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Législatives : juin 2009 - Pour aller plus loin

Noms, portefeuilles, prérogatives : la polémique bat son plein

Retour à la case départ. L'initiative prise hier par le Premier ministre désigné, Saad Hariri, ne peut être considérée, dans la forme du moins, que comme une volonté de s'acquitter enfin de la lourde et complexe tâche de la mise sur pied d'un gouvernement dit d'union nationale.
Cette démarche était, aux yeux de certains, d'autant plus importante et urgente que l'on avait reproché au chef de la majorité « son manque d'initiative » et sa « passivité » durant les deux mois et demi qui se sont écoulés depuis sa désignation pour former un gouvernement. Lundi, M. Hariri a tranché. Mais avec quels outils et selon quelle procédure ?
Car si l'opposition reproche au Premier ministre désigné le contenu de la liste gouvernementale, et le fait qu'il ait lui-même « imposé » les ministres de l'opposition, certains juristes eux, ont critiqué la procédure à laquelle a recouru M. Hariri, à savoir « sa manière de jeter dans le camp du chef de l'État, un package deal bien ficelé et prêt à la consommation ». La prérogative que le Premier ministre désigné affirme avoir exercée selon la Constitution, a ainsi suscité des interrogations de la part de certains observateurs qui contestent « l'unilatéralisme » de M. Hariri dans la désignation des ministres.
Autrement dit, le chef de la majorité avait-il le droit de concocter la composition du gouvernement seul pour venir ensuite la soumettre, dans sa mouture finale, au chef de l'État à qui il revenait soit d'accepter, soit de refuser de contresigner ? Cette logique suppose « un rôle passif » laissé au président, ce qui n'est pas prévu dans l'esprit de Taëf, estiment certains juristes.
C'est dans ce sens que l'on peut comprendre la critique lancée hier par l'ancien ministre Albert Mansour, qui affirme que c'est l'article 53 de la Constitution, énumérant les prérogatives du chef de l'État, qui s'applique dans ce cas précis, et non l'article 64 qui se réfère aux prérogatives du Premier ministre.
Tel n'est pas l'avis de l'ancien membre du Conseil constitutionnel, Salim Jreissati, qui a une interprétation différente. Selon lui, la Constitution dispose dans son article 53 que le président de la République promulgue le décret de la formation du gouvernement assorti du contreseing du Premier ministre, c'est-à-dire « en accord avec lui ». L'article 64 prévoit par ailleurs que le Premier ministre désigné effectue ses consultations dans le but de former le gouvernement, « également en accord avec le chef de l'État ». « Par conséquent, affirme M. Jreissati, la formation du gouvernement est le fruit de l'accord entre les deux hommes » et de « l'application simultanée des deux articles », dont il ressort que le Premier ministre propose une ou des formules au chef de l'État « pour en débattre ».
Pour le juriste, M. Hariri a agi en dehors de la procédure, car il n'a vraisemblablement pas débattu de la formation avec le chef de l'État. « Dans les détails, le Premier ministre désigné ne pouvait sortir sur le perron que soit pour annoncer la formation du gouvernement, soit pour se récuser ».
Et M. Jreissati de rappeler, une fois de plus, que l'une des prérogatives maîtresse du chef de l'État est précisément « sa participation effective » à la formation du gouvernement, « la seule après Taëf qui a une substance réelle ».
Un éminent juriste qui a requis l'anonymat a tranché dans un autre sens. Selon lui, « M. Hariri, qui est le chef de gouvernement pressenti, n'a fait que présenter un projet, qui est actuellement entre les mains du chef de l'État, ce qui est tout à fait normal. Les deux hommes doivent se concerter entre eux, et personne n'a à leur dicter ce qu'ils doivent faire ».
À la contestation suscitée autour des prérogatives procédurales, les milieux de l'opposition ajoutent leur refus d'une autre procédure, celle de l'imposition par le Premier ministre désigné des noms attribués aux portefeuilles.
Certes, ce dernier avait clairement fait savoir que ceux qui n'ont pas été chanceux aux élections, ne peuvent briguer une fonction ministérielle. À cela, l'opposition répond : « Qu'à cela ne tienne. Comment se fait-il alors qu'Alain Aoun, qui est actuellement député, n'a pas été affecté au ministère des Télécommunications, réclamé par le CPL ? »
Si l'ancien ministre Sélim Hoss a objecté clairement ce qu'il appelle le « droit de veto pratiquée par l'opposition dans ses tractations avec le Premier ministre désigné », et estimé qu'il s'agit d'une « ingérence dans les affaires relevant du Premier ministre », d'autres voix considèrent que quand bien même les blocs parlementaires ne sont pas censés choisir de manière inévitable leurs ministres, le principe de la logique consensuelle s'impose. Cela signifie que les parties prenantes doivent être satisfaites des nominations. Sinon à quoi servirait-il donc de parler de consensus, soutiennent ces sources.
Toutefois, les controverses ne s'arrêtent pas à ce stade et le niet catégorique opposé par le chef du CPL serait en outre motivé par le fait que Saad Hariri aurait convenu avec Michel Aoun, lors de leur rencontre à Baabda en présence du chef de l'État, « d'un gouvernement qui comprendrait les pôles de chaque communauté ». « Le même soir, M. Hariri a changé d'avis et affirmé le contraire devant ses visiteurs », atteste une source proche du dossier.
M. Hariri ira même jusqu'à démentir, devant le chef du Parlement, s'être engagé dans cette direction. C'est notamment ce qui aurait irrité les aounistes, précise la source.
Interrogé sur ce point, le député Nabil de Freige affirme qu'il n'a jamais été question d'un accord sur un gouvernement de pôles. « D'ailleurs, comment pouvons-nous expliquer les déclarations des deux hommes à la sortie de la rencontre affirmant, à l'unisson, que la réunion n'a fait que briser la glace et qu'aucun accord précis n'en a émané? » s'interroge le député, qui conclut qu'il existe, quelque part, une faille certaine.
Cette démarche était, aux yeux de certains, d'autant plus importante et urgente que l'on avait reproché au chef de la majorité « son manque d'initiative » et sa « passivité » durant les deux mois et demi qui se sont écoulés depuis sa désignation pour former un gouvernement. Lundi, M. Hariri a...