Rechercher
Rechercher

Liban

Une Ligue des cités phéniciennes, cananéennes et puniques pour stimuler un échange du savoir-faire entre les peuples

Une « journée phénicienne » s'est tenue à l'Unesco à l'initiative de Maha el-Khalil Chalabi. Elle a débouché sur la formation d'une Ligue des cités cananéennes, phéniciennes et puniques, et sur le lancement du projet « La route des Phéniciens ».
« Les Phéniciens ont été les premiers à lier l'Orient et l'Occident de la Méditerranée, et ils l'ont fait dans un esprit de paix et non de conquête, ouvrant la voie à d'autres peuples. Ils ont été, d'une certaine façon, les fondateurs de l'Union pour la Méditerranée, 1 300 ans avant notre ère. Les « Phéniciens » contemporains, si j'ose dire, poursuivent la mission de leurs ancêtres, et c'est de Tyr, à l'histoire somptueuse, que nous vient aujourd'hui l'initiative qui nous réunit... L'histoire tend la main au présent, le présent cherche ses racines dans le passé. En 2009, la Méditerranée hésite entre la guerre et la paix (événements tragiques de Gaza, processus de paix grippé, tensions au Moyen-Orient...). Il y a toujours dans ces moments-là, dans l'histoire des peuples, des personnes qui portent la lumière de l'espoir. Vous êtes de ces personnes-là, Mme Chalabi. »
Ces mots d'Hervé de Charrette expriment à eux seuls la portée et l'impact de la « journée phénicienne » qui vient de se tenir à l'Unesco, à l'initiative de Mme Maha el-Khalil Chalabi, sous le patronage du directeur général de l'Unesco, M. Koïchiro Matsuura, ainsi que du ministre français des Affaires étrangères, M. Bernard Kouchner, et avec le soutien de Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Les propos de M. de Charrette ont clôturé un long colloque qui a abouti à la constitution de la Ligue des cités cananéennes, phéniciennes et puniques, et au lancement de « La route des Phéniciens ». Un projet mis en place par la Fondation Tyr et l'Association internationale pour la sauvegarde de Tyr (AIST), présidée par Mme Maha el-Khalil Chalabi.
Cette initiative pionnière a d'emblée pris une envergure internationale, en raison de l'éventail des villes impliquées dans le projet, de sa dimension méditerranéenne en cette période où l'Union pour la Méditerranée a le vent en poupe, et des implications culturelle, patrimoniale, écologique et touristique des projets qui y sont associés.
Les ambassadeurs du Liban à Paris et auprès de l'Unesco, M. Boutros Assaker et Mme Sylvie Fadlallah, l'ancien ministre d'État libanais Ibrahim el-Daher, Mme Michèle Gendreau-Massaloux, conseillère à la présidence de la République française pour le projet de l'Union pour la Méditerranée, Mme Rodi Kratza, vice-présidente du Parlement européen, d'éminents professeurs, académiciens et archéologues français, libanais, tunisiens, des journalistes et des hommes d'affaires français, égyptiens, libanais ont été les acteurs de cette longue et passionnante journée, couronnée par une séance de signature d'une charte de La Ligue des cités cananéennes, phéniciennes et puniques par les maires des cités concernées (Carthage, Cadix, Larnaca, Marsala en Sicile, Oristano en Sardaigne, Byblos et Beyrouth). Ce premier noyau est un prélude à l'élargissement de la ligue pour regrouper la majorité des villes de la Méditerranée ayant en commun un héritage phénicien, punique et cananéen.
La signature par les maires fut un moment solennel au cours duquel lecture a été faite de la charte par l'ancien ambassadeur Bernard Dorin. La charte explique dans son préambule que « ces villes, au-delà de leurs destins divers et cheminements spécifiques au fil des siècles, veulent aujourd'hui recréer un courant d'échanges, une ambition de développer des coopérations dans différents domaines et partager leur savoir. Elles veulent ainsi conjuguer leurs efforts afin d'aider au maintien de la paix dans leurs régions respectives ».
La ligue créée apparaît comme le couronnement de l'action de Mme Maha el-Khalil Chalabi qui dure depuis vingt-cinq ans et qui est un acte de foi inlassablement répété dans le patrimoine culturel mondial que représentent Tyr et son héritage historique phénicien et punique, perpétué sur le pourtour du bassin méditerranéen, et même jusque sur les côtes de l'Atlantique, comme l'a souligné Mme Maria Teofila Martinez, maire de Cadix.
Mme Chalabi devait d'ailleurs exposer les objectifs de cette ligue et les principaux objectifs de développement durable qui y sont liés.

