Peter Singer, toujours préoccupé par la notion d'équité, a exposé une idée sortie de l'Université de Princeton où il enseigne, sur un système selon lequel la responsabilité dans le taux d'émissions mondiales serait calculé par personne, avec des quotas répartis sur toute la population mondiale. Selon lui, cela servira les intérêts des pays émergents et en développement puisque, naturellement, dans ces pays-là, les émissions sont inférieures à celles des pays développés. En d'autres termes, les populations des pays développés auront besoin d'acheter des quotas des pays moins développés. Cette proposition, qu'il a faite en direct au ministre indien de l'Environnement, Jairam Ramesh, au cours du congrès, a fait l'objet d'une réaction négative immédiate de celui-ci, qui l'a estimé « irréalisable ».
Dans un entretien avec L'Orient-Le Jour et quelques autres journaux, M. Singer s'est étonné de cette réaction. « Si un pays comme l'Inde appuyait une telle initiative de tout son poids, ce serait un argument puissant pour montrer que les pays développés restent injustes dans leur revendication d'une part plus grande d'émissions que celle qui devrait leur être autorisée, a-t-il affirmé. J'aurais cru que ce serait à l'avantage de pays comme l'Inde. »
Est-ce que la croissance démographique devrait faire partie de cette discussion ? « Elle devrait l'être certainement, parce qu'en cas de croissance de la population, il est prévisible que la part d'émissions per capita d'un pays baisse, répond-il. Ce qui a été suggéré, c'est qu'au lieu d'adopter les recensements actuels, on se réfère aux projections des Nations unies pour 2050. Cela pousserait les pays à prendre des mesures pour limiter la croissance démographique, parce que cela assurera à sa population une marge plus importante d'émissions s'ils restent en deçà d'un certain seuil. »
Pense-t-il que le fait qu'une telle proposition implique l'abolition de la responsabilité historique des pays développés justifie l'attitude du ministre indien ? « Il a évoqué ce point, souligne M. Singer. Mais je ne suis pas sûr de comprendre ce qu'il recherche en termes de deal final. Je ne peux imaginer de meilleur deal pour l'Inde que la proposition à laquelle je me suis référé. En effet, on peut penser que l'Inde, dans ce cas, n'aura même pas besoin de réduire ses émissions, et qu'elle pourra bien au contraire en faire des bénéfices. »
De plus petits pays, comme le Liban, ont-ils une marge de manœuvre assez vaste dans ce cas ? « Je pense que chacun doit contribuer à son niveau, répond-il. Mais je crois surtout que les petits pays doivent faire pression sur les nations industrialisées pour réduire davantage leurs émissions. Ils doivent leur faire comprendre clairement que leurs actions leur causent du tort. »
Sera-t-il possible, selon lui, de conclure un accord avec cette grande rupture entre les pays ? « Il y a sans nul doute une rupture importante, répond le philosophe. J'aurais aimé que les citoyens d'un pays comme les États-Unis reconnaissent que cette question est éthique avant toute chose, et je sais que l'idée d'une répartition équitable du gâteau leur est familière. Je crois donc que l'argument de la répartition per capita peut être présenté de façon assez simple pour que tout le monde en saisisse la portée. »
Une idée plus facile à promouvoir
Et le concept de responsabilité historique ? « Pour moi, ce concept n'est pas clair pour les gens, dit-il. Beaucoup argueraient que les générations passées n'étaient pas conscientes des conséquences de leurs actes, que les générations actuelles ne doivent pas être tenues responsables des actions de leurs aïeuls... » C'est un argument qui, selon lui, ne serait jamais accepté par les Américains, alors qu'il leur serait bien plus difficile de refuser l'argument des parts égales.
