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Nos Lecteurs ont la Parole

Pensées et arrière-pensées : mythes et défis d’une résurrection

Par Paul Ph. EDDÉ
Décidément notre classe politique ne se grandit pas. Elle se déchire dans le médiocre. Éternelle comédie du mal libanais. Bilan amer d'une génération qui avait cru pouvoir changer la donne et construire la démocratie. Certes il y eut à un certain moment une révolution populaire de la pensée, hélas restée inachevée. L'histoire des peuples a une grammaire qui ne souffre guère d'exceptions.
Un bref retour sur la trajectoire du Hezbollah - déclarant poings levés, dans un déchaînement de mantras, son allégeance à l'Iran et sa fascination pour la violence - reste indispensable pour une prise de conscience déterminante. Il n'est pas inutile de rappeler les paroles de Hassan Nasrallah lors de l'anniversaire de la première « victoire divine » le 14 août 2007 rappelant (« al-Waad al-Sadiq ») : « Quelle est la force en nous ? Quel est le secret du Hezbollah ? La puissance est dans l'obéissance à la wilaya de Khamenei. Le secret de notre force, de notre croissance, de notre unité, de notre lutte et de notre martyre est dans la « wilayat al-faqih », la moelle épinière du Hezbollah. » La doctrine de la wilayat al-faqih et la centralité de l'Iran où le chiisme est la religion d'État sont intégrées à la Constitution de la République islamique. Une éminente figure contribue à l'expansion continue du Hezbollah : Mohammad Hussein Fadlallah, le grand guide murchid et le grand savant 'âlim, appuyé constamment par l'hebdomadaire al-Ahd édité et largement diffusé au Liban. L'idéologie du Hezbollah repose ainsi sur la doctrine de la « guidance du théologien-juriste » élaborée par l'ayatollah Khamenei, en contradiction avec le fait que le Liban n'est pas un État islamique et que sa société est multifonctionnelle. Cela pose très certainement problème. Cependant nous nous devons de souligner que ce n'est pas l'islam authentique (sunnite et chiite) qui est en cause. Un livre édifiant, Le silence de Mahomet (Salim Bachi-Gallimard), relève que le Prophète de l'islam sur son lit de mort, entrevoyant ce que certains feront un jour de son message, prédisait : « Ils prétendront des choses fausses sur ma vie. Ils dresseront le portrait d'un autre homme qu'ils nommeront Mohammad et qu'ils agiteront selon les circonstances. Ils justifieront ainsi leurs turpitudes et dissimuleront leurs faiblesses. Ils seront hors de la sphère de Dieu. » Aussi est-il indispensable de dénouer les liens de l'équivoque tissés depuis trop longtemps.
Arrêter la démagogie, c'est aussi ne pas occulter le folklore politique grégaire et dérisoire du général Aoun, prisonnier de sa mégalomanie et cautionnant un coup d'État rampant. Dans une transe équivalente du fol amour de soi, Néron aussi se prenait pour un poète et, mourant, s'écriait : « Quel artiste le monde perd avec moi. »
Le document d'entente (wathiqat al-tafahum) signé le 6 février 2006 par Michel Aoun et Hassan Nasrallah est un énième retournement d'alliance dont l'histoire libanaise est coutumière. Ce document résulte d'une convergence d'intérêts ponctuels et personnels. « L'ambition présidentielle d'un leader chrétien, séduit par le large électorat chiite, rencontre de ce fait le désir hégémonique d'un Hezbollah en quête de légitimité nationale et de soutiens parlementaires transcommunautaires », écrivait en mars 2008 Beltram Dumontier de l'Institut d'études politiques de Paris. La normalisation des rapports du Liban avec l'extérieur et les armes du Hezbollah restent porteuses d'ambiguïtés majeures qui semblent - avec le temps et les problèmes régionaux - s'amplifier dangereusement. Que ceux qui se sont donc fourvoyés sur les sentiers stériles de l'équivoque sachent qu'ils risquent d'encourir, pour leur panurgisme, le désamour ou l'approbre de tout un peuple, gavé jusqu'ici de slogans aussi mensongers que meurtriers. Triste pollution mentale !
Que faire alors pour un rétablissement salutaire ? Surtout ne pas se démobiliser, faire front contre le déni de démocratie et la négation de l'État de droit. Céder à la tentation de l'abstention, c'est se priver du droit de peser sur les choix essentiels de l'avenir.
Il est plus que souhaitable de s'arrimer à une politique de l'imagination qui consiste non pas à « prendre parti » mais à « prendre position ». Oublier nos doutes, tracer de nouvelles frontières entre le vrai et le faux. Chercher à nous reconstruire et dessiner le visage de « l'après ». Faire un acte fondateur.
Le 7 juin devra couronner notre combat solidaire contre toute forme de discrimination, y compris celle de l'intelligence. C'est le droit inaliénable d'être nous-mêmes qui est le plus précieux des droits de l'homme.
Décidément notre classe politique ne se grandit pas. Elle se déchire dans le médiocre. Éternelle comédie du mal libanais. Bilan amer d'une génération qui avait cru pouvoir changer la donne et construire la démocratie. Certes il y eut à un certain moment une révolution populaire de la pensée,...

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