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Liban

Le mémorial pour les victimes de la guerre : un jalon sur la voie du travail de mémoire

« Encouragés par la politique du fait accompli qui s'est limitée, en guise de pacification, à blanchir les chefs de guerre et à les réconcilier, nous avons cherché d'emblée à faire l'impasse sur le passé. Le silence, devenu progressivement un acte d'autocensure sur les responsabilités libanaises dans la violence, devait inexorablement consacrer le déni. »
Ce constat, écrit en 2001 par Amal Makarem et consigné dans un ouvrage collectif sur la « mémoire », auquel ont contribué plusieurs intellectuels libanais, reste d'une éclatante actualité.
Lancé en 2000, le débat sur la « Mémoire pour l'avenir » se voulait à l'époque le début d'un long et pénible processus par lequel l'intelligentsia libanaise espérait ressusciter des cendres une mémoire écorchée par la guerre de 1975-1990 pour mieux l'exorciser avant de pouvoir tourner véritablement la page.
Le mouvement a été lancé à partir d'une conviction, à savoir que l'on ne pouvait réaliser une véritable réconciliation nationale sans réconcilier auparavant les mémoires conflictuelles.
« La mémoire sert à penser. Penser pour préserver l'humanité qu'il y a en chacun de nous », insiste Amal Makarem.
Dix ans plus tard, cette initiative majeure longtemps boycottée par les responsables politiques reprend son chemin pour être désormais reconnue et consacrée dans le cadre d'un événement officiel que le chef de l'État Michel Sleiman a accepté de parrainer lundi prochain, marquant ainsi un tournant majeur dans la politique officielle de déni.
Lors de cet événement organisé par l'association « Mémoire pour l'avenir », une cérémonie officielle aura lieu pour annoncer la création d'un mémorial national en hommage aux victimes de la guerre.
La conception de ce mémorial sera soumise à un concours adressé aux architectes libanais. « Il constituera le jalon qui permettra de réactiver le processus de mémoire, paralysé depuis des années », expliquent les membres de l'association.
Au cours de cet événement qui se tiendra place des Martyrs, une minute de silence sera observée à 12 h sur les lieux et dans l'ensemble du pays.
Pour la première fois depuis la conclusion de Taëf - acte institutionnel qui a mis fin froidement à 20 années de guerre, reléguées au chapitre de l'oubli -, une reconnaissance officielle de la nécessité d'un travail de mémoire a enfin émergé.
Lundi 13 avril sera dorénavant la date du « souvenir », celui-là même qui doit servir aux Libanais à repenser leur passé conflictuel pour dépasser la dénégation qu'ils ont perpétuée au fils des ans.
« En passant directement à la phase de l'oubli, nous avons totalement sombré dans la mémoire bloquée et, par conséquent, dans l'incohérence et l'enfermement. Il n'y a pas eu au Liban l'oubli salutaire auquel on parvient après avoir travaillé à surmonter un traumatisme, mais il y a eu en revanche l'oubli pernicieux de ceux qui se contentent de le refouler », rappelle Amal Makarem.
« La guerre ne doit pas continuer à empoisonner le pays. Tout le monde doit contribuer à trouver le moyen de mettre fin à ce problème de manière juste et équitable, sans marginaliser ni ignorer les victimes. Tant que l'on ne leur restitue pas leurs droits, notamment aux personnes disparues, nous restons face à une blessure qui continuera à saigner », dit-elle.
Car, estime cette activiste, si les Libanais ne reconnaissent pas leurs responsabilités mutuelles dans cette guerre, qui en a enfanté d'autres par la suite, l'espoir de pouvoir réaliser une véritable réconciliation nationale fondée sur un minimum de justice - et non une réconciliation de façade - s'amenuisera de jour en jour.
Toutes les crises qui nous secouent depuis 20 ans nous signalent que l'entente interlibanaise devrait passer par un débat national autour du passé, qui tarde à venir tant il est vrai que les Libanais continuent de protéger leurs chefs communautaires, souligne Amal Makarem.
L'acte hautement symbolique que signe l'association lundi prochain, place des Martyrs, se veut être le début d'une catharsis à laquelle les Libanais sont appelés ensemble à contribuer s'ils veulent véritablement se délivrer de leurs démons.
« Encouragés par la politique du fait accompli qui s'est limitée, en guise de pacification, à blanchir les chefs de guerre et à les réconcilier, nous avons cherché d'emblée à faire l'impasse sur le passé. Le silence, devenu progressivement un acte d'autocensure sur les responsabilités libanaises dans la violence,...
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