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Liban - Nationalités

La citoyenneté canadienne n’est plus gagnée d’avance

Les Canadiens ne peuvent plus transmettre indéfiniment leur citoyenneté aux générations successives nées à l'étranger. Selon une loi entrée en vigueur en avril, les enfants de la seconde génération devront justifier de liens directs avec le territoire canadien pour en devenir citoyens. La communauté libano-canadienne est une des premières touchées par cette nouvelle règle.
Âgée de 21 ans, Sabine n'a jamais posé les pieds au Canada. Elle est née au Liban, y a grandi et y a commencé ses études. C'est aussi là qu'elle envisage de travailler et de fonder sa famille, mais elle souhaite d'abord vivre quelques années en Europe pour aller dans une bonne université et voir du pays. Mais le Canada n'est pas sur sa liste de vœux : « Je ne voudrais pas être aussi loin de ma famille, qui est au Liban, explique-t-elle. Et je pense qu'il fait trop froid pour moi là-bas ! » Elle ne sait d'ailleurs pas grand-chose sur ce pays : il suffit de lui poser quelques questions pour s'en rendre compte. Elle soutient que sa capitale est Montréal, ne sait pas où se trouve le Québec et ne s'étonne pas lorsqu'on lui parle du président de la République canadienne.
Pourtant, Sabine est canadienne. Son père ayant fait ses études et travaillé quelques années à Montréal, il a obtenu la « citoyenneté » (qui, en français canadien, désigne la nationalité) et a pu la transmettre à ses enfants, nés quelques années après son retour au Liban. Sabine est ainsi titulaire d'un passeport canadien et bénéficie de tous les avantages accordés aux Canadiens vivant à l'étranger, notamment en terme d'assurance-santé. En cas de conflit armé au Liban, elle sait qu'elle bénéficiera d'un programme d'évacuation pour quitter le territoire.

Une clé magique
« Cette citoyenneté est très pratique, explique-t-elle en demandant que son vrai nom ne soit pas publié. Les autres Libanais doivent demander des visas et se mettre en quatre pour pouvoir aller en Europe ou ailleurs, tandis que moi, je passe les frontières tranquillement. C'est sans parler des avantages au niveau des assurances, des retraites, etc. Je suis 100 % gagnante. » Rami, un autre de ces Canadiens du Liban, n'hésite pas à dénoncer les désagréments auxquels il échappe grâce à sa citoyenneté : « À l'étranger, dit-il, les Libanais sont souvent perçus comme des terroristes. Et au Liban, ils sont pris en otages par les dirigeants politiques, qui peuvent mettre le feu au pays du jour au lendemain. Mon passeport canadien est comme une clé magique qui me permet d'échapper à tout ça, et je sais que je suis un privilégié. »
À Ottawa, on ne se réjouit pas de voir la feuille d'érable rouge se transformer en produit de luxe, utilisée par des Canadiens qui ne connaissent de leur citoyenneté que les avantages administratifs. Un mouvement s'est développé pendant plusieurs années dans les milieux conservateurs pour critiquer les failles de la loi et demander une plus grande fermeté dans l'attribution de la citoyenneté canadienne. De nombreuses voix se sont élevées, notamment pour condamner le principe de double nationalité, qui permet selon ses détracteurs de profiter des avantages de chacun des pays concernés en échappant à des devoirs citoyens plus contraignants.

Une loi pour répondre aux critiques
Ce mouvement a culminé en 2006, après l'évacuation coûteuse de milliers de Canadiens pris au piège de la guerre. Aux critiques des conservateurs, les plus libéraux ont répondu en rappelant l'importance du rôle joué par la communauté d'origine libanaise dans la vie économique et culturelle du Canada, dès les premières années de l'histoire du pays et jusqu'à nos jours. Ils mettent également en avant le multiculturalisme et le rayonnement international rendu possible par ces citoyens vivant à l'étranger.
En avril de cette année, l'entrée en vigueur d'un projet de loi modifiant la loi sur la citoyenneté est venu calmer les critiques. Désormais, à quelques exceptions près, la transmission de la nationalité par filiation est limitée à la première génération née à l'étranger. Cela signifie que pour obtenir la citoyenneté canadienne, un enfant né à l'étranger devra forcément avoir un parent né au Canada ou devenu citoyen après y avoir immigré. Si c'est son grand-père ou sa grand-mère qui sont nés au Canada ou qui y ont immigré, l'enfant né à l'étranger ne bénéficiera plus automatiquement de la citoyenneté.
Ainsi, les enfants de Sabine n'obtiendront automatiquement la citoyenneté que s'ils naissent sur le territoire canadien, ou si leur autre parent est devenu canadien en naissant ou en immigrant lui-même sur le territoire. Cette nouvelle réglementation (qui peut également toucher les enfants adoptés par des Canadiens à l'étranger) met fin à la transmission de la citoyenneté à toutes les générations nées à l'étranger, dans le but déclaré de « préserver la valeur de la citoyenneté canadienne à l'avenir ».

Des procédures plus compliquées
Il sera toujours possible pour la jeune femme de présenter une demande de parrainage pour ses enfants nés à l'étranger afin qu'ils puissent immigrer au Canada en tant que résidents permanents (si elle décide elle-même d'y résider). S'ils obtiennent la résidence permanente, ils pourront facilement accéder à la citoyenneté. Ces nouvelles mesures rendent un peu plus compliquées les procédures administratives pour les familles canadiennes qui vivent à l'étranger, certaines contestant la valeur citoyenne du « droit du sol », par exemple pour les enfants nés lors d'un court séjour à l'étranger.
Le gouvernement canadien assure que ces nouvelles mesures vont permettre de sauver l'identité du pays dans toute sa diversité culturelle, à condition que celle-ci ait lieu sur le territoire national. Certains Canadiens du Liban ont manifesté leur mécontentement, mais pour Sabine, la décision est compréhensible : elle sait que ses liens avec le Canada sont très faibles. « Je suis canadienne parce que mon père l'est devenu, mais si je n'habite pas là-bas, il n'y a pas vraiment de raison pour que ma famille garde cette nationalité. Après tout, je finirais peut-être dans un autre pays : la France, les États-Unis, l'Australie. » Elle conclut avec un sourire : « Nous, les Libanais, nous n'arrêtons pas de bouger, et nous savons nous adapter très facilement à tous les pays où nous atterrissons. »
Plusieurs dizaines de milliers de Libanais sont titulaires d'une seconde nationalité, souvent européenne ou nord-américaine. Beaucoup d'entre eux la possèdent par filiation ou par mariage, sans beaucoup de liens concrets avec le pays concerné. La nationalité française, par exemple, est automatiquement transmise aux enfants des Français nés à l'étranger.
Âgée de 21 ans, Sabine n'a jamais posé les pieds au Canada. Elle est née au Liban, y a grandi et y a commencé ses études. C'est aussi là qu'elle envisage de travailler et de fonder sa famille, mais elle souhaite d'abord vivre quelques années en Europe pour aller dans une bonne université et voir du pays. Mais le Canada n'est pas sur sa...
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