Symbole d'échanges et d'amitié entre les peuples
Il s'agit d'accueillir au sein de cette ligue toutes les villes qui auraient été fondées ou visitées par les Cananéens, les Phéniciens ou les Puniques. Ces villes se situent sur le pourtour du bassin méditerranéen (Algérie, Chypre, Égypte, Espagne, France, les Baléares, Gibraltar, Grande-Bretagne, Grèce, Sicile, Sardaigne en Italie, Liban, Malte, Maroc, Oman, Portugal, Qatar, Syrie, Tunisie, Turquie et Yémen).
Symbole des échanges et de l'amitié entre les peuples, la ligue pourra contribuer à la réalisation de projets divers par le transfert des connaissances et du savoir-faire. Tel serait le cas, par exemple, de la création d'ateliers pilotes, qui permettront la formation d'artisans, la création et la commercialisation de productions de petites séries, à partir d'une structure pilote à Tyr permettant de préserver une tradition millénaire. Cette expérience serait répétée dans les différentes cités de la ligue. En outre, le projet prévoit la création d'un musée à Tyr, dont l'objectif serait de révéler les antiquités au sein même de l'environnement dans lequel ils ont été découverts (un parc archéologique). La célèbre architecte Zaha Hadid a accepté de réaliser le plan de cet ensemble scientifique.
Un comité composé d'une dizaine de mairies de villes partenaires serait constitué : Byblos, Sidon, Larnaca, Malte, Carthage, Cagliari, Barcelone, Cadix, Lisbonne et bien sûr Tyr.
La charte et le programme d'action prévoient la création de quatre comités : culture et éducation (pour la collaboration interuniversitaire), tourisme culturel (pour organiser tout au long de l'année des événements autour de la régate « La route des Phéniciens »), développement de l'artisanat et des PME, et environnement (chargé d'étudier les problèmes du littoral, la pollution de la Méditerranée et de proposer des solutions). Une conférence annuelle sera organisée dans l'une des villes de la ligue autour de ces thèmes.
« Votre projet, a déclaré la vice-présidente du Parlement européen, Mme Kratza, s'inscrit dans le cadre de la préoccupation politique européenne visant à intensifier la coopération Nord-Sud. Il nous fait rêver à une Méditerranée de paix, de sécurité et de prospérité partagées. Il prévoit des projets concrets qui stimulent la créativité, l'activité économique et la conscience d'un destin commun des citoyens des pays concernés. En outre, il est ancré dans la culture. C'est un facteur primordial qui n'a pas trouvé sa place dans le processus de Barcelone. Aussi, ce projet nous rappelle que la force historique peut devenir un capital pour le présent et l'avenir. »
Est-ce l'aboutissement d'un rêve ou son début ? Cette ligue réussira-t-elle à atteindre l'objectif de coopération culturelle, environnementale, touristique et économique (soutien aux PME et à l'artisanat traditionnel), que se fixent régulièrement des forums méditerranéens depuis les années 90 et, récemment encore, l'Union pour la Méditerranée ? C'est, en tout cas, ce que les différents intervenants n'ont pas manqué de souligner, et des personnes, comme M. Pierre-Christian Taittinger, ancien sénateur de Paris et maire du 16e arrondissement, ont même « regretté que "La route des Phéniciens" ne passe pas par Paris, car il y manque un souffle phénicien dont nous aurions besoin en matière de créativité et d'urbanisme ».
Ce vent qui a soufflé d'est en ouest et du sud au nord, comme il a été répété en cours de séance, a gonflé les voiles d'un grand espoir, celui de la coopération entre les peuples et les villes de la Méditerranée, rêve qui fut celui de l'EuroMed, du processus de Barcelone et qui porte aujourd'hui le nom de l'Union pour la Méditerranée, articulée par le président Nicolas Sarkozy. L'héritage phénicien et cananéen sera-t-il un élément fédérateur de paix dans cette région où se décide en grande partie l'avenir du monde ?
En tout cas, un menu libanais a fédéré tout ce beau monde plus tard en soirée, sous les lambris dorés des salons du Quai d'Orsay, au cours d'un dîner en l'honneur des maires et des conférenciers, regroupant de nombreuses personnalités diplomatiques, universitaires, médiatiques et politiques, dîner animé par la fille de Mme Chalabi, animatrice et productrice d'émissions télévisées, Péri Cochin. Une tombola et un quiz culturel devaient mettre les invités au défi de leurs connaissances culturelles.

