Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Commentaire À quand un tremblement de terre dans la politique chinoise ? par Liang Jing*

Maintenant que l’onde de choc de l’énorme tremblement de terre du Sichuan s’est dissipée, le temps est venu de se demander s’il a ébranlé – et de quelle manière – le système politique chinois. La secousse a-t-elle engendré un nouvel élan politique en faveur des réformes ? Un phénomène de ce genre a déjà eu lieu. Le tremblement de terre dévastateur de Tangshan en 2007 a été suivi peu après de changements politiques spectaculaires (la chute de la « Bande des quatre » et la consolidation de la position de Deng Xiaoping comme leader suprême). Étant donné le contraste entre la compassion affichée par le Premier ministre Wen Jiabao et le médiocre bilan politique du président Hu Jintao, une partie de l’opinion a cru que le tremblement de terre avait modifié l’équilibre des forces au sommet du Parti communiste au profit des éléments les plus libéraux représentés par Wen. Mais ce point de vue est naïf. Contrairement à ce qui s’est passé il y a 30 ans, il n’existe aucun courant politique d’importance en faveur des réformes au sein du vaste système bureaucratique chinois. À cette époque, la Révolution culturelle de Mao avait poussé beaucoup de ses camarades révolutionnaires sur un chemin réformiste. Aujourd’hui, les bureaucrates dans leur écrasante majorité sont en faveur du statu quo et disposent des moyens pour se protéger. Avec ses efforts sans compter pour les victimes du tremblement de terre, Wen a gagné le cœur de la population, mais il reste isolé dans les cercles officiels. Et même si Hu peut difficilement cacher sa médiocrité, les bureaucrates n’y sont guère sensibles ; ils ne tiennent pas à se retrouver sous l’autorité de quelqu’un de capable et de sérieux. Mais le tremblement de terre du Sichuan n’a pas été sans conséquence sur la politique chinoise. Wen, qui avait maille à partir avec les bureaucrates, avait réagi en favorisant une plus grande ouverture des médias et davantage de transparence. Il avait cherché à profiter des Jeux olympiques pour donner une liberté sans précédent aux journalistes étrangers, mais les bureaucrates ont réussi à revenir sur cette décision. Le tremblement de terre a donné à Wen une seconde chance inattendue. Il s’est servi de la télévision et de sa brillante prestation pour montrer que les médias et les nouveaux outils d’information pouvaient l’emporter sur la bureaucratie chinoise. Ce précédent ne sera pas facile à faire oublier et constituera un stimulant fort sur la voie d’une avancée politique. Avec le tremblement de terre et la transparence des médias qui l’a accompagné, les bureaucrates ont davantage à rendre des comptes. Des milliers de gens sont morts, dont près de 10 000 écoliers dont les parents ne seront pas faciles à apaiser. Des millions de gens qui ont tout perdu doivent être relogés et il y faudra quelques années. Il ne faut pas laisser les bureaucrates attribuer à leur guise les dons collectés en abondance et les fonds de secours fournis par l’État. C’est l’occasion de développer une nouvelle culture politique fondée sur la responsabilité. Mais cela ne veut pas dire qu’une personnalité ayant le courage et la capacité d’assumer un leadership politique audacieux émergera du parti. Les futurs dirigeants chinois seront plus probablement issus de la société civile chinoise naissante que de la bureaucratie. Ils pourraient venir des organisations non gouvernementales, en plein essor. Même si le parti utilise différents moyens pour freiner leur développement, on a pu constater à l’occasion du tremblement de terre qu’il n’a pas réussi à les éliminer en tant que force sociale. Elles ont ainsi acquis une certaine visibilité, et un nombre de gens sans précédent ont ainsi perçu cette société civile émergente comme une force positive au service de leur propre intérêt. Il est une autre force silencieuse encore plus puissante d’où pourrait émerger une nouvelle génération de leaders politiques : la croissance rapide des chrétiens, estimés aujourd’hui à 20 millions. Avec une population de 1,3 milliard d’habitants, la Chine ne manque pas de personnalités ayant les qualités requises d’un dirigeant, et de plus en plus elles se trouvent à l’extérieur de la bureaucratie du parti, dans les ONG, les start-ups, les organisations philanthropiques et même parmi les missionnaires. Dans l’environnement essentiellement clos d’aujourd’hui, il leur manque la conscience de leur capacité et de leur vision politique. Mais cette conscience pourrait s’éveiller dans un environnement plus ouvert et plus transparent. Une question reste encore en suspens : quand arrivera le temps d’un changement politique majeur ? Wen Jibao écrivait récemment alors qu’il était dans le Sichuan que « davantage de difficulté réveillera le pays ». Il croyait manifestement que les Chinois doivent souffrir encore plus pour réaliser des progrès politiques. C’est peut-être vrai, mais je crois qu’une nouvelle génération de dirigeants pourrait émerger d’un environnement plus ouvert du point de vue de l’information. Et s’il devait y avoir une quelconque confrontation, il reste à espérer que les dirigeants ne se serviront pas des vies humaines innocentes à titre de monnaie d’échange. *Liang Jing est le pseudonyme d’un chercheur en politique chinoise qui appartenait à l’un des cercles de réflexion de Zhao Ziyang, l’ancien secrétaire général du Parti communiste. Il a obtenu un doctorat en économie aux USA et vit actuellement en Chine où il tient une chronique pour Radio Free Asia. © Project Syndicate, 2008. Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Maintenant que l’onde de choc de l’énorme tremblement de terre du Sichuan s’est dissipée, le temps est venu de se demander s’il a ébranlé – et de quelle manière – le système politique chinois. La secousse a-t-elle engendré un nouvel élan politique en faveur des réformes ?
Un phénomène de ce genre a déjà eu lieu. Le tremblement de terre dévastateur de...