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Législatives : juin 2009 - Pour aller plus loin - Éclairage

L’après-7 juin, beaucoup de questions, peu de réponses…

Si le train des élections est en marche, et les campagnes désormais plus claires, c'est l'après-7 juin qui occupe les analystes. Selon des sources concordantes, deux grands problèmes se poseront après l'opération électorale : la relation entre le président de la République et le général Michel Aoun, et les conséquences de la rivalité entre Nabih Berry et le même général Aoun sur le repositionnement politique général.
Dans le premier dossier, le président Sleiman et le chef du CPL cherchent actuellement à sauver les apparences et se gardent bien de s'adresser directement la moindre critique. Mais depuis le refus du général Aoun de prendre l'ex-conseiller du chef de l'État, Nazem Khoury, sur sa liste à Jbeil, ce dernier préférant rester dans le centre présidentiel, la tension est latente entre les deux pôles. Des sources proches du président reprochent ouvertement au chef du CPL ce refus, estimant qu'il aurait pu et dû faire cette concession au chef de l'État, dans sa propre région. Les proches de Aoun estiment, de leur côté, qu'avec la campagne féroce menée contre lui, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur, et après l'expérience négative avec l'ancien vice-président du Conseil Michel Murr, le chef du CPL ne peut se permettre de prendre sur ses listes des candidats qui pourraient se retourner contre lui ou en tout cas ne pas lui être acquis, revenant à la fameuse expression selon laquelle le CPL n'est pas un taxi qui emmène les clients à destination, laissant chacun suivre ensuite son chemin. Aujourd'hui, les dés sont jetés. Le candidat Nazem Khoury se garde bien de prendre parti pour un camp ou pour l'autre.
Les urnes détermineront le vainqueur, mais la relation entre Sleiman et Aoun reste complexe. Selon tous les pronostics, plusieurs candidats, s'ils ont la chance d'être élus, comptent se rallier au président de la République après le 7 juin. On parle ainsi d'un repositionnement du bloc Kataëb, et peut-être même d'autres chrétiens, préférant se placer sous la bannière présidentielle pour mieux affronter le bloc Aoun, qui devrait regrouper une vingtaine de sièges au minimum (une trentaine, selon le chef du CPL). Dans ces conditions, le président se retrouverait bon gré, mal gré dans une situation de rivalité avec Aoun. En principe, les deux hommes pourront avoir des rôles complémentaires, s'ils savent gérer leur relation. C'est là donc un des défis à relever après le 7 juin.
Le second dossier est lié au premier. Selon des sources de l'opposition, la rencontre tripartite Aoun-Nasrallah-Berry a permis d'aboutir à une entente électorale entre les trois chefs de file. Autrement dit, la bataille de Jezzine ne devrait pas avoir de répercussions sur les autres circonscriptions, notamment, sur les voix chiites de Berry à Jbeil et à Baabda, qui devraient continuer à être données à la liste de l'opposition dirigée par Aoun. Le Hezbollah, lui, qui est le plus dérangé par la bataille de Jezzine et qui a déployé d'énormes efforts pour éviter la cassure entre Berry et Aoun, affirme vouloir adopter une neutralité totale à Jezzine, laissant ses partisans libres de choisir leurs candidats. Mais c'est l'après-7 juin qui soulève de nombreuses interrogations. Selon des candidats dits indépendants, Berry compterait se rapprocher du président Sleiman après les élections, avec son « ami » Walid Joumblatt. Avec leurs deux blocs, et les chrétiens ralliés sous la bannière présidentielle, ils formeraient un groupe centriste qui permettrait de dépasser le partage actuel des portefeuilles au sein du prochain gouvernement. Cette démarche aurait l'aval de la communauté internationale, inquiète d'une victoire électorale éventuelle de l'alliance Aoun-Hezbollah. Il s'agirait donc de renforcer le rôle du chef de l'État, tout en affaiblissant celui de l'opposition et en atténuant le clivage actuel. Berry ne cache d'ailleurs pas son rapprochement avec Joumblatt et le président, mais il ajoute qu'il n'a nullement l'intention de briser ses alliances actuelles. À cause de son ambiguïté, cette position entraîne une question vitale : Berry compte-t-il se rapprocher de ce nouvel axe centriste avec l'accord du Hezbollah ? Les candidats centristes affirment que oui, arguant du fait que le Hezbollah ne tient pas à prendre le pouvoir si, avec ses alliés, il obtient la majorité au Parlement, parce que cela le pousserait à l'avant de la scène politique, l'obligeant à entrer totalement dans le jeu interne et le contraignant à respecter les engagements de l'État dans l'exécution des résolutions internationales. Selon ces candidats « indépendants », le Hezbollah préférerait rester à l'écart et se consacrer à la résistance, et il accueillerait avec bienveillance la nouvelle position de Berry. Mais si, au contraire, se sentant menacé, il souhaiterait mettre à profit son éventuelle victoire électorale pour couper court à toute tentative de le marginaliser ou de le désarmer, que devient le nouveau positionnement de Berry ? Ce dernier pourrait-il le réaliser sans l'accord du Hezbollah ? Dans ce cas, celui-ci pourrait réclamer un portefeuille ministériel pour l'ancien directeur de la Sûreté générale, Jamil Sayyed, au grand dam de Berry, qui, d'ailleurs, n'a pas vu d'un bon œil la façon dont son allié a entouré le général libéré, comme s'il le destinait à un rôle politique... Jusqu'où peuvent aller les tiraillements au sein de l'opposition actuelle, sachant que la décision de s'allier à Berry est une question stratégique pour le Hezbollah, qui tient à préserver l'unité de la communauté chiite ? Ces questions sont encore sans réponses, et la grande inconnue est la position de la Syrie qui conserve une certaine influence sur les deux parties chiites. Souhaite-t-elle renforcer la position du président en encourageant Berry à se rapprocher de lui ? Préfère-t-elle rester à l'écart, poursuivant son ouverture sur la communauté internationale, ou au contraire continue-t-elle à appuyer le schéma politique actuel aux côtés de l'opposition ?
Il faudra sans doute attendre l'après-7 juin pour obtenir des réponses précises, et les contours de la prochaine étape restent encore flous.

Dans le premier dossier, le président Sleiman et le chef du CPL cherchent actuellement à sauver les apparences et se gardent bien de s'adresser directement la moindre critique. Mais depuis le refus du général Aoun de prendre l'ex-conseiller du chef de l'État, Nazem Khoury, sur sa liste à Jbeil, ce dernier préférant rester dans le centre...