille royale marquée d'un serpent à deux têtes, l'emblème du sultanat.
Le groupe de visiteurs est ensuite emmené vers la résidence privée du roi Ibrahim Mbombo Njoya, à quelques pas du palais. « Le sultan vivait dans cette maison avant son intronisation, lorsqu'il occupait encore un poste gouvernemental », explique un notable. « Il n'accepte dans sa résidence que les invités d'honneur », précise-t-il.
Dans le petit jardin, à l'entrée de la maison, un groupe d'une dizaine de femmes de tout âge danse élégamment au rythme des percussions. À l'intérieur, les visiteurs découvrent une pièce hommage à la carrière diplomatique du sultan, qui a été ambassadeur du Cameroun en Égypte et en Guinée équatoriale. Les murs sont tapissés de photos le représentant avec de nombreux chefs d'État, dont le président algérien Abdelaziz Bouteflika. À gauche, c'est le salon d'honneur où un trône est installé sous une photo du 18e souverain, le père de l'actuel sultan.
En face, une porte mène vers la cour principale où aura lieu le déjeuner. Un énorme buffet de plats typiques du Cameroun est entouré d'une dizaine de tables et de parasols. Crudités, couscous de maïs et de manioc, boulettes de viande, intestins de bœuf, poulet mariné, pâté de pistache et de viande sont au menu. Un festin de roi accompagné d'une sélection de vins rouges français, de bières locales et de boissons gazeuses.
Rien ne semble manquer aux invités, sauf une présence de taille... celle du roi. « Il est interdit de voir le sultan manger ou boire, explique un notable. Et si l'on se retrouve dans une situation contraignante où il doit manger ou boire devant nous, il faut se cacher le visage. » « Vous savez, la vie d'un roi n'est pas toujours facile, poursuit-il. Il a l'amour de son peuple, mais il semble vivre dans une cage dorée... »
Alors que le soleil commence à se coucher sur Foumban, le ciel, qui était d'un bleu immaculé, prend une teinte rosée. Sur la grande place, en face du palais, les tambours disparaissent, pour laisser la place aux autres trésors de la « Cité des arts », masques, statuettes et autres œuvres en bois des maîtres artisans du royaume.
Il faut avoir traversé la mosaïque de forêts tropicales et la savane verdoyante qui s'étendent le long du chemin reliant Yaoundé à Foumban pour comprendre pourquoi l'on surnomme le Cameroun l'« Afrique en miniature ». Les 400 km qui séparent la capitale, au centre du pays, du chef-lieu du royaume Bamoun, à l'Ouest, offrent un...

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