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Europa Jaratouna: l'action de l'Europe dans 8 pays sud-méditerranéens - Développement

« Haqi » ou les droits des Jordaniens sur les ondes

Al-Balad, radio privée jordanienne, a la réputation d'une radio impertinente ou, en tout cas, au ton libre. Depuis cinq ans, elle diffuse « Haqi », une émission sur les droits de l'homme. L'Union européenne la soutient dans son effort, grâce au programme de développement IEDDH (Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme).

Dans le cadre de l'émission Haqi, la présentatrice, avocate, explique une loi, donne ses limites et démonte les idées reçues. Ensuite, les auditeurs peuvent appeler, témoigner et poser toutes les questions qu'ils souhaitent.

Les circonstances dans lesquelles l'avortement peut être légalement pratiqué, les clauses qu'une femme peut mettre dans son contrat de mariage comme l'interdiction pour le mari de se remarier, les droits des réfugiés irakiens en Jordanie, ce qu'est un crime de guerre (en référence à l'offensive israélienne contre Gaza en décembre 2008), la liberté de la presse, la peine capitale (la Jordanie a suspendu toutes les exécutions depuis 2006)... Voilà quelques exemples des thèmes traités dans les émissions récentes de Haqi, « Mon droit », diffusée par la radio privée al-Balad. La loi est expliquée, les limites du droit données et les fausses idées rejetées. Le canevas est simple : un témoignage, les explications de la présentatrice et ensuite la parole est donnée aux auditeurs. Et ils sont nombreux à appeler.
Taghreed al-Dughmi présente l'émission depuis cinq années, elle est avocate. « Je suis attentive à proposer des sujets variés. Le ton est simple et surtout les sujets collent aux problèmes quotidiens des Jordaniens. Je donne aussi des adresses, des noms d'associations qui peuvent aider mon public. Parfois, les auditeurs demandent la rediffusion d'une émission comme le programme sur le divorce (depuis 2004, la femme jordanienne peut demander le divorce sans devoir prouver une quelconque faute de son mari). » La force de l'émission, c'est aussi sa pérennité. Après sa diffusion, chaque émission de Haqi est mise en ligne sur le site Ammannet. Les internautes peuvent réécouter le programme, poser encore des questions, et l'avocate leur répond. Le site enregistre environ 200 visites chaque semaine. « Les auditeurs font aussi des propositions : quelqu'un a demandé une émission sur les droits des locataires, car aujourd'hui les loyers explosent », explique Taghreed al-Dughmi. L'émission est populaire en Jordanie. C'est le seul programme de ce genre, et surtout le seul lieu où on peut obtenir gratuitement des conseils juridiques.
L'animatrice n'a jamais eu de commentaires ou attaques de la part de ses collègues : « Les juges et avocats que je rencontre me parlent souvent de mon programme. Ils trouvent l'émission utile. » À l'instar de Taleb al-Saqqaf, avocat jordanien et vice-président du Comité arabe pour les droits de l'homme. « Ce programme aide à une prise de conscience. Et surtout, les médias jordaniens ne traitent généralement pas ces sujets. Ils ne les considèrent pas intéressants. Pendant un temps, le texte de l'émission était imprimé dans le quotidien al-Dustour, c'est dommage que cela ne se fasse plus », souligne-t-il.

Al-Balad, mon quartier, mes droits
Proximité, être à l'écoute des auditeurs, interactivité. Tel est le credo d'al-Balad depuis sa création. Elle a vu le jour en 2000. Son directeur a voulu une radio différente. Loin des médias publics et des nombreuses radios musicales. Daoud Koutab, le directeur de la radio, y tient : « On ne couvre pas l'actualité internationale, seulement des informations locales. Et les auditeurs peuvent intervenir dans presque tous nos programmes. Cette radio est une radio communautaire. » C'est Daoud Koutab qui a voulu ce programme sur les droits de l'homme. « En Jordanie, la Constitution est bonne, mais la connaissance qu'en ont les citoyens est quasi nulle. J'ai pensé : Faisons un programme pour faire connaître leurs droits aux Jordaniens. Les droits des citoyens, ce n'est pas une chose très claire dans l'esprit de beaucoup. Ici, la tribu est plus importante que l'État de droit. On règle encore beaucoup de problèmes via le conseil tribal. »

Soutien européen
L'Union européenne a choisi de soutenir Haqi en 2003. Le ton et la volonté de proximité avec les auditeurs, notamment avec l'utilisation du dialecte jordanien et non de l'arabe classique, ont convaincu l'UE. Le fait que la radio soit populaire, qu'elle diffuse sur une zone géographique importante couvrant l'agglomération de Amman, Zarqa et la vallée du Jourdain, c'est-à-dire la région la plus peuplée de Jordanie et les banlieues pauvres, a également pesé dans la balance. La radio touche les auditeurs que nous cherchons à toucher, relève-t-on à la délégation européenne à Amman, qui a également été séduite par le fait qu'avec Haqi, on sorte des traditionnels ateliers et conférences sur les droits de l'homme.
En outre, Haqi correspond bien à la philosophie du programme européen IEDDH (Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme). L'Union européenne ne cherche pas à introduire des valeurs non jordaniennes. L'UE travaille sur des valeurs universelles et considère que les droits de l'homme sont un facteur de développement. En 2008, la priorité était au soutien aux populations les plus vulnérables comme les migrants, les handicapés ou les femmes.
Une fois qu'un projet est choisi, il est soutenu financièrement (le projet Haqi coûte 83 000 euros, 80 % seront financés par l'UE). Si un contrôle financier est systématiquement en cours tout au long du projet, la délégation n'intervient pas dans le choix des sujets de l'émission. La radio reste totalement libre de ses choix éditoriaux. Le financement européen s'achève début 2010. La sélection des nouveaux projets IEDDH est en cours. Et il y en a beaucoup puisque 48 projets ont été soumis en 2009. L'année dernière, 40 propositions avaient été déposées. Une dizaine ont été retenues.

*Europa Jaratouna est un projet médiatique initié par le consortium L'Orient-Le Jour, al-Hayat, LBCI, et élaboré avec l'aide de l'Union européenne. Il traite des actions de l'UE dans 8 pays du sud de la Méditerranée. Pour en savoir plus, visitez le site www.eurojar.org. Le contenu de cette  publication relève de la seule responsabilité de L'Orient-Le Jour et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue de l'Union européenne.

Les circonstances dans lesquelles l'avortement peut être légalement pratiqué, les clauses qu'une femme peut mettre dans son contrat de mariage comme l'interdiction pour le mari de se remarier, les droits des réfugiés irakiens en Jordanie, ce qu'est un crime de guerre (en référence à l'offensive israélienne contre Gaza en...