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Législatives : juin 2009 - Pour aller plus loin

Le blocage interne conjugué à un marasme politique régional

Le blocage enregistré depuis plus de deux mois maintenant au niveau de la formation du gouvernement est-il en définitive imputable aux facteurs internes ou externes ?
C'est bien la question majeure qui taraude en ce moment l'opinion publique libanaise qui n'arrive toujours pas à comprendre et à se figurer qu'un « simple » nœud tel que celui de la reconduction à son poste du « gendre CPL », Gebran Bassil, puisse paralyser à tel point les rouages de l'État, entraînant ainsi non seulement une crise politique au sens constitutionnel du terme, mais surtout ce qui apparaît être une « guerre d'ego » qui a lieu entre le Premier ministre désigné Saad Hariri et le chef du Courant patriotique libre, Michel Aoun, autour d'un portefeuille ou deux.
Certes, l'on sait déjà que les considérations d'ordre « personnel » au Liban ont un impact autrement plus puissant qu'ailleurs dans le monde, et que « l'entêtement » explicite du général Aoun n'a d'équivalent que le refus persistant, mais implicite, du président du gouvernement désigné de vouloir reconduire le ministre Bassil à son poste.
Les forces du 14 Mars sont d'ailleurs unanimes pour ce qui est de la volonté de marginaliser, de manière « injustifiée jusqu'à ce jour » diront les aounistes, un gendre qui ne saurait s'imposer une fois de plus à la tête d'un ministère « sensible » - l'affaire du relais du Barouk en est une preuve -, d'autant que ce portefeuille doit revenir de facto à la majorité, qui considère qu'il est du droit constitutionnel du Premier ministre désigné d'accepter ou de refuser certaines candidatures.
Il en est de même du ministère de l'Intérieur réclamé à corps et à cri par le même général Aoun qui affirme devant ses visiteurs qu'il n'ambitionne ce portefeuille que pour y opérer une réforme de fond que le ministre Ziyad Baroud, quoique salué pour ses immenses efforts et ses tentatives de réformes, n'a pu faire, « lié qu'il est par des considérations de politique politicienne sur lesquelles il n'a pas d'emprise ». Car, affirment les milieux aounistes, ce département aux tentacules énormes et disparates, et non moins sensible d'ailleurs que celui des Télécommunications, avait en partie échappé à la bonne volonté de M. Baroud, notamment dans son volet sécuritaire, qui est resté sous le contrôle des forces du 14 Mars, accusées par l'opposition de contrôler totalement la direction des FSI. Mais quels que soient les arguments des uns et des autres, une chose est certaine : le blocage interne a ses raisons que la raison du citoyen ne reconnaît plus, tant il est vrai que les requis de la vie quotidienne et le poids des exigences socio-économiques, voire même sécuritaires, ne peuvent plus justifier des prises de position aussi radicales et aussi « personnifiées ».
Mais ce serait plutôt simplifier le paysage politique que de se contenter d'attribuer à l'impasse actuelle des justifications purement locales. Car, estime une source « médiatrice » chargée de la difficile tâche de défaire les nœuds un par un et de rapprocher des points de vue qui paraissent désormais inconciliables, la résolution de ce blocage ne se trouve pas uniquement au Liban, et les obstacles ne sont malheureusement pas exclusivement dus à un « conflit de personnalité et d'ego ». La source, qui rejoint d'ailleurs bon nombre d'observateurs, croit savoir que le nœud libanais ne saurait se défaire sans une entente préalable syro-saoudienne, et américano-syrienne, dans des dossiers bien plus sensibles, pour eux, que celui du Liban. Cette source révèle en effet des « transactions » qui ont actuellement lieu en coulisses au sujet de l'Irak, « un dossier, pour l'instant, prioritaire aux yeux des Américains ». Pour la source en question, les États-Unis seraient d'ailleurs prêts à offrir à la Syrie des avancées substantielles au Liban pour obtenir en contrepartie que Damas jette du lest au niveau de ses frontières avec l'Irak, dont la perméabilité devient plus ou moins rigide au gré des équilibres en jeu dans la région. La crise diplomatique qui vient de surgir entre l'Irak et la Syrie, au lendemain des accusations lancées par le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki, n'a fait que compliquer l'échiquier politique déjà lourd de contentieux entre les deux parties.
Pour leur part, les États-Unis, dont les troupes sont directement concernées par toute résurgence de violence en Irak, tentent actuellement de calmer le jeu entre les deux pays frontaliers, tout en laisser miroiter aux Syriens plus d'acquis au plan libanais, estime la source précitée. En outre, ajoute un observateur proche du dossier, le rapprochement syro-saoudien, mis sur les rails il y a quelque mois, a été freiné par les Égyptiens qui auraient conseillé aux Saoudiens de
« ne rien accorder à la Syrie sans lui soutirer en contrepartie des concessions, notamment au plan palestinien ». Se targuant publiquement d'avoir contribué au ralentissement de la réconciliation syro-saoudienne, les Égyptiens ne semblent pas près de se préoccuper outre mesure de la situation libanaise, la priorité pour eux, aussi bien que pour les Américains, se trouvant ailleurs pour l'instant, dit-il.
Ainsi, poursuit la source, c'est le feu vert saoudien que continuerait d'attendre Saad Hariri pour faire avancer ses pions sur le plan de la constitution du gouvernement. Or c'est la neutralité absolue qu'aurait choisi d'observer pour le moment le royaume wahhabite par rapport au dossier libanais, en attendant le déblocage. Cette situation est d'autant moins aisée pour M. Hariri, et surtout pour l'opposition dans son ensemble, qu'Américains et Égyptiens seraient de plus en plus en faveur de la reconduction du Premier ministre sortant, Fouad Siniora, croit savoir la source en question.
Cette dernière estime toutefois que malgré le marasme qui caractérise actuellement la politique régionale, les efforts ne s'arrêteront pas pour autant au plan local pour tenter d'aplanir le terrain miné par les revendications et contre-revendications en termes de répartition des portefeuilles. Une nouvelle médiation serait actuellement en cours, non pas par le Hezbollah, comme avancé par certains médias, mais plutôt par une personnalité éminente, politiquement neutre, et dont l'identité restera camouflée jusqu'à conclusion de l'initiative. En attendant de voir cette énième tentative produire ses effets magiques sur les deux camps adverses, il faut espérer que la situation sécuritaire sur le terrain - qui a connu dernièrement un certain relâchement - soit contenue dans ses différentes manifestations, au Nord comme au Sud.
C'est bien la question majeure qui taraude en ce moment l'opinion publique libanaise qui n'arrive toujours pas à comprendre et à se figurer qu'un « simple » nœud tel que celui de la reconduction à son poste du « gendre CPL », Gebran Bassil, puisse paralyser à tel point les rouages de l'État, entraînant ainsi non...