Rechercher
Rechercher

Europa Jaratouna: l'action de l'Europe dans 8 pays sud-méditerranéens - Recherche

Les Palestiniens engagés dans la révolution biotechnologique

L'unité polytechnique de Hébron accueille désormais une unité de recherche et de formation en biotechnologie.
Les Palestiniens n'attendront pas leur État pour prendre une place dans la révolution biotechnologique. Avec l'aide de l'Union européenne (UE), deux jeunes chercheurs ont récemment ouvert à Hébron une unité de recherche et de formation destinée à introduire dans les territoires occupés cette nouvelle discipline qui bouleverse les pratiques médicales et agricoles à l'échelle mondiale. « La biotechnologie est l'une des plus importantes révolutions scientifiques des deux dernières décennies », affirme Yaqoub Alashab, le directeur, expert en génétique moléculaire.
L'unité, qui est implantée au sein de l'Université polytechnique de Hébron, est composée de trois laboratoires dédiés à l'extraction d'ADN, aux manipulations de tissus végétaux et aux expériences sur les cellules humaines. Elle accueille une vingtaine d'étudiants de Masters, en partenariat avec l'Université de Bethléem, et organise également des sessions de formation pour des professionnels du domaine de la santé et de l'agriculture. L'achat du matériel a été financé à hauteur de 250 000 dollars par l'Union européenne, dans le cadre du Tertiary Education Project (TEP), un programme de coopération mené conjointement avec la Banque mondiale, qui vise à répondre aux besoins des pays riverains de l'UE en matière d'enseignement supérieur. « Les objectifs des donateurs pèsent souvent très lourd dans les choix de financement, dit Judith Johannes, responsable du dossier éducation au bureau de la Commission européenne à Jérusalem. Ici, le mécanisme est inversé. » Le fonds de soutien « Quality Improvement und » est en effet entièrement géré par les autorités palestiniennes qui, néanmoins, appliquent les procédures très strictes de la Banque mondiale pour tout ce qui a rapport aux procédures de passation de marchés, selon la délégation de la Commission européenne à Jérusalem. Le ministère de l'Éducation, et non l'Union européenne ou la Banque mondiale, définit les priorités, lance des appels à propositions et sélectionne les projets. Les universités, elles, développent les projets.
Le dossier de Yaqoub Alashab et de son adjoint Rami Arafeh, docteur en biologie, a été retenu avec une quarantaine d'autres. Après quelques mois de concertation avec l'équipe de la Commission, les microscopes, incubateurs, centrifugeuses et autre amplificateurs d'ADN ont été acheminés à l'Université polytechnique. Pour la chambre froide, il a fallu patienter un peu plus, le temps que les douanes israéliennes au port d'Ashdod, souvent tatillonnes pour tout ce qui est destiné aux territoires occupés, consentent à la laisser passer.
L'unité de biotechnologie a très vite trouvé son public, en recrutant une quarantaine d'étudiants, avides de mettre leurs travaux au service de la société palestinienne. « Ils ne sont pas là pour étudier la Lune ou la forêt brésilienne, sourit Rami Arafeh. Je veille à ce que leurs recherches aient des débouchés pratiques autant que possible. »
L'une de ces recrues, Mohammad Kabaja, espère isoler le gène d'un virus qui pullule dans les élevages de poulets de la région de Hébron. Une autre, Ghada Abu Khalaf, planche sur les plantes médicinales des collines de Cisjordanie. « La médecine populaire palestinienne les a beaucoup utilisées dans le passé, dit-elle. On en recense une vingtaine d'espèces différentes. On dit qu'elles permettraient de traiter le cancer, mais personne n'a jamais étudié sérieusement leurs propriétés. » Dans une coupelle en plastique, une cellule de sein atteint par le cancer a été recueillie. « Je vais tester mes plantes dessus, dit Ghada. Je ne prétends évidemment pas éradiquer le cancer. Mais il est important d'essayer nos plantes. »
Une autre vocation de l'Unité biotechnologique de Hébron est de servir de banque de graines. Thym, basilic, chou-fleur, courgette, fèves... Une trentaine de semences différentes, originaires des campagnes hébronites, sont conservées dans des sachets en plastique. Certaines de ces cultures sont déjà menacées de disparition, comme le sésame « qui n'est plus produit que par un seul paysan », précise Rami Arafeh. D'autres le seront peut-être à l'avenir. « Nous avons un tout petit pays, qui est verrouillé par les Israéliens, dit le docteur Arafeh. Nous avons tendance à épuiser très vite nos ressources naturelles. C'est pour cela qu'il est important que nous étudions le clonage de ces plantes. »
À moyen terme, l'Unité biotechnologique de Hébron espère monnayer ses compétences auprès du secteur privé. C'est-à-dire récupérer les contrats de recherche qui sont pour l'instant confiés aux laboratoires israéliens. « Nous en sommes encore loin, reconnaît Rami Arafeh. Nous n'avons pas assez de machines et de connaissances. » Un problème crucial est le manque de formation doctorale qui freine le développement d'une véritable expertise. « La seule université dans les territoires occupés à délivrer un doctorat, c'est celle de Naplouse, en chimie », dit Judith Johannes. L'aide de l'Europe au système éducatif palestinien a encore de beaux jours devant elle.
* Europa jaratouna est un projet médiatique initié par le consortium, L'Orient-Le Jour, al-Hayat, LBCI, et élaboré avec l'aide de l'Union européenne. Il traite des actions de l'UE dans 8 pays du sud de la Méditerranée. Pour en savoir plus, visitez le site www.eurojar.org. Le contenu de cette publication relève de la seule responsabilité de L'Orient-Le Jour et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue de l'Union européenne.
Les Palestiniens n'attendront pas leur État pour prendre une place dans la révolution biotechnologique. Avec l'aide de l'Union européenne (UE), deux jeunes chercheurs ont récemment ouvert à Hébron une unité de recherche et de formation destinée à introduire dans les territoires occupés cette nouvelle discipline qui bouleverse...