Rechercher
Rechercher

Législatives : juin 2009 - Pour aller plus loin

Hariri présenterait « sa » formule dans la semaine ; l’opposition exprime déjà ses réserves et fait monter la pression

Le processus de formation du cabinet entre à nouveau cette semaine dans une phase cruciale, dans la mesure où le Premier ministre désigné, Saad Hariri, est sur le point de présenter, dans les quelques jours à venir, une formule ministérielle au président de la République, Michel Sleiman.
Or des sources proches aussi bien du Hezbollah que du Courant patriotique libre ont d'ores et déjà laissé entendre hier que la formule de Saad Hariri est « irrecevable », dans la mesure où elle ne prend en considération « aucune des revendications » du général Michel Aoun. Pour rappel, ce dernier avait réclamé cinq portefeuilles, dont un portefeuille-clé (en l'occurrence l'Intérieur) ainsi que le ministère des Télécoms. Il avait également demandé l'obtention de quatre des ministres maronites, ainsi que l'intégration des « perdants » à l'équipe ministérielle. Selon ces sources, la formule de Hariri est « irrationnelle » et ne saurait être cautionnée par l'opposition si le Premier ministre désigné venait à la proposer au président de la République, soulignant que « la balle est finalement dans le camp de ce dernier ». En clair, il s'agit dès à présent de mettre la pression sur Saad Hariri et Michel Sleiman pour pousser à bout le bras de fer politique. Une logique exprimée par Wi'am Wahhab, qui a affirmé que Michel Sleiman « est trop sage pour accepter la formation d'un cabinet de facto » et que l'opposition « ne participera pas à un gouvernement où le CPL n'est pas représenté ». Sous-entendu, représenté selon les conditions strictes du CPL. Gebran Bassil, qui s'est entretenu lui-même avec Saad Hariri hier, a laissé entendre que ses entretiens avec le Premier ministre désigné « ne servaient à rien », le gendre du général Aoun soulignant qu'il avait malheureusement affaire avec des « moulins à vent ».
La perception n'est évidemment pas la même du côté du 14 Mars, où l'on défend la volonté haririenne de former le cabinet avant le départ du président Sleiman à la réunion de l'Assemblée générale de l'ONU à New York. Une source proche de la majorité affirme ainsi que l'objectif de Saad Hariri est de « briser le statu quo régional » et de prouver qu'il ne saurait se laisser avoir facilement par le chantage. La formule que le Premier ministre désigné serait sur le point de proposer au président Sleiman est en effet jugée « rationnelle » par cette source. Selon elle, Saad Hariri octroierait (sur base de la formule 10+5+15) cinq ministères au CPL, mais sans respecter les revendications du général Aoun concernant les portefeuilles et les conditions posées par ce dernier. Ainsi, il n'y aurait pas trace de Gebran Bassil, pierre angulaire des revendications aounistes, au sein du nouveau cabinet, ni du ministère des Télécoms ou de l'Intérieur. La formule proposée par Saad Hariri octroierait à Michel Aoun les portefeuilles de la Justice et de l'Éducation avec, à la clef, l'intégration respective au sein de l'équipe ministérielle d'un député, Alain Aoun, et d'une personnalité unanimement respectée et qui n'a pas mené la course jusqu'au bout lors des dernières législatives, l'ancien bâtonnier Chakib Cortbawi. Une manière de prouver qu'il est totalement disposé à intégrer le CPL au sein du cabinet et à œuvrer de concert avec des personnalités tout à fait compétentes, mais selon ses propres conditions, conformément à ses prérogatives de Premier ministre désigné. Par ailleurs, Saad Hariri aurait proposé à Gebran Bassil une rotation au niveau des ministères. Une manière peut-être de dire au ministre sortant des Télécoms que si le CPL souhaite à tout prix obtenir un portefeuille-clé, cela ne saurait se faire aux dépens du quota du président de la République (l'Intérieur), et qu'il devrait plutôt régler cela au sein de son propre camp... en réclamant au président de la Chambre Nabih Berry une rotation au niveau des Affaires étrangères.
La question qui se pose maintenant est de savoir quelle sera la réaction du président de la République, sur lequel l'opposition va jeter toute sa pression dans les jours à venir. Jugera-t-il la formule proposée par Saad Hariri comme acceptable compte tenu du critère fondamental, qui est celui de la représentation de toutes les parties au sein d'un cabinet d'union nationale, ou bien estimera-t-il que les réserves de l'opposition sont fondées, ce qui enverra une nouvelle fois le cabinet dans les limbes ? Il est encore trop tôt pour répondre à cette question.
Mais la décision finale ne dépend pas que de la volonté du président. Le facteur régional entre également en jeu de son côté. Si l'Iran et la Syrie donnent leur feu vert à la formation du cabinet, ce dernier verra aussitôt le jour, dans la mesure où, estime une source du 14 Mars, le général Aoun ne représente « qu'un paravent masquant le torpillage régional ». Or la surenchère du Hezbollah et du camp prosyrien concernant le chef du CPL, poursuit cette source, vise à « entretenir une certaine mythomanie aouniste au niveau de la représentation chrétienne », dans la mesure où, « dans la réalité, le général Aoun ne possède, dans son bloc, que 24 députés chrétiens sur les 64, qu'à la lumière des résultats des dernières législatives, sa popularité a chuté de 50 % sur le plan populaire chrétien, et que les sièges chrétiens à Baabda et Jbeil ont été remportés au final grâce aux voix chiites ».
Or les sources précitées du Hezbollah et du CPL, ainsi que les récentes déclarations du député Nawaf Moussawi et d'autres cadres du Hezbollah prouvent que rien n'a changé, c'est-à-dire que le Hezb continue de soutenir les revendications du général Aoun, et qu'il va même plus loin en affirmant que « c'est l'ensemble de l'opposition qui claquera la porte du cabinet si le CPL n'obtient pas ce qu'il veut ». D'où la crainte sérieuse - renforcée par les consignes très strictes d'un renforcement de la vigilance données par le ministre de l'Intérieur Ziyad Baroud ces derniers jours aux agents de l'ordre -, qu'un événement sécuritaire d'une certaine envergure ne vienne « empêcher », durant ces quelques jours, un éventuel forcing mené conjointement par le président de la République et le Premier ministre désigné conformément à leurs prérogatives constitutionnelles, ou faire échec à un éventuel accord entre les deux hommes.

M.H.G.
Or des sources proches aussi bien du Hezbollah que du Courant patriotique libre ont d'ores et déjà laissé entendre hier que la formule de Saad Hariri est « irrecevable », dans la mesure où elle ne prend en considération « aucune des revendications » du général Michel Aoun. Pour rappel, ce dernier avait...