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Liban - Éclairage

Entre Berry et Siniora, un contentieux plus profond qu’il n’y paraît...

S'il est vrai qu'au Liban, une polémique chasse l'autre, celle qui oppose depuis quelques jours le président de la Chambre au Premier ministre semble plus coriace que les précédentes. En dépit des efforts discrets mais insistants du président de la République pour trouver une solution au problème du financement du Conseil du Sud, le fossé se creuse entre Nabih Berry et Fouad Siniora. Aux dernières nouvelles, le premier devrait se rendre aujourd'hui à son rendez-vous hebdomadaire avec le président Michel Sleiman, mais son bureau de presse a affirmé qu'il n'était pas au courant d'une réunion tripartite avec le Premier ministre au palais de Baabda.
Aucune partie ne souhaitait donc hier confirmer ou infirmer cette rencontre, mais elle est certainement dans l'air. Toutefois, des sources proches de Nabih Berry ont affirmé que le conflit entre le président de la Chambre et le Premier ministre est bien trop profond pour être réglé par un déjeuner ou une simple rencontre. Même si les deux parties insistent pour affirmer que le conflit n'a rien de personnel, des sources proches du chef du Législatif précisent qu'en plus du contentieux légal dû, aux yeux de M. Berry, à une mauvaise application de la loi de la part du Premier ministre, le courant ne passe pas entre les deux hommes. Depuis 1992, lorsque Rafic Hariri était arrivé au pouvoir, le président de la Chambre, qui avait d'excellentes relations avec lui, se plaignait déjà des agissements de M. Siniora. Mais M. Berry réussissait toujours à éviter le conflit direct à cause d'abord de la présence de Rafic Hariri, ensuite de son propre sens de la diplomatie.
Toujours selon des sources proches de Aïn el-Tiné, la situation a toutefois atteint un stade inacceptable. Selon elles, M. Siniora se comporte désormais comme un chef aux pouvoirs absolus, et son ambition dépasse le cadre du contrôle des dépenses du Conseil du Sud. Ces sources affirment que l'actuel Premier ministre roule désormais pour son propre compte et pour celui des Américains. Elles rapportent ainsi que le président de la commission des Affaires étrangères du Congrès américain, John Kerry, s'est entretenu avec l'ancien ambassadeur des États-Unis au Liban, Jeffrey Feltman, avant d'entamer sa visite à Beyrouth et que ce dernier lui aurait conseillé de rencontrer le Premier ministre et le chef du Courant du futur en plus du président de la République. Il lui aurait aussi suggéré d'évoquer avec ses interlocuteurs à Beyrouth la future présidence de la Chambre après les élections de juin, dans une volonté de ne pas laisser Nabih Berry revenir à ce poste. Les sources proches de Aïn el-Tiné ajoutent que les Américains souhaiteraient pousser Fouad Siniora à présenter sa candidature aux élections pour un des deux sièges sunnites de Saïda, en prélude à son retour à la tête du gouvernement qui serait formé après les législatives.
Cette initiative pose un problème à Nabih Berry qui forme généralement la liste à Saïda avec la candidate Bahia Hariri, tout en laissant un siège à Oussama Saad pour éviter une bataille électorale. Or, si Fouad Siniora se présentait aux élections avec Bahia Hariri, cela signifierait qu'il y aura une bataille et qu'il y a de fortes chances qu'elle soit remportée par la majorité actuelle, d'autant que la Jamaa islamiya a déclaré qu'elle voterait cette fois pour le Courant du futur. Les sources proches de Nabih Berry estiment donc que la récente visite de Fouad Siniora à Saïda s'inscrit dans ce cadre et qu'elle est essentiellement dirigée contre le président de la Chambre.
Le problème du Conseil du Sud n'est donc qu'un des aspects d'un conflit bien plus général et profond. Pour l'instant, l'opposition en général et le président de la Chambre, en particulier, souhaiteraient éviter une bataille électorale à Saïda. C'est pourquoi le député actuel, Oussama Saad, a affirmé qu'il se présente seul, en indépendant, laissant ainsi le second siège sunnite à Mme Hariri. Mais si la candidature de Fouad Siniora se précise, il faudra sans doute former une liste complète et dans ce cas, la bataille sera totale et difficile. Les sources proches de Aïn el-Tiné ajoutent que si le Premier ministre comptait réellement revenir à la tête du prochain gouvernement, Nabih Berry pousserait alors l'opposition, qui serait peut-être entre-temps devenue la nouvelle majorité, à désigner Saad Hariri pour former le nouveau cabinet.
Mais au-delà du conflit des personnes, ce sont deux visions divergentes qui s'affrontent. Les sources proches de M. Berry précisent ainsi que l'idée fondamentale est de remettre en cause l'accord de Doha dans son aspect consensuel. La majorité actuelle, Fouad Siniora en tête, souhaiterait montrer l'échec de la formule du gouvernement d'union nationale et du principe du tiers de blocage en montrant qu'il bloque le fonctionnement des institutions étatiques.
Le contentieux serait donc plus grave qu'il n'y paraît, même si la possibilité d'un replâtrage à la libanaise n'est jamais à exclure.
Les milieux politiques pensent en tout cas que toutes les données pourraient changer si la tendance à la réconciliation arabe, et en particulier entre l'Arabie saoudite et la Syrie, se confirmait dans le cadre du prochain sommet de Doha. Une telle atmosphère ne pourrait qu'avoir des répercussions positives sur la situation au Liban et sur les résultats des élections dans certaines circonscriptions...
S'il est vrai qu'au Liban, une polémique chasse l'autre, celle qui oppose depuis quelques jours le président de la Chambre au Premier ministre semble plus coriace que les précédentes. En dépit des efforts discrets mais insistants du président de la République pour trouver une solution au problème du financement du Conseil du Sud, le...
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