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Citoyen grognon Telles du bétail d’Anne-Marie el-Hage

Qu’ils soient libanais ou étrangers, dès qu’ils ont terminé les formalités nécessaires et qu’ils ont récupéré leurs bagages, les voyageurs arrivant au Liban passent la portière du hall de l’aéroport, chacun à son tour, poussant leur chariot rempli de valises. Ils sont alors accueillis à grandes effusions par des membres de leur famille venue en tribu, ou par des amis, lorsqu’il s’agit de touristes ou même d’hommes d’affaires. C’est en essaims gais et bruyants qu’ils gagnent la sortie, tous ensemble, après les larmes et les youyous d’usage. La scène des retrouvailles est touchante, empreinte d’un brin de folklore... Seule une catégorie de personnes échappe à cette sympathique routine, une catégorie de personnes qui ne peut regagner librement la sortie : les employées de maison migrantes. À leur descente d’avion et dès qu’elles se plient au contrôle d’usage auprès du contrôleur de la Sûreté générale, leur passeport leur est confisqué, de même que leur carte de séjour, pour celles qui retournent chez leur employeur après un congé bien mérité. Empêchées de rejoindre la sortie en même temps que les voyageurs « libres », elles sont laissées de côté, debout, une heure durant, histoire d’être regroupées. Ce n’est qu’une fois les formalités de toutes les employées de maison achevées que ces femmes sont encadrées vers la sortie par des agents de la Sûreté générale. Mais leur attente n’est pas pour autant terminée. On leur ordonne avec fermeté, voire brusquerie, de ne pas adresser la parole à leur employeur qui les attend depuis une bonne heure, mais de suivre le groupe. Les agents n’hésitent pas à tancer vertement l’employeur qui se joint à ce groupe pour s’enquérir de la santé de son employée ou pour s’assurer que son voyage s’est bien passé. « Marchez de l’autre côté, madame », aboie l’agent, s’adressant à une maîtresse de maison désemparée par cette triste mise en scène. « Et toi, suis le groupe », poursuit-il, s’adressant à la femme de ménage avec agressivité. Les femmes migrantes sont aussitôt convoyées, tel un troupeau, vers une petite salle où opèrent les fonctionnaires de la Sûreté générale, séparée du hall de l’aéroport par une vitre. La porte est rapidement fermée. Commence alors le lent processus d’identification de chaque « patronne » ou de chaque « garant », et la distribution des « domestiques ». C’est au compte-gouttes que les femmes migrantes sont autorisées à sortir, une fois leur formalité terminée. Celles en possession d’une carte de séjour sortiront les premières, l’une après l’autre. Leurs papiers seront remis en mains propres à leur employeur. Quant aux nouvelles recrues, qui en sont à leur premier séjour de travail au Liban, elles devront patienter debout plus longtemps, encore une bonne heure pour certaines. Gare à la personne qui oserait se rebeller contre une telle pratique, elle serait aussitôt rappelée à l’ordre par l’agent de faction qui la bombarderait d’un « Et vous, ne la faites-vous pas travailler comme du bétail ? » Difficile de ne pas s’emporter face à un tel comportement. Un comportement qui se poursuivra tant qu’aucune loi ne régira le travail des employées de maison migrantes pour mettre fin à ces agissements barbares.
Qu’ils soient libanais ou étrangers, dès qu’ils ont terminé les formalités nécessaires et qu’ils ont récupéré leurs bagages, les voyageurs arrivant au Liban passent la portière du hall de l’aéroport, chacun à son tour, poussant leur chariot rempli de valises. Ils sont alors accueillis à grandes effusions par des membres de leur famille venue en tribu, ou par des...