Cet argument permettrait donc de sortir de l'impasse actuelle ? « Je ne dis pas que ce sera aisé, reconnaît M. Singer. Ce sera toujours difficile de convaincre le Sénat américain de prendre une décision forte. Cette institution reste en effet peu démocratique et étrange, dans le sens où des États peu peuplés et très conservateurs ont le même nombre de sénateurs (deux) que des États bien plus peuplés et progressistes. C'est le problème du système politique américain, selon moi, je ne peux prédire ce qui arrivera, mais je sais que l'idée des quotes-parts égales est plus facile à promouvoir. »
Ne pense-t-il pas qu'une solution fondée sur des quotas et la possibilité de payer pour en acquérir puisse nuire aux efforts de réduire les émissions globales à long terme ? « Je pense que personne n'aime perdre de l'argent, répond-il. Si les États-Unis ne réduisent pas leurs émissions, ils seront forcés d'acheter une énorme part de quotas des pays en développement, et il en sera de même en Europe. Le prix des actions augmentera alors de manière significative. Ce sera équivalent à une taxe carbone dans le sens où plus on émet, plus on est obligé de payer pour ses émissions. » Le philosophe pense qu'il est juste que les pays développés apportent une aide financière aux pays en développement pour leur permettre de s'adapter aux changements, mais que sans mesures strictes pour régler le problème à la base, « ce sera comme administrer un pansement là où il faut une opération radicale ». Cette crise changera-t-elle la façon de faire de la politique ? « En effet, répond-il. C'est la première crise très complexe et mondiale que les pays doivent résoudre ensemble. Et c'est le premier problème à impliquer l'avenir des générations futures. »
Dans un entretien avec L'Orient-Le Jour et quelques autres journaux, M. Singer s'est étonné de cette réaction. « Si un pays comme l'Inde appuyait une telle initiative de tout son poids, ce serait un argument puissant pour montrer que les pays développés restent injustes dans leur revendication d'une part plus grande d'émissions que celle qui devrait leur être autorisée, a-t-il affirmé. J'aurais cru que ce serait à l'avantage de pays comme l'Inde. »
Est-ce que la croissance démographique devrait faire partie de cette discussion ? « Elle devrait l'être certainement, parce qu'en cas de croissance de la population, il est prévisible que la part d'émissions per capita d'un pays baisse, répond-il. Ce qui a été suggéré, c'est qu'au lieu d'adopter les recensements actuels, on se réfère aux projections des Nations unies pour 2050. Cela pousserait les pays à prendre des mesures pour limiter la croissance démographique, parce que cela assurera à sa population une marge plus importante d'émissions s'ils restent en deçà d'un certain seuil. »
Pense-t-il que le fait qu'une telle proposition implique l'abolition de la responsabilité historique des pays développés justifie l'attitude du ministre indien ? « Il a évoqué ce point, souligne M. Singer. Mais je ne suis pas sûr de comprendre ce qu'il recherche en termes de deal final. Je ne peux imaginer de meilleur deal pour l'Inde que la proposition à laquelle je me suis référé. En effet, on peut penser que l'Inde, dans ce cas, n'aura même pas besoin de réduire ses émissions, et qu'elle pourra bien au contraire en faire des bénéfices. »
De plus petits pays, comme le Liban, ont-ils une marge de manœuvre assez vaste dans ce cas ? « Je pense que chacun doit contribuer à son niveau, répond-il. Mais je crois surtout que les petits pays doivent faire pression sur les nations industrialisées pour réduire davantage leurs émissions. Ils doivent leur faire comprendre clairement que leurs actions leur causent du tort. »
Sera-t-il possible, selon lui, de conclure un accord avec cette grande rupture entre les pays ? « Il y a sans nul doute une rupture importante, répond le philosophe. J'aurais aimé que les citoyens d'un pays comme les États-Unis reconnaissent que cette question est éthique avant toute chose, et je sais que l'idée d'une répartition équitable du gâteau leur est familière. Je crois donc que l'argument de la répartition per capita peut être présenté de façon assez simple pour que tout le monde en saisisse la portée. »
Une idée plus facile à promouvoir
Et le concept de responsabilité historique ? « Pour moi, ce concept n'est pas clair pour les gens, dit-il. Beaucoup argueraient que les générations passées n'étaient pas conscientes des conséquences de leurs actes, que les générations actuelles ne doivent pas être tenues responsables des actions de leurs aïeuls... » C'est un argument qui, selon lui, ne serait jamais accepté par les Américains, alors qu'il leur serait bien plus difficile de refuser l'argument des parts égales.
Cet argument permettrait donc de sortir de l'impasse actuelle ? « Je ne dis pas que ce sera aisé, reconnaît M. Singer. Ce sera toujours difficile de convaincre le Sénat américain de prendre une décision forte. Cette institution reste en effet peu démocratique et étrange, dans le sens où des États peu peuplés et très conservateurs ont le même nombre de sénateurs (deux) que des États bien plus peuplés et progressistes. C'est le problème du système politique américain, selon moi, je ne peux prédire ce qui arrivera, mais je sais que l'idée des quotes-parts égales est plus facile à promouvoir. »
Ne pense-t-il pas qu'une solution fondée sur des quotas et la possibilité de payer pour en acquérir puisse nuire aux efforts de réduire les émissions globales à long terme ? « Je pense que personne n'aime perdre de l'argent, répond-il. Si les États-Unis ne réduisent pas leurs émissions, ils seront forcés d'acheter une énorme part de quotas des pays en développement, et il en sera de même en Europe. Le prix des actions augmentera alors de manière significative. Ce sera équivalent à une taxe carbone dans le sens où plus on émet, plus on est obligé de payer pour ses émissions. » Le philosophe pense qu'il est juste que les pays développés apportent une aide financière aux pays en développement pour leur permettre de s'adapter aux changements, mais que sans mesures strictes pour régler le problème à la base, « ce sera comme administrer un pansement là où il faut une opération radicale ». Cette crise changera-t-elle la façon de faire de la politique ? « En effet, répond-il. C'est la première crise très complexe et mondiale que les pays doivent résoudre ensemble. Et c'est le premier problème à impliquer l'avenir des générations futures. »
Peter Singer, toujours préoccupé par la notion d'équité, a exposé une idée sortie de l'Université de Princeton où il enseigne, sur un système selon lequel la responsabilité dans le taux d'émissions mondiales serait calculé par personne, avec des quotas répartis sur toute la population mondiale. Selon lui,...
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