Jean-Marie Riachi à contre-courant

Belaaks, esprit de contradiction, révolte, contestation ? Bien au contraire. Jean-Marie Riachi est un musicien qui manie les mélodies et les reprises des grands classiques de variété avec la douceur d'un professionnel qui surfe sur la vague Lounge Music. Une vague sensuelle, souvent instrumentale, légère, un zeste d'orientalisme coquin en plus, qui se laisse déguster comme un dessert, pour le plaisir. « Belaaks est une idée ancienne, précise le musicien, compositeur et producteur inspiré. Je voulais faire les choses différemment, créer un album en quatre langues où seraient conviés des musiciens internationaux et des artistes célèbres, chacun interprétant un classique dans des arrangements inattendus. » Ya habibi dans un style Broadway, Belaaks (Quizás) plus jazzy, un hymne à l'amour totalement oud et nay, un Fly Me to the Moon ou encore My Baby totalement violon,  féminisé comme le kôhl qui souligne le regard. Les voix de Yara, Ramy Ayash, Abir Nehmé, Aline Lahoud, Sévine, Simon Obeid, Laura Liis et Catia Werneck s'invitent sur des mélodies gaies et entraînantes. Le mélange, détonnant, mais savamment dosé, jongle avec les styles et les genres.

Une production pointue
Le voyage proposé par Jean-Marie Riachi à travers ces titres suit un itinéraire précis qu'il a choisi en fonction de ses goûts et de son expérience. Étudiant en musicologie à l'USEK, sa carrière a débuté avec Studio el-Fan. Son nom apparaît en 1999 lorsqu'il produit Baddi Doub de Élissa. «Je l'ai travaillé dans ma chambre!» souligne-t-il. Succès qui mènera la chanteuse et son producteur jusqu'au Midem à Cannes et qui sera suivi d'une demande des grands noms de la chanson orientale tels que Magida el-Roumi, Nawal el-Zoghbi, Assi Hallani, Ragheb Alamé, Latifa ou encore Carole Samaha. En 2001, il crée son studio Jean-Marie Riachi. Son rôle de producteur inclut des arrangements mais aussi, et c'est à ses yeux l'aspect le plus important, des orientations musicales nouvelles qu'il propose à l'artiste.
Cette musique orientale, parfois fusion, d'autres jazzy, qui correspond bien au Beyrouth by night, s'inspire de son autre métier, puisqu'il est, depuis de nombreuses années, partenaire dans plusieurs restaurants et boîtes de nuit où il a également joué sa propre musique.  « Il faut, précise-t-il, familiariser les jeunes avec ce son nouveau dans la chanson orientale. » Flirtant avec la publicité, il a signé Sea of Stars  pour une fameuse marque de soda, avec une palette d'artistes libanais. Diversifié, tout en conservant sa touche personnelle, il a composé pour Magida el-Roumi et José Carreras Light the Stars à l'occasion de l'inauguration des 15es Jeux asiatiques qui ont eu lieu à Doha.
Après avoir créé son label Oreole Records, il obtient une licence pour le fameux Café Del Mar qui va se charger, par ailleurs, de distribuer tous ses albums dans le monde. « Les gens veulent de la bonne musique qui ne se démode pas. C'est un peu dans ce sens que je travaille. Un bon CD, et ceci inclut le packaging que j'ai voulu particulièrement soigner, est comme un bon livre que l'on a envie de garder dans sa bibliothèque. Mon rêve, avoue-t-il, est de signer des musiques de film. J'ai spécialement équipé l'un de mes studios dans cet objectif. »   Fier de sa libanité - « Nous avons du courage, de la classe, du savoir-faire. Nous sommes imités partout » -, il prépare Beirut AM PM  aux sonorités instrumentales et Reflections, pour les amoureux de musique jazz, concocté avec le musicien William Leconte, prévu pour juillet prochain.
Entre deux projets, deux avions et deux sourires, Jean-Marie Riachi, un mélange d'enthousiasme, de fierté et de modestie, espère enfin donner à la musique orientale un nouveau tempo. Le sien. Belaaks en a donné le ton.