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Nos Lecteurs ont la Parole

Lecture pragmatique des élections dans les rapports internationaux

Par Fady FADEL
Vu l'intérêt pour la situation libanaise à l'échelle régionale, et sur le plan de la paix et de la sécurité internationales, telle que qualifiée dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité (1701, 1680, 1757, etc.), il va de soi que les rapports d'application de ces documents internationaux abordent la prochaine échéance des élections législatives avec attention et dans une perspective pragmatique.
En effet, à la lecture des derniers rapports d'application des deux résolutions onusiennes 1559 et 1701 (S/2009/218 et S/2009/119), force est de constater que le secrétaire général de l'ONU se préoccupe de l'application de ces résolutions en abordant, entre autres, les élections parlementaires du 7 juin 2009. Quel rapport existe-t-il entre ces résolutions et l'échéance « nationale » ? Quelle est l'implication directe du processus électoral dans l'application des résolutions onusiennes pertinentes ? Quelle serait la crainte de la communauté internationale vis-à-vis du résultat du scrutin ?
Autant de questionnements qui interpellent l'analyste en premier lieu et les Libanais en second lieu - dirigeants et population - afin de comprendre le message transmis par les autorités onusiennes ou au moins tirer les leçons du passé.

Renforcement de la stabilité nationale
Dans le rapport du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, relatif à l'application de la résolution 1559, il est rappelé que  l'objectif dudit document est « de renforcer la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance politique du Liban » (1). Il ajoute que des facteurs déterminants ayant rapport au monopole de la force entre les mains de l'État libanais « constituent un élément nécessaire pour la consolidation complète du Liban en tant qu'État souverain et démocratique » (2). Ce rapprochement entre la souveraineté et la démocratie constitue un élément-clé ayant permis au secrétariat général de l'ONU d'aborder cette échéance proprement nationale.
En effet, tant la résolution 1559 que la résolution 1701 tendent à renforcer en premier lieu « le caractère du Liban en tant qu'État » (3) et, en second lieu, que cet État soit « fort pour tous les Libanais » (4). En droit international, si la caractéristique, de fait et de droit, d'un État est qu'il soit souverain et indépendant, sa légitimité au sein de la communauté internationale tient à la dimension démocratique dans son système interne. Cela permet d'asseoir ces caractéristiques ontologiques de droit international sur des bases solides et cohérentes, bien accueillies nationalement et bien défendues par la suite. On ne saura désormais séparer le processus électoral démocratique de la souveraineté nationale, laquelle est consolidée depuis 2004 par l'appui de la communauté internationale, que ce soit à travers la mission de la Finul (assistant les autorités nationales au Liban-Sud, cf. résolution 1701) ou à travers la protection du Liban des ingérences étrangères chaotiques (cf. résolution 1559).
Par ailleurs, l'autre maillon qui relie la boucle de la souveraineté et de l'indépendance à la boucle de la démocratie est le renforcement de la stabilité au Liban. Ce concept de stabilité figure 17 fois dans le rapport relatif à l'application de la résolution 1559 et au moins sept fois dans le rapport concernant l'application de la résolution 1701. Le nouveau mot d'ordre de la communauté internationale est désormais la consolidation de la stabilité au Liban dans le sillage du renforcement de la stabilité régionale.
En effet, si la situation au Liban constitue un facteur capital et essentiel « pour la paix et la stabilité régionales » (5), il n'en demeure pas moins que « l'évolution positive de la situation régionale a un impact déterminant sur la stabilité du pays » (6). Ce va-et-vient entre la situation régionale et la situation libanaise trouve son sens dans le principe de stabilité, qui est devenu l'autre nom de « la paix juste et durable », vu la conjoncture politique régionale actuellement défavorable, ou inopportune pour le moins qu'on puisse dire, pour atteindre cet objectif ultime.
Les deux rapports en question exhortent les acteurs politiques libanais à ne pas mettre en péril ce facteur déterminant de stabilité, fruit d'un compromis régional, voire international, en veillant « à ce que les élections se déroulent librement et régulièrement, sans violence, ni manœuvre d'intimidation ou d'incitation » (7), d'une part, et « à s'efforcer de garantir un climat politique et sécuritaire favorable à la tenue pacifique des élections parlementaires, sans violence, ni propos incendiaires », et « à veiller à ce que des intérêts électoraux à courte vue ne fassent pas dérailler le processus (de renforcer le caractère d'État pour le Liban) » (8), d'autre part.
Or, ce qui frappe le lecteur en examinant le rapport concernant l'application de la résolution 1559, c'est l'appel à renforcer le statu quo institutionnel et constitutionnel dans le système actuel, loin d'éventuelles perspectives de réforme constitutionnelle pouvant mettre en danger la sécurité et la stabilité du pays, sans oublier cet impact à l'échelle régionale : « Il est par conséquent impératif que le Liban préserve son cadre politique global de coexistence - tel qu'il a été défini dans l'accord de Taëf - dans un climat exempt d'intimidation. » (9)
Est-ce que l'on assiste à un nouveau compromis international renforçant l'accord de Taëf ainsi que la Constitution de la IIe République ? Ou bien le message des autorités onusiennes va-t-il au-delà du contexte libanais ?

