Mais en évoquant la troïka, Walid Joumblatt ne parlait pas seulement du partage interne du pouvoir. Avec son flair politique, il pensait aussi au retour de la troïka internationale qui avait permis la naissance de l'accord de Taëf : la Syrie, l'Arabie saoudite et les États-Unis. Lorsque ces trois pays influents au Liban sont en période d'entente, ou au moins de dialogue, la situation interne devient plus calme, et vice versa. Lorsqu'ils sont en pleine négociation, c'est au Liban que se font sentir les tiraillements, et lorsqu'ils sont en conflit ouvert, les divisions augmentent entre les différents courants libanais.
Selon des sources proches de la Syrie, les relations actuelles entre ces trois capitales se sont améliorées, mais elles n'ont pas encore atteint le stade des ententes. Ces sources affirment que la Syrie serait soulagée parce que l'opposition au Liban n'a pas remporté les élections législatives. Si celle-ci était devenue la majorité, l'Occident aurait rendu la Syrie responsable de ses moindres actes, alors qu'aujourd'hui, on a besoin d'elle pour amadouer l'opposition. De plus, une victoire de l'opposition libanaise aurait renforcé la position de l'Iran, ce que la Syrie ne verrait pas d'un très bon œil. Selon les mêmes sources, sa non-intervention dans les législatives libanaises a donc consolidé la position de la Syrie par rapport à l'Occident, lequel n'a cessé de lui lancer des signaux positifs depuis quelques semaines, notamment l'annonce du retour imminent de l'ambassadeur américain à Damas. Mais la Syrie sait aussi que ces avances occidentales et arabes visent surtout à l'éloigner de l'Iran pour en quelque sorte la ramener dans le giron arabe. Or en dépit de certaines divergences avec la République iranienne, la Syrie n'a pas l'intention de remettre en cause son alliance stratégique avec ce pays. Elle cherche simplement à s'imposer comme un interlocuteur incontournable dans les grands dossiers qui se posent dans la région et elle a établi des relations solides avec l'autre puissance régionale qu'est la Turquie, tout en renforçant ses liens avec la Grèce et avec l'Union européenne en général. Toutefois, la partie n'est pas encore jouée, et les informations en provenance de Damas font état de divergences entre la Syrie et l'Arabie saoudite sur le dossier libanais au cours des derniers entretiens du fils du roi, l'émir Abdel Aziz, avec les dirigeants syriens. Les contacts devraient en tout cas se poursuivre... au même rythme que les tractations pour la formation du nouveau gouvernement au Liban.
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