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Liban - Commentaire

Une révolution sournoise en marche, plutôt qu’un stop ministériel déclaré

L'accumulation des jours et des surenchères prouve, aux yeux de nombre d'observateurs avertis, que l'enjeu véritable dépasse de loin les considérations de quotas et de répartition des portefeuilles. Le blocage, selon ces analystes, ne prend son sens que comme démarreur d'un processus, d'une révolution menant à l'instauration d'une IIIe République, chantée naguère par des cadres du Hezbollah, parti qui a cependant décidé, à la suite de réactions générales outrées, d'y mettre une sourdine. Pour passer le flambeau au général Michel Aoun, qui en a fait, au printemps, l'un des slogans principaux de sa campagne électorale.
L'un et l'autre projets, du Hezb ou du CPL, ne sont, évidemment, pas identiques. Mais ils se rejoignent, fatalement, autour de la prétendue nécessité de gommer le régime démocratique parlementaire que consacrent Taëf et la Constitution qui en découle.
Dès lors, il importe peu que l'on parvienne ou non à mettre sur pied un cabinet dit d'union. Dans le premier cas, le CPL mènerait bataille pour le bouleversement institutionnel total par le biais de ses ministres et de leurs bons amis. Le groupe multipliant les difficultés, les entraves et les polémiques pour que, de guerre lasse, les autres parties admettent l'idée d'un nouveau pacte national. Dans le second cas, s'il ne devait pas y avoir de gouvernement, le CPL et ses partisans agiraient par des pressions politiques diversifiées. Ou encore par des grèves, des manifestations pacifiques et des sit-in.
Si l'on se convainc que tel est bien l'objectif final, l'inanité d'une confrontation articulée autour de la répartition des portefeuilles apparaît clairement. Car, quel que soit le poids des départements qui leur seraient attribués, les ministres de la minorité resteraient en mesure de faire imploser le gouvernement à tout moment, sous n'importe quel prétexte de décision ne leur convenant pas, en démissionnant en bloc. Dans cette logique même, ce ne serait pas du tout pour empêcher la majorité de monopoliser le pouvoir, comme ils le soutiennent, que les opposants exigent ce qu'ils appellent le partenariat égal, synonyme en réalité de blocage, mais pour mieux saper l'État présent. Et le remplacer par un autre. En enjoignant aux ministres de la minorité, principalement en charge de départements de services socio-économiques, d'y pratiquer une grève du zèle. Pour mettre les majoritaires face à cette alternative : soit fermer les yeux sur la paralysie, et s'en rendre complices, soit risquer de voir le gouvernement sauter, et le pays politique laissé, pour de bon, à l'abandon. Au mieux, si l'on peut dire, les loyalistes pourraient faire traîner les choses en longueur. Avec un cabinet qui ne serait pas d'union et de rendement, mais de désunion et d'improductivité. Et alors, bonjour les réformes, Paris III et le redressement économique.
Dans tous les cas de figure, le prochain gouvernement, s'il doit jamais prendre corps, ne serait donc qu'une passerelle vers la IIIe République projetée. Un régime dont les prosyriens n'ont pas encore défini les contours. Il pourrait s'agir, à en croire les thèses qu'ils défendent déjà pour le présent, de la démocratie consensuelle, antonyme de la démocratie tout court. Mais il pourrait tout aussi bien s'agir d'autres bases, encore plus dangereuses. Car même une telle trouvaille pourrait ne pas convenir à certaines parties puissantes du cru, du moment qu'avec la règle double de l'amiable et du veto, elle nivelle finalement les rapports de force, en politique comme sur le terrain.
En clair, il n'est pas certain que la démocratie consensuelle convienne au Hezbollah, sauf s'il l'admet comme étape transitoire vers son rêve final déclaré, la République islamique. D'ailleurs, des pôles du 8 Mars reconnaissent, en privé, en substance et en toute candeur, que « les circonstances actuelles favorisent le projet de changement de régime, du moment que la majorité parlementaire, attachée à Taëf, dispose de moyens de défense réduits ». Pour ces sources, une évidence ultérieure : « Lorsqu'il s'agira de discuter d'une nouvelle formule, la partie armée aura un net avantage. Grâce à ses capacités d'intimidation, certes, mais grâce aussi aux appuis arabes et régionaux dont elle dispose. En principe donc, c'est dans le sens qu'elle souhaite que le changement devrait aller. »
Il reste que, comme les dirigeants du Hezb l'ont toujours souligné, la mutation éventuelle ne devrait être marquée par aucun défi intolérable à l'égard des autres composantes du paysage sociopolitique. Et, par là même, par aucune précipitation irréfléchie. Le Hezb a tout son temps et toutes ses forces. Face à des partenaires plus faibles, notamment du côté des chrétiens, minés par leurs divisions et démographiquement handicapés.
L'accumulation des jours et des surenchères prouve, aux yeux de nombre d'observateurs avertis, que l'enjeu véritable dépasse de loin les considérations de quotas et de répartition des portefeuilles. Le blocage, selon ces analystes, ne prend son sens que comme démarreur d'un processus, d'une révolution menant à l'instauration d'une IIIe...
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