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Liban - Commentaire

Un nouveau cabinet d’union : une hérésie, mais, surtout, une source de dangers

Le général Michel Aoun veut introduire, dans ces us et coutumes qui ont force de loi, la pratique d'un gouvernement où l'opposition disposerait du tiers des sièges. Ou qui serait formé au prorata du volume des blocs parlementaires. Dans son intervention sur la LBC, face à Marcel Ghanem, il a expliqué que l'on réaliserait de la sorte cette unité nationale que la situation politico-confessionnelle rend indispensable, ce qui n'était pas le cas par le passé.
Ce que le leader du CPL propose, c'est en somme de substituer l'accord de Doha au pacte de Taëf en ce qui a trait au volet ministériel, au prix, sans doute d'un amendement de la Constitution. Il rejoint sur cette ligne non seulement ses alliés du 8 Mars, Nabih Berry et Hassan Nasrallah, mais également le chef de l'État syrien, Bachar el-Assad, qui ne cesse de plaider pour la reconduction de la formule gouvernementale libanaise présente en affirmant que le Liban ne peut pas être gouverné par une seule fraction, mais dans l'entente de tous.
Une façon de soutenir que la démocratie, qui commande que la majorité gouverne et que la minorité s'oppose, ne convient pas à notre pays. Et que l'on doit la remplacer par un système de consensus permanent, donc de bazar perpétuel, jusqu'à ce que l'évolution des mentalités permette l'abolition du confessionnalisme.
Pour en revenir au général Michel Aoun, une question se pose : pourquoi tient-il aujourd'hui au partage en trois, alors que durant la crise de pouvoir, il avait rejeté la formule 10+10+10 avancée par le Nabih Berry ? S'il ne s'y était pas opposé, l'on n'aurait pas eu besoin de Doha. En même temps, l'on n'aurait touché ni à la Constitution ni au principe même de la démocratie, du moment qu'il n'aurait pas été formellement question d'institutionnaliser à tout jamais le cabinet dit d'union. De plus, les trois 10 étaient à l'avantage des chrétiens, puisqu'ils renforçaient la position de Baabda.
Autre question : est-il imaginable, est-il raisonnable qu'un pays largue sa Loi fondamentale au profit des us et coutumes, jusqu'à ce qu'il puisse se doter d'une nouvelle, ce qui nécessite un accord extrêmement difficile, et long, à réaliser ?
Certes, le poids des réalités nationales impose parfois d'ignorer la Constitution. Mais c'est quand elle est manifestement défaillante, en contradiction dangereuse avec ces réalités. Ainsi, après l'indépendance de 1943, les présidents de la République, à quelques exceptions et occasions près, se délestaient des prérogatives régaliennes que leur accordait la Constitution. Ils s'abstenaient, au nom de la coexistence, de former les gouvernements à leur seule guise et de nommer parmi leurs membres des Premiers ministres, comme le texte les y autorisait. Ils procédaient donc à des consultations parlementaires, pour le choix d'un chef du gouvernement, et s'attelaient avec lui à la composition du cabinet. Mieux encore, au nom de la participation, ils admettaient que le chef du gouvernement cosigne avec eux les décrets de formation qui étaient légalement de leur seul ressort.
Ces pratiques de correction d'un tir constitutionnel mal dirigé ont du reste conduit la conférence de Taëf à les avaliser officiellement, pour les insérer dans la nouvelle Loi fondamentale libanaise. Laquelle comporte sans doute beaucoup de lacunes, mais dont le fond même est démocratiquement valable. Répondant au président Saëb Salam, qui lui présentait une liste gouvernementale qui ne lui plaisait pas, en arguant des us et coutumes, le président Sleimane Frangié lui avait rappelé que, finalement, « la Constitution est plus forte que toute tradition ».
Il faut en effet que le principe premier commande, sauf cas de force majeure, unique justification de l'accord de Doha. Le retour à Taëf s'impose d'autant plus que la proposition de Michel Aoun implique des risques lourds pour le pays politique. D'abord, le clivage ambiant, mais aussi l'appétit des groupes et des personnes, peut vite aboutir à l'impasse et à la crise de pouvoir si l'on veut former un cabinet rassemblant toutes les parties. Et si l'on y parvient, ce serait à coup sûr la paralysie étatique, comme l'expérience actuelle et la précédente le prouvent.
Ensuite, le chef du CPL a certainement tort d'estimer que la soi-disant démocratie consensuelle préserve les droits des chrétiens. Certes, malgré la parité égale établie par Taëf, leurs intérêts sont manifestement rognés et même spoliés, depuis la tutelle. Mais ils ne peuvent jamais être bien défendus tant que les leaderships de la communauté restent aussi divisés, alors que les directions politiques des communautés musulmanes se montrent homogènes. Notamment les chiites, dont l'unité leur permet de chercher à imposer leurs conditions à tout bout de champ.
Le général Michel Aoun veut introduire, dans ces us et coutumes qui ont force de loi, la pratique d'un gouvernement où l'opposition disposerait du tiers des sièges. Ou qui serait formé au prorata du volume des blocs parlementaires. Dans son intervention sur la LBC, face à Marcel Ghanem, il a expliqué que l'on réaliserait de la sorte cette...
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