Les intervenants
La séance d'ouverture du colloque avait été marquée par les interventions de M. Ahmad Sayyad, représentant M. Koïchura Matsuura, directeur général de l'Unesco, de Mme Sylvie Fadlallah, ambassadrice du Liban auprès de l'Unesco, et de M. Pierre-Christain Taittinger, au nom de Jean Leclant, président de l'AIST et secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et des belles lettres.
Les interventions ont loué les efforts poursuivis par la Fondation Tyr et l'AIST, souligné le rôle constructeur des Phéniciens et se sont accordées sur l'importance de concrétiser des projets communs au bassin méditerranéen, dans le domaine de la culture et de l'éducation, du patrimoine et de l'environnement, du tourisme et de l'encouragement de l'artisanat et des PME, et enfin de l'environnement.  C'est d'ailleurs autour de ces thèmes que se sont développées les quatre tables rondes qui ont émaillé la journée, regroupant des experts, archéologues, historiens et les maires des différentes villes.
Présentés par Mme Georgia Makhlouf, journaliste et écrivaine, les intervenants ont relevé l'apport culturel, mythologique, artisanal, urbanistique, numismatique des Phéniciens, à la civilisation méditerranéenne. Se sont ainsi succédé le professeur Paolo Mathiae, professeur d'archéologie et d'histoire de l'art du Moyen-Orient à l'Université de Rome, le Dr Mohammad Hassine Fantar, directeur du centre d'études de la civilisation phénicienne punique et des antiquités libyques, le professeur Jean-Paul Morel, professeur émérite d'archéologie et d'histoire de l'art romain à l'Université de Provence, le professeur André Lemaire, le Dr Françoise Briquel-Chatonnet, directrice de recherche au CNRS, le Dr Hisham el-Shérif, chairman de IT Ventures, Égypte, le professeur Pierre Zalloua, généticien-professeur à la LAU, le professeur Samar Makki-Haïdar et le professeur Nina Zeidan, toutes deux professeures à l'UL, architectes et urbanistes (qui ont fait une lecture à deux voix sur la ville phénicienne), M. Jean-François Pernot, maître de conférences au Collège de France (histoire de la civilisation moderne euro-méditerranéenne), le professeur Julien Rochette, spécialisé en droit de l'environnement littoral, M. Jacques Gautrand, journaliste économique et consultant, et Paul Tholly (Association EuroMed Capital).
« Les Phéniciens ont été les premiers à lier l'Orient et l'Occident de la Méditerranée, et ils l'ont fait dans un esprit de paix et non de conquête, ouvrant la voie à d'autres peuples. Ils ont été, d'une certaine façon, les fondateurs de l'Union pour la Méditerranée, 1 300 ans avant notre...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut