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Législatives : juin 2009 - Pour aller plus loin

L’escalade pourrait avoir pour but un nouvel accord damasquiné

C'est d'une élégance remarquable. Tout en rejetant l'invitation à déjeuner de Saad Hariri, pour discuter gouvernement face à face, sans intermédiaire, le général Michel Aoun l'invite à son tour.
Mais à faire cesser les attaques de ses députés contre sa personne, sans quoi il leur riposterait du tac au tac. Il s'y est tout de suite mis, du reste, dans sa conférence de presse brûlot d'hier. Il a tiré à boulets rouges sur les loyalistes, sans épargner le chef de l'État. Avec un sens appuyé du coq à l'âne : au sujet de Ziyad Baroud, après avoir affirmé qu'il le soutiendrait comme il le ferait pour Gebran Bassil, son gendre, face à toute campagne, il a asséné que ce ministre est incapable de contrôler son département, l'Intérieur. Contrairement à Talal Arslane, le général Aoun ne trouve, en revanche, rien à reprocher à l'opposition, et surtout pas, évidemment, au Hezbollah ou au mouvement Amal. Sans aucun commentaire, donc, des prestations du président Nabih Berry au perchoir, ni, bien sûr, des fameux périmètres de sécurité du Hezb où l'État n'a pas droit de présence. Encore une fois, le général Aoun s'est autoproclamé juge suprême de la corruption et des corrompus.
Le processus ministériel est donc dans l'impasse. Pour beaucoup d'observateurs, il devient clair que les prosyriens ont pour mot d'ordre d'obtenir un nouvel accord genre Doha avant de former le gouvernement. Le scénario prévoirait de déclencher, en chapelet, une crise ministérielle, une crise de pouvoir puis une crise de système si flagrante qu'il en faudrait un nouveau. On peut se rappeler incidemment qu'après les élections, les Syriens avaient laissé entendre, à travers leurs médias comme par le truchement de certains de leurs suppôts locaux, que les Libanais feraient bien de se réunir à Damas, au besoin en présence des Saoudiens, pour une sorte de Taëf bis. Et les Libanais loyalistes avaient répondu qu'il n'y avait aucune raison de se rencontrer ailleurs, surtout maintenant que la Chambre est rouverte. C'est donc cette sorte de salade que les prosyriens ressortent aujourd'hui du frigo.
Cependant, il est évident que le conflit porte essentiellement aujourd'hui justement sur l'essentiel : quel Liban voulons-nous, donc quel régime politique, deux visions inconciliables s'affrontant. La lice devant être la déclaration ministérielle, traduction du programme du gouvernement à venir, donc de sa ligne.

Déliquescence
L'empoignade sur les principes et les constantes produit une désagrégation de la praxis constitutionnelle et des institutions. Il faut donc voir si on doit continuer avec Taëf ou si l'on peut trouver autre chose. Mais quoi, qui ne ferait pas passer le Liban de la démocratie parlementaire au totalitarisme ou à l'éclatement ?
Retour aux péripéties ministérielles. Les loyalistes se tournent vers le Hezbollah, qui domine l'opposition de la tête et des épaules, pour lui demander pourquoi, du moment qu'il se dit pressé, ne porte-t-il par Michel Aoun à composition. Le Hezb ne s'en est pas toujours lavé les mains : c'est son intervention qui a permis de gommer, précédemment, le tiers de blocage et la proportionnelle, obstacles majeurs, pour arriver à la 15-10-5. Pour les loyalistes, ou bien l'opposition est maintenant divisée ou bien ses composantes se répartissent savamment les rôles. Le Hezbollah se tient à carreau, tout en appelant à une formation rapide du gouvernement, le président Nabih Berry observe le jeûne oral jusqu'au dénouement et ces deux réservés lancent à l'assaut le réserviste qui n'appartient pas au 8 Mars. Ce qui fait que l'on ne peut pas accuser Damas, dont il est théoriquement moins proche que le 8 Mars, d'être derrière son action. Les majoritaires sourient, un peu jaune, devant le culot des prosyriens qui crient sur les toits, en même temps que Aoun clame ses conditions de barrage, que c'est la majorité qui empêche la formation du gouvernement. Ils ajoutent que Joumblatt reste définitivement dans la majorité, et précise que ses trois ministres seront à mettre au compte de Hariri en personne.
Cependant, il faut le reconnaître, l'opposition pose à Saad Hariri quelques questions pertinentes. Pourquoi, à ce jour, après deux bons mois de déchiffrage, n'a-t-il encore proposé aucune formule qui tienne la route, notamment au Bloc du changement et de la réforme ? Pourquoi ne divulgue-t-il pas franchement quels sont les critères qu'il retient pour le choix des ministres ? Pourquoi laisse-t-il courir des bruits sur son refus présumé de coopter des battus aux élections, sans les confirmer ni les infirmer ? Pourquoi laisse-t-il les haririens accuser l'opposition, et plus précisément le général Aoun, d'entraver la formation du gouvernement, sans les approuver ni les désavouer ?

Précision
Les membres du bloc Liban d'abord répondent qu'il ne faut pas se détourner du vrai problème : le respect de la Constitution, des institutions et du régime politique choisi pour le Liban. Pour eux, l'obstacle c'est que certains veulent ligoter le Premier ministre désigné et le chef de l'État en leur arrachant le droit, et le pouvoir, de sélectionner les ministres. En affirmant que chaque partie peut s'autoriser à nommer elle-même ses représentants au sein du gouvernement. Et même, qu'elle peut choisir les portefeuilles, les départements ministériels, devant lui revenir. Une double aberration constitutionnelle qui réduit à néant le rôle des deux présidents. Au-delà de l'argument juridique, les loyalistes soulignent que le président du Conseil, et le pays, ont besoin, en pratique, d'une équipe sinon homogène du moins assez harmonisée pour être productive, non d'un cabinet de pugilistes. C'est pourquoi il faut que le Premier ministre désigné puisse faire librement son choix de ministres.
Toujours est-il, et c'est une redite qui ne peut rien avoir d'inédit au Liban, c'est au-dehors que le gouvernement libanais se fait, et c'est au-dehors qu'il est peut-être en train d'avorter. C'est ce que souligne un ancien ministre, qui y trouve confirmation dans le dernier discours de sayyed Hassan Nasrallah qui a tellement mis l'accent sur le volet extérieur et sur les développements régionaux. Cet ancien ministre ajoute que le conflit porte sur l'action du prochain gouvernement. Devra-t-il couvrir le Hezbollah et ce qu'il ferait au Sud, ou s'atteler à l'émergence d'un État de droit souverain, comme le veut le président Michel Sleiman, en soutenant la 1701 ? La personnalité citée garde cependant l'espoir, en affirmant que l'on peut tout résoudre à la table de dialogue national. De façon, par exemple, que l'armement du Hezbollah soit placé sous l'ombrelle de la légalité, seule maîtresse de la décision de guerre et de paix. On peut toujours rêver, mais même dans ce cas, qu'en est-il des bases armées palestiniennes hors camps, toutes d'obédience syrienne ?
Mais à faire cesser les attaques de ses députés contre sa personne, sans quoi il leur riposterait du tac au tac. Il s'y est tout de suite mis, du reste, dans sa conférence de presse brûlot d'hier. Il a tiré à boulets rouges sur les loyalistes, sans épargner le chef de l'État. Avec un sens appuyé du coq à...