Les leçons à tirer du message onusien
Contrairement à la situation en Palestine et en Israël, l'action de l'ONU dans le cas du Liban, notamment à partir de 2004, jouit d'une efficacité accrue et d'un bilan qui redonnent une crédibilité importante aux résolutions onusiennes (retrait des troupes syriennes et consolidation de la souveraineté libanaise (1559), renforcement de la mission de la Finul, et règlement pacifique des différends avec Israël et avec la Syrie (1701), entrée en vigueur de l'accord relatif au Tribunal spécial pour le Liban (1757).
Dans ce sillage, l'on ne peut passer sous silence les messages, ainsi que les qualifications du contexte et de la situation au Liban dans les rapports du secrétariat général de l'ONU. Par conséquent, l'appel au respect de l'instauration de la stabilité dans le pays et à son renforcement vaut un avertissement pour quiconque menace cette stabilité et cet équilibre entre les forces et factions nationales et régionales. En effet, si la situation au Liban a été déjà qualifiée à plusieurs reprises par le Conseil de sécurité comme étant une menace à la paix et à la sécurité internationales (cf. résolutions 1595, 1701, 1757, etc.), on a réussi à estomper cette menace par un compromis entre les puissances régionales - Syrie, Arabie saoudite, Iran, Égypte, Qatar - et internationales - États-Unis d'Amérique, France, Grande-Bretagne et Italie -, en vue de consolider un statu quo sécuritaire dans le pays et dans la région, en attendant une solution durable du conflit israélo-arabe (en guise d'exemple, l'accord de Doha en mai 2008).
C'est pourquoi, dans le contexte actuel de la conjoncture régionale, les promesses électorales, de part et d'autre, ne peuvent pas aller très loin dans les pseudoréformes non consensuelles et dans le gouvernement du pays selon la norme systémique en sciences politiques (la majorité qui gouverne et la minorité qui s'oppose). Les dirigeants politiques au Liban sont appelés à se préparer à un compromis après le 7 juin, dont le but ultime est de renforcer la stabilité politique du Liban, loin des provocations et des intimidations des groupes et de la population. Il semble que la communauté internationale relativise désormais le résultat des élections pour voir les acteurs politiques libanais rassemblés autour d'un projet qui stabilisera encore et encore le Liban.
Mais aussi, les pays contributeurs dans la Finul exhortent et exhorteront ces acteurs, à travers le secrétariat général de l'ONU, à renforcer tous les facteurs permettant de consolider la sécurité et la stabilité au Liban, de peur que leurs contingents nationaux ne soient mis en danger. Ne rappelle-t-on pas à chaque occasion et dans les rapports internationaux que la sécurité du personnel de la Finul est une priorité ? (10)
En consacrant la stabilité comme étant le nouveau principe directeur de l'action diplomatique, tant au niveau bilatéral qu'au niveau multilatéral, la communauté internationale appelle les acteurs locaux au Moyen-Orient à répondre favorablement à cette nouvelle donne afin de préserver d'éventuelles chances à un nouveau compromis, voire à une solution, qui soit plus durable au niveau régional. D'ici là, tout discours qui sortirait de cette partition musicale internationale, dont le point d'orgue est la stabilité, relève de la démagogie ou de la non-reconnaissance de la nouvelle mouvance régionale depuis Doha 2008.

Fady FADEL
Professeur de droit
international
Vice-recteur et secrétaire général
de l'Université antonine

(1) Neuvième rapport du secrétaire général de l'ONU sur l'application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité, S/2009/218, paragraphe 1.
(2) Op. cit. paragraphe 48.
(3) Op. cit. paragraphe 52.
(4) Op. cit. paragraphe 45.
(5) Op. cit. paragraphes 27, 43 et 44.
(6) Op. cit. paragraphes 6, 16 et 26.
(7) Neuvième rapport du secrétaire général relatif à l'application de la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité, S/2009/119, paragraphe 75.
(8) S/2009/218, paragraphes 29 et 52.
(9) Op. cit. paragraphe 56.
(10) S/2008/425, S/2008/715, S/2009/119, etc.
Vu l'intérêt pour la situation libanaise à l'échelle régionale, et sur le plan de la paix et de la sécurité internationales, telle que qualifiée dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité (1701, 1680, 1757, etc.), il va de soi que les rapports d'application de ces documents internationaux abordent...

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